Avec une expression mêlant à la fois la reconnaissance objective de la réalité du monde et l’arrogance propre au pouvoir, l’un des plus grands milliardaires de la planète a eu ces mots : "La lutte des classes existe bel et bien, et ma classe est en train de la gagner." Il s’agit, en fait, d’une analyse claire et lucide des nouveaux rapports de force issus de la révolte des élites et de l’offensive néolibérale contre le monde du travail et des droits humains. Un scénario dont peu de gens ont conscience, tant il est vrai que le pouvoir fait tout pour nous induire en erreur et utilise ses armes de distraction de masse.
Mais pour bien comprendre la portée réelle de cette nouvelle élite oligarchique comme agent du capital absolu-totalitaire dans cette époque de retour à une certaine forme d’esclavage, il n’est pas inutile de s’arrêter un instant sur le "Groupe Bilderberg", l’emblème de l’Internationale libérale-financière de notre ère néo-féodale.
Contrairement à ce que l’on pourrait penser à première vue,… le Groupe Bilderberg n’est pas une forme de société secrète ni une quelconque conspiration. Il s’agit en fait d’un rassemblement privé entre puissants du monde entier [dont la liste officielle pour 2015 est ici – NdT], qui se répète tous les ans, depuis la toute première réunion en 1954 dans l’hôtel Bilderberg situé à Oosterbeek, en Hollande.
Cette réunion annuelle a pour but de faire se confronter les puissants issus de l’élite, unis par une même idéologie néolibérale qui les représente, et par la volonté de former un réseau dédié à la défense de leurs intérêts et à l’union des institutions bancaires.
C’est très précisément ce qu’on pourrait définir comme une Internationale libérale-financière, dont la devise semble être se cristalliser dans l’inversion des paroles par lesquelles Marx concluait son Manifeste : "Puissants du monde entier, unissez-vous !".
Vu sous un certain angle, on pourrait dire que le Groupe Bilderberg n’est rien d’autre qu’un réseau d’intérêts interdépendants de type financiers, politiques, économiques et industriels.
De 1954 à nos jours, il n’a jamais été permis à la presse d’assister aux réunions du Groupe Bilderberg, et l’agenda de leurs congrès n’a jamais été publié, pas plus que des déclarations de ceux qui y ont participé.
Véritable expression des arcanes impériaux de l’économie mondiale financiarisée, la recherche permanente du secret le plus absolu de cette nouvelle oligarchie finit paradoxalement par être extrêmement révélatrice de la véritable nature du Groupe Bilderberg, à savoir, un gouvernement occulte qui opère dans l’ombre, et détermine les lignes générales de politiques réduites à n’être qu’une simple prolongation de l’économie, par d’autres voies.
Bien que les réunions soient totalement secrètes, les intérêts de l’élite Bilderberg sont parfaitement connus, car ils coïncident avec ceux du capitalisme financier dans sa phase la plus absolue (pour une analyse plus poussée, je me permets de vous renvoyer à mon étude »Minima mercatalia. Filosofia e capitalismo").
Ces intérêts gravitent autour du projet central consistant à la fois à éliminer les États nationaux et des droits sociaux, à créer une immense classe pauvre de personnes précaires, nomades et disposées à tout pour survivre, à détruire les constitutions et les frontières nationales, à mettre en place de nouveaux traités internationaux contraignants qui font primer l’économie et la Banque, à attaquer tous azimuts le monde du travail et les garanties sociales.
Les plans et les projets du Groupe Bilderberg incarnent l’essence même de la révolte des élites : les unions et les traités internationaux sont utilisés comme moyens pour mettre fin aux souverainetés nationales et démocratiques, et par là même, déstructurer le Droit et l’État social, en imposant comme seul paramètre la compétitivité au niveau international.
Au travers des traités internationaux [comme le projet de TAFTA – NdT], les gouvernements sont en réalité privés de leur pouvoir qu’ils cèdent à des agences internationales et financières, lesquelles se substituent de plus en plus aux États nationaux dont les dirigeants étaient, du moins sur le papier, élus par le peuple.
En opérant ainsi, l’oligarchie financière de l’élite peut agir en tant que société pour oeuvrer au niveau mondial et administrer la planète à travers un réseau transnational capable d’imposer un nouvel ordre mondial marqué par la logique du capitalisme absolu et flexible, sans rencontrer la moindre résistance.
Comme l’aurait déclaré David Rockefeller en juin 1991 lors d’une réunion du Groupe Bilderberg à Baden Baden, une souveraineté supranationale exercée par une élite intellectuelle et par des banquiers mondiaux est décidément préférable à la traditionnelle autodétermination des nations.
Dans ces mots, au fond, on retrouve la substance essentielle du programme internationaliste de libéralisation sans frontière poursuivi par cette nouvelle Internationale libérale-financière, consistant en la destruction complémentaire de l’"esclave" (servo, en italien) en tant que sujet capable de s’organiser et de s’opposer, et de tous les obstacles réels ou symboliques à même de freiner l’expansion illimitée du nihilisme économique.
L’objectif ultime est l’instauration d’un gouvernement unique mondial régnant sur un seul marché planétaire, où ne subsiste plus aucune culture ou identité plurielle, où l’humanité est dissoute en simples atomes de consommation privés de toute racine et de toute capacité à se projeter, réduite à une immense plèbe précarisée et asservie.
En gros, c’est le triomphe du classisme(*) planétaire et du fanatisme économique et transnational.
Diego Fusaro
Source : ilFattoQuotidiano.it, le 14/02/2016
Traduction : Christophe pour ilFattoQuotidiano.fr
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