Femmes, religions et immigration

La politique d'immigration menace l'autonomie des femmes

420167ffc029df96bc89acdda7f9b60d

Tribune libre

Édition du Devoir du lundi 16 mars 2009


Les grandes religions ont fait beaucoup de tort aux femmes en les présentant comme des êtres inférieurs et impurs, et de dangereuses tentatrices des hommes. Ces représentations seraient dépassées? Détrompons-nous, elles sont bien présentes.


En 2001, l'église de Rome a recommandé aux évêques de ne pas laisser les femmes accéder aux formations qui préparent au sacerdoce, car cela augmenterait leur désir de devenir membres du clergé. D'autres religions vont bien plus loin: elles imposent la soumission au mari, interdisent aux femmes l'accès aux fonctions publiques, la liberté de mouvement, le droit à la dissidence religieuse sous peine de mort ou d'expulsion. Il est clair que religion et égalité des sexes ne feront jamais bon ménage.


Ces années-ci, la nouvelle scène urbaine est bien souvent en contradiction ouverte avec les objectifs de laïcité et d'égalité des sexes. Alors que plusieurs églises, couvents et monastères catholiques et protestants sont convertis en condominiums, musées, salles de théâtre ou de concert, on voit se multiplier les lieux de culte baptistes, évangélistes et adventistes, les mosquées, les synagogues, les chapelles de rite orthodoxe, et les temples bouddhistes, sikhs et hindous; tout cela avec l'arrivée d'importants contingents d'immigrants qui viennent s'ajouter à des communautés religieuses jusque-là très minoritaires au Québec.


La visibilité de cette présence est bien réelle et constitue désormais un élément de la culture. Les coutumes vestimentaires des religieux, juifs, musulmans, bouddhistes, hindous et sikhs sont bien affirmées dans l'espace public; à cela s'ajoutent des postures qui ne vont certainement pas dans le sens de la laïcité et de l'égalité des sexes.


Ces coutumes seraient le fait d'une faible minorité? Voyons les faits. Les immigrants de date récente représentent 9,9 % de la population québécoise. En 2001, ils comptaient pour 5 % des non-croyants, 5,5 % des catholiques, 22 % des protestants, 57,5 % des orthodoxes, 69,3 % des musulmans, 32 % des juifs, 71 % des bouddhistes, 67 % des hindouistes et 64,7 % des sikhs. Les pourcentages témoignent d'une augmentation très importante des communautés musulmane, bouddhiste, hindouiste et sikhe.


En somme, la composition ethnoreligieuse du Québec change et va continuer de changer comme on le voit quand on étudie de près l'âge des pratiquants.


On dira qu'un quart de million de nouveaux venus ne peut avoir une influence importante sur 7 millions de citoyens et qu'il n'y a pas lieu de s'inquiéter. C'est un peu court. Car s'ajoute au nombre l'intensité de la présence, c'est-à-dire la question de la pratique et de la «ferveur» et l'âge des pratiquants.


Alors que les quatre cinquièmes de la population du Québec se présentant comme catholiques et protestants pratiquent peu et que ceux qui continuent de le faire sont âgés, les adeptes des autres religions en augmentation ont un taux de pratique de 42 % à 45 % selon des chercheurs sur le terrain. Non seulement les nouveaux arrivants sont plus fervents, mais leurs liens intracommunautaires sont aussi plus forts; ce sont souvent les églises et leurs pasteurs qui ont accompagné les immigrants de ces communautés depuis leur arrivée, aussi les relations avec les pasteurs sont-elles fortes et très régulières pour les deux tiers d'entre eux. Chez les musulmans, ce sont les jeunes qui fréquentent davantage la mosquée, à l'inverse des catholiques et des protestants. Enfin, alors que les catholiques et les chrétiens laïcisés ne portent plus de signe distinctif de leur «foi», un bon nombre de membres d'autres communautés religieuses exposent la leur jusque dans les établissements publics.


La politique d'immigration que s'est donnée le Québec a favorisé les ressortissants des pays arabo-musulmans à partir du critère de la langue parlée, dans ce cas, le français, c'est là un motif raisonnable, mais qui pourrait céder un peu de sa place à d'autres rationnels, comme la proximité culturelle avec les ressortissants de pays d'Europe de l'Est, d'Amérique du Sud et d'Asie.


Alors que la grande majorité des femmes qui vivent au Québec depuis quarante ans jouissent d'une réelle autonomie juridique, sociale, morale et physique, telle n'est pas la condition de plusieurs de leurs nouvelles concitoyennes, musulmanes, juives, ou membres de quelques communautés protestantes, sikhes et hindoues, comme le notent les chercheurs sur le terrain.


Que faire?


Reconsidérer le choix des pays d'immigration; faire en sorte que les aspirants à la citoyenneté s'engagent par écrit à respecter les valeurs québécoises; exiger que toutes les écoles dispensent un enseignement laïc conforme au programme scolaire officiel; refuser toute subvention aux centres de loisirs et de santé ne faisant pas droit à la laïcité et à l'égalité entre les hommes et les femmes.


Ces réflexions et propositions sont nées d'échanges avec des démographes, sociologues, économistes, juristes; des spécialistes de l'action démocratique, des militants syndicaux, des professionnels de la santé. Elles doivent beaucoup aux écrits des féministes, hommes et femmes dont l'enseignement et la recherche portent sur les religions comme phénomène social et sur la question des femmes et des religions. Le 8 mars était l'une des occasions favorables pour rappeler les problèmes que les religions continuent de poser à l'égalité des sexes.


Marie-Andrée Bertrand, Officier de l'Ordre national du Québec et membre du Conseil de l'Ordre, Professeure émérite de l'Université de Montréal



Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé