Il y a vingt mois, la ministre responsable de la Charte de la langue française, Christine St-Pierre, avait promis d'agir avec diligence pour changer les pratiques bilingues clientélistes de l'appareil gouvernemental. Manque de zèle? Embûches réglementaires? Vulnérabilité politique? Vingt mois plus tard, rien n'a changé, et ce, malgré la détermination affichée jadis par la ministre pour mettre fin à cet apparent bilinguisme québécois.
En avril 2008, Le Devoir avait mis au jour, coup sur coup, deux glissements de la fonction publique québécoise vers un bilinguisme officiel douteux. Une première pratique consistait à offrir, aux allophones qui le requéraient, des services gouvernementaux en anglais, et ce, pour leur vie durant. Une seconde résidait, par le truchement d'Internet, dans l'offre de services administratifs aux entreprises en anglais, et ce, en totale contradiction avec la Charte de la langue française. Le français comme langue officielle au Québec? Un mirage!
Troublée par ces révélations à l'époque, la ministre St-Pierre avait exigé que son Secrétariat à la politique linguistique invente un «mécanisme» permettant le retour aux communications en français avec les allophones, une fois un certain délai d'intégration passé. Consentie de bon aloi à leur arrivée au Québec, cette période de grâce devrait avoir une fin, avait-elle laissé entendre. Or, comme notre collègue Robert Dutrisac l'a constaté cette semaine en faisant simplement le suivi rigoureux de son dossier, rien n'a encore été fait. La situation est inchangée. Tout au plus promet-on un «rapport» début 2010, qui éclairerait sur la marche à suivre.
La ministre St-Pierre avait aussi promis en avril 2008 que l'administration publique québécoise serait «exemplaire» dans son usage du français avec les entreprises. Mais de ce côté-là non plus rien n'a bougé. Les beaux discours sur la protection du français et la francisation des immigrants ne seraient donc que la façade officielle camouflant un manque de vigilance et une incapacité à manoeuvrer politiquement ce dossier capital?
L'exemple vient d'en haut. Le gouvernement du Québec, qui est perçu par nombre d'allophones comme une province bilingue, ne s'échine pas du tout pour défendre son unilinguisme. Là où ils auraient dû être proactifs, les libéraux de Jean Charest se sont laissés porter par la vague, insouciants alors qu'ils auraient dû être aux aguets.
Ils ont maintes fois refusé un examen attentif de la Charte; n'ont pas voulu étendre l'application de la loi 101 aux petites entreprises; refusent de discuter franchement du cégep en français.
Le récent jugement de la Cour suprême, qui invalide la loi 104 sur le subterfuge des écoles privées non subventionnées pour accéder à l'école en anglais, force Québec — quelle ironie! — à relire la loi 101 et peut-être même à élargir son effet. Voilà le moment venu pour une revue exhaustive des pratiques. C'est l'occasion également pour les responsables du dossier linguistique de passer de la parole aux actes. La comédie a assez duré.
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