La fierté des Qué-Can

Nairobi nous aura donné de la politique canadian à son meilleur.

Chronique de Robert Laplante

On ne compte plus les superlatifs. Il y en eu de pleines pages, des nuancés, des offusqués, des outrés, des têtes froides à la Gesca toujours prêts à semoncer ceux qui exagèrent, qui s'emportent, qui s'imaginent des reculs stratégiques là où [André Pratte ne voit que vétilles->2906]. Le cirque a tourné comme à son habitude. Et même un peu plus qu'à l'accoutumée, Steven Guilbault en a eu la nausée. Cela s'est fait sentir jusqu'au journal Le Devoir où l'éditorialiste en a eu, lui aussi, son haut le cœur et n'a pu s'empêcher de déclarer : [« Ambrose fait honte »->2887]. ( Le Devoir 16 novembre)
Tout cela n'a guère ému notre Premier sous-ministre, toujours bien disposé à servir la raison d'État. Il a dit ne pas vouloir pratiquer « la politique de la chaise vide ». C'est fan-tas-tique ! Il voit des chaises là où il n'y en a pas, il fait une politique alors qu'il annule et abolit son émissaire, deux fois plutôt qu'une d'ailleurs. Et cela n'a pas suffi à empêcher l'ineffable Béchard de plastronner comme un marguiller. Le pauvre, il a même tenté de nous faire prendre les corridors pour des boulevards !
Le Québec a raté un rendez-vous ? Certes, mais pas celui auquel trop de gens ont pensé. Ce n'est pas avec les signataires de Kyoto non plus qu'avec Gaia, c'est avec une firme de relations publiques ! Notre ministre y a eu l'air d'un démarcheur incompétent. Cela aurait été plus efficace de sous-traiter avec un quelconque faiseux de message. Les corridors, ces gens-là connaissent bien. Mieux qu'un ministre pataud, mieux qu'un député du Bloc se cherchant un fauteuil où parlementer, mieux que des députés fédéraux et des dirigeants de groupes de pression ne sachant plus sur quel citron presser. Et cela aurait fait un beau PPP.
Nairobi nous aura donné de la politique canadian à son meilleur. Médiocre ? Pas du tout. De la politique conservatrice comme ça les arrange d'en faire. Ceux-là qui s'étonnent de ne pas y entendre d'écho à une quelconque référence québécoise ne vivent pas au Canada mais dans une chimère. Ambrose l'a dit et elle a fait ce qu'elle a dit : le Canada ne parle que d'une seule voix. Même mesquine, c'est la voix canadian. Les indignés vont rentrer dans le rang, elle le sait bien. Nous le savons tous.
Tout cela n'est plus qu'une comédie grotesque. Claude Béchard peut bien faire des phrases, Jean Charest nous faire le coup de l'endurance asymétrique, il est évident que jamais cela n'aura de conséquences. Il est donc inutile de jouer les honteux, les déçus ou les outragés, les inconditionnels du Canada vont tout avaler. Ils tirent fierté de se faire mépriser, ils se disent persévérants quand ils s'écrasent, se voient grands sous la carpette, s'imaginent porteurs d'une vision devant des faits qui leur crèvent les yeux. Rien n'y fait et n'y fera jamais. Ils sont prisonniers d'une impuissance apprise. Consentants. Le rejet leur donne des ailes qu'ils ne demandent pas mieux que de se faire couper. C'est seulement ainsi qu'ils s'éprouvent. C'est là la fierté des Qué-Can.
Il n'y a qu'une seule chose à opposer à ce sinistre spectacle : la distance. Cette affaire n'était pas une affaire québécoise. Il n'y en a plus dans le cadre canadian. C'est cela que les indépendantistes doivent dire. Il n'y a plus lieu de s'offusquer des manœuvres d'exclusion. Notre oblitération est au fondement de la logique politique de ce pays. Il ne sert à rien de tenter d'en atténuer les effets. Cela, c'est la tâche absurde, sans cesse à refaire, des inconditionnels du Canada. La nôtre, celle des indépendantistes consiste d'abord à présenter les choses correctement. Toutes ces simagrées ne relevaient que de l'indigence de la politique d'un pays étranger.
Le Canada n'est pas notre pays. La distance qu'il s'emploie à créer entre ce que nous voulons et ce qu'il décide n'est pas un accident de parcours. Il faut que les indépendantistes accentuent cette distance, pas qu'ils la déplorent. C'est la seule approche stratégique à laquelle les inconditionnels du Canada ne sont pas capables de donner parade. Ils s'éprouvent Qué-Can parce qu'ils sont incapables de se penser étrangers. Les indépendantistes ne devraient pas avoir ce problème.
Nous savons, nous, que le peuple québécois existe et que cela a des conséquences. Des conséquences pour lui-même et pour les rapports qu'il entretient avec les autres - entre autres, celle de vivre entravé et oblitéré par l'État canadian. Et nous savons aussi que ces conséquences ne disparaissent pas en les couvrant de rhétorique, de symboles creux et de reconnaissance fallacieuse. Nous devrions savoir et affirmer que, cela étant dit, su et assumé, nous ne voulons le pouvoir dans la province que pour rompre.

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Robert Laplante est un sociologue et un journaliste québécois. Il est le directeur de la revue nationaliste [L'Action nationale->http://fr.wikipedia.org/wiki/L%27Action_nationale]. Il dirige aussi l'Institut de recherche en économie contemporaine.

Patriote de l'année 2008 - [Allocution de Robert Laplante->http://www.action-nationale.qc.ca/index.php?option=com_content&task=view&id=752&Itemid=182]





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