C'est officiel. Une fois de plus. Mais cette fois, c'est plus officiel que les autres fois : nous sommes leur chose. Et ils ne se gêneront pas pour la nommer comme ils veulent. Ainsi donc nous sommes une nation dans un Canada uni. Il y en a qui trouvent que c'est mieux que d'être rien dans un Canada fort ou absents d'une Constitution faite pour nous oblitérer. Il y en a qui sont seulement contents d'être contents.
Et il y en a des masses chez les indépendantistes qui s'en fichent complètement.
Les souverainistes n'avaient rien à quémander à Ottawa. La motion ne servait qu'à faire du pinaillage. Et elle leur est revenue en plein visage. La méthode de Harper a surpris, mais sur le fond, c'est toujours la même position. Le quémandage ne sert jamais qu'à fournir des occasions de la réitérer. Le Canada a réglé la question du Québec, il gère le bruit résiduel avec la certitude que son dispositif stratégique est efficace. Il a d'autant plus confiance en ses moyens et sa puissance qu'il sait pouvoir compter sur une phalange d'inconditionnels qui vont tout faire pour s'ajuster à ce qu'on attend d'eux. Pour mieux rester velléitaires les souverainistes refusent de voir cela. Ils ont du mal à comprendre que notre cause n'avancera pas en tentant de mettre le Canada en demeure de quoi que ce soit.
Il leur faudrait centrer leur action sur le Québec et sur lui seul, l'appelant à faire sa cohésion pour s'arracher à cette tutelle qui lui fait prendre pour un combat épique une minable requête pour obtenir quarante-cinq secondes d'intervention. Il leur faudrait s'acharner à démonter la mécanique de la régression minoritaire et de l'éternelle minimisation des pertes. Il leur faudrait clairement présenter la rupture comme le seul moyen de se poser en maître de son parcours. Il y a déjà trop longtemps que le mouvement se pense en réaction à ce que fait Ottawa, à ce qu'il laisse au Québec, à ce qu'il lui imprime comme orientation. Ottawa fonce sans égards aux réactions dans la province et il a du succès. L'attentisme qui tient lieu de politique depuis 1996 lui laisse tout le champ libre. Et les souverainistes s'y font envoyer paître de belle manière. Déséquilibre fiscal, Union sociale, fondations, représentation à l'Unesco, reconnaissance de la nation, la matière importe peu, le débat se fait toujours dans les catégories de l'adversaire. La politique des lamentations, c'est la gestion provinciale intériorisée.
Toute le semaine, nous aurons donc eu droit à de la politique provinciale de bas étage. Tous ces sparages n'auront servi qu'à laisser Ottawa maître du jeu. La motion s'inscrivait dans l'univers conceptuel de la politique canadian, elle aura donc servi à réaffirmer son ordre.
«C'est très significatif pour l'unité du pays» n'a pas manqué de noter notre Premier sous-ministre qui ne rate jamais une occasion de verrouiller une porte, surtout de l'extérieur. Le PQ s'est encore manifesté tel qu'en lui-même. Jonathan Valois n'a pu faire mieux que bafouiller, en attendant, on imagine, que son chef trouve une phrase pour se donner contenance quelque part entre la psycho-pop (dépendance affective!!??) et le lapsus fédéralisant (du concret dans la constitution!) avant d'aboutir dans la génétique canadian. Le Bloc aura de nouveau servi à rendre la cruelle évidence d'un Québec qui ne fait plus peur à personne sans pour autant cesser de susciter la même répulsion viscérale. Et il faudrait faire semblant de croire à la victoire morale là où Harper déguste le coup-fourré? C'est toute une reconnaissance, une véritable prouesse névrotique de s'affirmer pour mieux s'abolir en admettant exister par effraction! Il faudrait s'imaginer foncer dans l'avenir en squattant un symbole creux? Pusillanime ou pathétique? L'un n'exclut pas l'autre, malheureusement.
Il ne restait plus qu'à trouver la façon la moins inélégante de perdre la joute parlementaire. Cela sera bu jusqu'à la lie.
On ne pouvait trouver plus belle illustration de la position de partis qui ont perdu l'initiative et qui se font enfirouâper dans le matériau et par les manœuvres dans lesquels ils se laissent entraîner. La semaine passée et celle qui s'amorce n'annoncent moins qu'elles ne dévoilent. Le nécessaire réalignement que les politiciens souverainistes ne veulent pas faire, la politique canadian va leur imposer. Ou bien ils vont quitter la politique velléitaire pour reprendre l'offensive indépendantiste, ou bien où ils vont se faire réduire aux simagrées, se faire piéger dans leur propre rhétorique. Il se dessine quelque chose comme un moment de vérité. Joseph Facal a raison : «Un peuple ne peut pas toujours être plus vigoureux que ses chefs». ([Journal de Montréal, 9 novembre->3011])
Stephen Harper, lui, a bien joué ses cartes de politicien canadian. «C'est bon pour l'unité nationale» a-t-il répété, ironique et satisfait de redire que cela n'avait aucune portée et pour mieux savourer son plaisir de voir qu'il suffit de peu de choses pour faire cafouiller les politiciens souverainistes. Il s'est comporté comme un vrai Premier ministre qui place l'unité nationale au sommet des priorités. Il a trouvé la bonne formule pour réaffirmer l'essentiel : il ne reconnaît pas le droit à l'autodétermination du peuple québécois. Le reste, c'est en prime. Un cadeau qu'il s'offre de pouvoir donner un coup de main à celui qu'il aimerait bien se choisir comme adversaire. Et, bien sûr, une gâterie qu'il savoure, il paie en monnaie de singe sa place au spectacle de vaudeville auquel tout cela donne lieu dans la province de Québec.
Et les moulins ont tourné. Et tout ça nous donne le bal de l'insignifiance consentie. Et tout ça nous donne cette humiliante hypocrisie qui consiste à faire semblant de ne pas savoir le mépris que tout cela alimente de consentir ainsi à se laisser enfermer dans le simulacre. Cachez-moi cette négation que je ne saurais voir! Et ce fut, c'est toujours cette morale d'encanteur, comme si notre peuple n'avait d'avenir qu'au mont-de-piété : il vaut mieux être reconnu servile que nié, derrière la mascarade que devant l'obligation de s'assumer. Les inconditionnels se trouvent chanceux de se faire lancer de faux-jetons, les politiciens souverainistes continuent d'espérer les transformer en pierre philosophale.
Les amateurs de dictionnaires, qui ont tant planché ces derniers jours, découvriront bien assez vite l'expression : faux comme diamants du Canada. Plus que jamais au cours des dix dernières années où le mouvement souverainiste n'a cessé de renoncer à reprendre l'initiative, notre espace politique n'aura autant ressemblé à un vaste marché de dupes. La province n'en finira donc jamais de se réinventer un répertoire de l'impuissance aliénée.
Nous sommes un peuple et un jour nous ferons notre indépendance, quel que soit le nom que le Canada nous donne ou nous refuse. «Cela ne pourra pas toujours ne pas arriver» comme l'a dit Gaston Miron. Cela arrivera quand les partis souverainistes seront capables d'accorder les mots et les gestes. Quand ils cesseront d'être velléitaires dans l'espace de l'Autre.
Les faux-jetons et la pierre philosophale
Le nécessaire réalignement que les politiciens souverainistes ne veulent pas faire, la politique canadian va leur imposer
Chronique de Robert Laplante
Robert Laplante173 articles
Robert Laplante est un sociologue et un journaliste québécois. Il est le directeur de la revue nationaliste [L'Action nationale->http://fr.wikipedia.org/wiki/L%27Action_nationale]. Il dirige aussi l'Institut de recherche en économie contemporaine.
Patri...
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Robert Laplante est un sociologue et un journaliste québécois. Il est le directeur de la revue nationaliste [L'Action nationale->http://fr.wikipedia.org/wiki/L%27Action_nationale]. Il dirige aussi l'Institut de recherche en économie contemporaine.
Patriote de l'année 2008 - [Allocution de Robert Laplante->http://www.action-nationale.qc.ca/index.php?option=com_content&task=view&id=752&Itemid=182]
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3 commentaires
Archives de Vigile Répondre
29 novembre 2006M.Laplante,c'est un régal de vous lire.J'éprouve une jouissance sans borne à savourer vos moqueries...vos moqueries qui ont un goût amer.Je vous comprend de frapper et d'administrer des volées de bois vert ( Boisvert,elle était facile,avouez) à tous ces velléitaires ces indépendantistes du bout des lèvres,ces PQ,ces Bloc,Ces P.L.Q ces Dumont.Dieu,que la vie politique au Québec est triste et alors quand c'est le P.L.Q au pouvoir...c'est navrant.Mais enfin,qu'attendez-vous pour vous présenter aux prochaines élections? J'en appelle aux amoureux du français,puisque noux voulons un pays de langue française,non?.Écoutez,vous tous comme il peut être savoureux d'entendre M.Laplante « ...prouesse névrotique,exister par effraction,sqatter un symbole,politique lamentations,lapsus fédéralisant,réduire aux simagrées,les moulins ont tourné,bal de l'insignifiance,morale d'encanteur,avenir qu'au mont-de-piété...» et j'en passe.Au moins,dans cette grisaille,qu'il est réconfortant d'entendre son français étincelant,mordant,Dieu de Dieu,se trouve-t-il plus plaisante personne entre les deux plages de l'atlantique.
Luc Bertrand Répondre
28 novembre 2006Monsieur Laplante, le constat que vous venez de dépeindre, je souhaite ardemment que les Gilles Duceppe, André Boisclair, leurs conseillers "éclairé(e)s" (?!?) et tou(te)s ceux et celles qui leur font (encore) confiance se le fassent mettre sous leur nez au plus sacrant. Ce n'est pas d'hier que vous avez tenté de mettre en garde le mouvement souverainiste contre ses comportements provincialistes. Vous demeurez l'analyste politique que j'admire le plus, car vous voyez toujours au-delà de l'horizon immédiat de la politique québécoise et cela a infiniment plus de valeur pour les Québécois(e)s souhaitant réaliser leur pays que toute considération électorale visant à porter au pouvoir un parti souverainiste.
Je ne sais pas combien de fois j'ai tenté d'envoyer des commentaires sur le blogue du Bloc Québécois (celui du Parti Québécois n'existe plus depuis l'élection d'André Boisclair comme chef, y aurait-il coïncidence?) pour tenter d'empêcher le caucus des député(e)s de commettre des erreurs. Parmi celles-ci, il y avait le refus de Gilles Duceppe de considérer les appuis lors de la dernière élection fédérale comme appui à l'idée d'indépendance du Québec, le vote sur la mauvaise entente sur le bois d'oeuvre, les crédits environnementaux et, maintenant, cette motion humiliante de reconnaissance du Québec comme nation inféodée au Canada. Si j'avais su que Gilles Duceppe serait descendu aussi bas pour tenter de justifier la présence des député(e)s du Bloc à Ottawa, j'aurais préféré qu'il ait fait le saut l'an dernier pour prendre la relève à Bernard Landry. Si Duceppe jouissait d'une image impeccable à la même époque l'an dernier, je ne suis pas sûr qu'on puisse en dire autant aujourd'hui.
Je réagis également régulièrement sur le blogue de Michel C. Auger dans la Cyberpresse (http://www.lapresse.ca) où l'on peut lire des commentaires d'internautes représentatif(ve)s de tout le spectre politique québécois. M. Auger a écrit une bonne réflexion pour les 30 ans d'histoire du premier gouvernement péquiste le 15 novembre dernier. Le temps m'a manqué pour y répondre. Votre présent article, monsieur Laplante, est justement très révélateur de ce que le Parti Québécois n'a toujours pas compris depuis 30 ans. Lorsque j'ai questionné André Boisclair là-dessus, lors du congrès régional du PQ de Lanaudière le 8 avril dernier, il n'a trouvé rien de mieux à faire que de se réfugier derrière le programme du Parti adopté en juin 2005 (qu'il a pourtant renié au début de ce mois en refusant de commenter les actions proposées en prévision de la consultation populaire devant mener au pays du Québec). Le constat que le PQ (et le BQ, par cohérence) devait tirer était le suivant: Solliciter un mandat de gouvernement n'a AUCUN SENS si ce gouvernement n'agit pas comme un gouvernement NATIONAL. Comme la voie référendaire est bouchée à la fois par la loi C-20 sur la "clarté" et le refus réitéré par le gouvernement fédéral actuel de reconnaître le Québec comme une nation hors du contexte d'un "Canada uni" (quelle grosse farce), la seule démonstration acceptable par la direction du Parti de sa volonté de faire du Québec un pays est de faire porter l'enjeu de la prochaine élection sur le statut du Québec par rapport à la Constitution canadian de 1982.
La morale de votre analyse ne saurait être plus vraie. Je suis convaincu que la réaction canadian suite à la motion Harper sur la reconnaissance de la nation québécoise sera révélatrice du contexte politique qui attendra "nos" chefs indépendantistes dans les prochains mois. L'élection du prochain chef du Parti Libéral fédéral sera un autre élément déterminant dans la stratégie des fédéralistes pour le combat à finir qui s'en vient pour notre nation, qu'elle soit virtuelle dans un faux pays uni ou réelle dans un pays libre. En attendant, Gilles Duceppe et le Bloc Québécois devront amorcer une sérieuse réflexion (surtout avec l'extrême molesse et le manque de sérieux du PQ) sur laquelle des deux missions que s'était donnée le Bloc à sa fondation en 1990 il devra prioriser: préparer le terrain pour la souveraineté du Québec ou continuer à faire fonctionner un pays qui se passe déjà de nous depuis plus de 10 ans.
Archives de Vigile Répondre
27 novembre 2006Dois-je vous dire que vous avez mille fois raisons. Nos chefs sont mous. Quoi? ils balbutient, ils haussent le ton, mais plus personne ne les écoute. En écrivant parfois, en mes mots, ce vous dites autrement, je passe pour un fédéraliste, un traître à la patrie. Ma foi, vous allez passer pour qui,en signant de tels propos?
Nestor Turcotte
Matane