Ce fut une semaine de grande agitation. Le deuil a vite été repoussé à l'arrière-plan. Les sparages canadian ont pris le dessus. Toute cette affaire de racisme ordinaire distillé avec la morgue bien-pensante du [Globe and Mail->2009] aura provoqué un énorme babillage médiatique et tout un ballet politicien. Nous devrions être rassurés, même notre Premier sous-ministre a paru indigné. Nous aurons eu droit aux protestations d'usage, aux déclarations offusquées et à toute la rhétorique de circonstance. Sans oublier la chasse au plus cave où, paraît-il, un certain Petit, député conservateur des environs de Québec, s'est distingué (Cyberpresse, 21 septembre). Et puis rien.
Le spectacle aura fait bonne diversion. La GRC s'en tire à peu de frais. Et il n'y a toujours pas eu d'excuses aux 450 Québécois et Québécoises incarcérées en octobre 70. Il n'y avait pourtant rien d'étonnant dans cette petite vacherie si canadian. Ça revient périodiquement depuis près de trois siècles, cette francophobie rampante. Ça crève de temps à autre comme un abcès purulent et à chaque fois cela donne lieu aux mêmes simagrées et les bonnes âmes y voient un simple rappel pour donner la mesure de la tolérance qui fait ce si «plus meilleur pays du monde».
Une fois les chemises déchirées, le Québec reprend sa place. Au mépris ouvert succède le bon vieux consentement au déni habituel. Il est tellement plus confortable de vivre dans l'oblitération. Il est tellement plus simple de s'accommoder de la sous-oxygénation chronique, de s'adapter au sous-financement planifié pour nous garder anémique. Il est tellement plus fair play de se contenter de déplorer de vivre sous l'empire d'une constitution illégitime. Le Canada se vit mieux sous la courtoisie.
Quand on est toléré, quand on est content de l'être, on finit par penser qu'il y a de la grandeur à faire le dos rond. Et on se répète qu'il ne faut pas tout mélanger, qu'un système vaut mieux qu'une anecdote, que la négation constitutionnalisée fait moins mal que le mépris ouvert et les propos malséants. Alors on jabote quand c'est trop cru. Et on se dit qu'il faut passer à autre chose ou on endure. C'est ainsi que se pense et se comporte la province.
Rien de ce qui peut être dit ou infligé au Québec n'aura jamais assez d'importance pour que soit proclamée la mesure pleine. Il n'y aura pas d'«assez, c'est assez» qui surgira d'une seule voix. Il y a toujours cette chorale d'inconditionnels pour minimiser l'opprobre et pour afficher sa réprobation pusillanime. Le Québec peut toujours ravaler. Le Canada en vaut tellement la peine. Tant de grandeur, tant d'avantages, notre prospérité. Soupirs.
Encore quelques scribouilles de Gesca pour se désoler et mieux ainsi achever de passer l'éponge en ramenant la chose à un malheureux débordement et c'est reparti. Jusqu'à ce que quelqu'un d'autre, à Toronto, Calgary ou ailleurs nous vomisse dessus à pleine page, à propos du pire ou de rien du tout. Il faut les comprendre, c'est tellement leur demander de supporter notre existence. Ça peut même les épuiser de faire tant d'efforts pour nous préserver de nous-mêmes. Le Globe nous aime, après tout. Nous devrions être reconnaissants de nous savoir ainsi aimés. Le canard de l'élite canadian ne manque jamais de hauteur de vue. Ou si peu. Et lorsque cela survient, il se trouve toujours une vice-reine quelconque pour nous apostropher, nous remettre le nez dans notre si évidente ingratitude.
Le procédé est usé. Mais ça marche. Les sparages repartent pour un temps. Il s'en trouve même pour y voir de vrais débats. La dame Jean, décidément, sert bien sa fonction, même quand elle en sort. Elle aura permis à Benoît Pelletier de pauser au Great Canadian en nous disant que la différence québécoise est une grande valeur pour le Canada, - histoire de redire encore et encore que nous ne sommes rien par et pour nous-mêmes. (Cyberpresse, 24 septembre) La patience, toujours la patience, toujours plus efficace quand elle se mire dans le regard de l'Autre. Le Canada aussi doit faire un effort, dit-il, pour qu'il y en ait pour tout le monde dans le vaudeville. Même vertueux le Québec ne peut exister qu'en s'annulant : le brave ministre donne la réplique, mais ça ne lui sert qu'à mieux nous enfoncer.
L'opérette de cette semaine n'aura servi qu'à redire et conforter l'essentiel du modus vivendi canadian : mieux vaut l'oblitération constante que l'insulte ponctuelle. Quand cette dernière surgit, on peut toujours corriger, sachant qu'il s'en trouvera pour tendre l'autre joue ou faire diversion en nous serinant les valeurs canadiennes.
Il n'en coûte rien d'exiger des excuses des racistes torontois, tout le monde sait, au Canada, que c'est sans conséquence. On connaît le numéro. On sait que cela fait vendre de la copie. On sait que les politiciens en profiteront pour se draper dans la vertu. On sait aussi qu'il faut de temps à autre que les maîtres fassent semblant d'avoir de la considération pour les vaincus. Les aspirants à la chefferie du PLC ont bien posé les dilemmes qui en découlent : ou bien, on règle en lançant les leurres d'une reconnaissance sans portée, ou bien on gère comme si de rien n'était, sachant que la cinquième colonne continuera de distiller l'esprit Gesca de minimisation des pertes.
Les réactions aux injures racistes ont tout simplement servi à rendre encore un peu plus opaque l'écran dressé devant la condition québécoise. Les bons sentiments n'auront servi qu'à mieux engluer la réalité de notre situation politique et à conforter la plupart des acteurs dans leurs rôles - l' effet de contraste, la technique est bien connue. Le Québec bashing n'a jamais de conséquences sérieuses et durables, mais il arrive souvent qu'il rapporte politiquement au moins autant à ceux qui l'assènent qu'à ceux qui s'en offusquent.
On ne satisfait pas aux exigences de la dignité en quémandant des excuses mais en nommant les choses comme elles doivent l'être quand on vit dans un régime qui s'est construit sur notre négation. L'épisode s'est déroulé d'une manière tout à fait prévisible. Ce genre de débordement est parfaitement utile, fonctionnel. Il aide à travestir la domination sous les atours de la tolérance. Il sert en fait à réaffirmer et à raffermir les mascarades idéologiques qui contribuent à nous maintenir en cet état de sujétion où il suffit de jeter quelques phrases d'une bienséance convenue pour avoir l'air de tenir vraiment à respecter le Québec et son peuple. C'était le ressort principal du discours de Harper à Québec lors de la campagne électorale, c'est un puissant sortilège.
Il vaut mieux être affable pour faciliter le consentement à la minorisation.
Il vaut mieux être affable
Chronique de Robert Laplante
Robert Laplante173 articles
Robert Laplante est un sociologue et un journaliste québécois. Il est le directeur de la revue nationaliste [L'Action nationale->http://fr.wikipedia.org/wiki/L%27Action_nationale]. Il dirige aussi l'Institut de recherche en économie contemporaine.
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Robert Laplante est un sociologue et un journaliste québécois. Il est le directeur de la revue nationaliste [L'Action nationale->http://fr.wikipedia.org/wiki/L%27Action_nationale]. Il dirige aussi l'Institut de recherche en économie contemporaine.
Patriote de l'année 2008 - [Allocution de Robert Laplante->http://www.action-nationale.qc.ca/index.php?option=com_content&task=view&id=752&Itemid=182]
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