Immigration et immobilier : le miroir déformant de La Presse

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Le déni des multiculturalistes


D’aussi loin que je me souvienne, la ligne éditoriale de La Presse m’est toujours apparue fondamentalement biaisée. Jadis, sous Alain Dubuc et ensuite André Pratte, c’était la façon dont les éditoriaux fustigeaient les souverainistes, utilisant des arguments tordus, voire carrément mesquins. Aujourd’hui, c’est l’idéologie multiculturaliste canadienne qui guide ce journal et amène son lot de biais.


Prenons l’exemple d’un article du 27 février dernier de Stéphanie Grammond, l’éditorialiste en chef, sur le coût de l’immobilier. Elle passe en revue les conséquences néfastes de la flambée des prix pour les jeunes ménages qui veulent devenir propriétaires à Montréal. Même quand les deux font de bons salaires, cela devient de plus en plus difficile. Elle a raison et aurait pu en rajouter en parlant du problème que vivent des familles pauvres non pas pour acheter une demeure, mais simplement pour se loger. L’éditorialiste y voit avec raison une injustice sociale, conséquence qui s’ajoute à celle de l’étalement urbain.


Au moment de parler des causes et des solutions à ce problème, toutefois, Madame Grammond verse dans l’omission. Elle note que la population du Canada «a augmenté plus vite que le parc immobilier, le Canada se retrouve avec 424 logements pour 1000 habitants, le plus faible ratio de tous les pays du G7». La solution qu’elle propose est de «construire, construire, construire».


En fait, la solution n’est pas d’ériger toujours plus de maisons et de forcer les entrepreneurs à bâtir plus haut, comme elle le suggère. La solution consiste à réduire l’immigration, qui fait augmenter constamment la population. Cette année, le gouvernement fédéral veut recevoir 431 000 immigrants, celui du Québec 70 000, un record. Et tout cela en attendant d’atteindre de nouveaux sommets dans l’avenir.


Dans la perspective multiculturaliste, toutefois, il ne faut jamais critiquer les hausses successives de l’immigration. Ce phénomène doit croître sans cesse et il est toujours positif. Par conséquent, Madame Grammond fait comme si cette problématique n’existait pas.








Il s’agit pourtant de l’éléphant dans la pièce. Prenons le cas de l’île de Montréal. L’an dernier, les deux tiers des immigrants s’y sont établis. Avec la cible migratoire de 2022, cela veut dire que quelque 45 500 immigrants s’installeront à Montréal. Or, l’an dernier, il s’est construit 14 808 nouvelles unités d’habitation, un record. La demande étant bien plus forte que l’offre, les prix montent. Nos entrepreneurs en construction sont débordés et, contrairement à ce que pense l’éditorialiste, ils ne peuvent répondre à une telle demande.


Il a été démontré à de multiples reprises que la hausse de l’immigration pousse à la hausse le prix des loyers et des propriétés. Madame Grammond le sait très bien. Elle choisit sciemment de ne pas parler de cet aspect du problème, car cela irait à l’encontre des tenants du multiculturalisme canadien.


Quand elle parle d’immigration, Madame Grammond ne cherche pas à informer, mais à désinformer. L’an dernier elle plaidait pour une hausse des seuils afin de combler la pénurie de main d’œuvre. Or, toutes les études le montrent, comme les immigrants consomment des biens et services, leur arrivée créée de la demande de main d’œuvre et l’immigration ne solutionne rien.


En 2018, alors qu’elle était chroniqueuse économique, elle parlait de «la mine d’or de l’immigration». À l’en croire, recevoir plus d’immigrants avait pour effet de nous enrichir. Or, les recherches démontrent que l’immigration n’enrichit pas les pays qui reçoivent beaucoup d’immigrants. Le Japon, par exemple, a une économie plus forte que la nôtre et reçoit très peu d’immigrants.


Ce que prône Grammond sur l’immigration contredit complètement son discours sur l’immobilier. La hausse constante du nombre d’étrangers chez nous favorise les propriétaires en haussant le prix des logements et des maisons. Cela défavorise en retour les classes moyennes et les pauvres pour les mêmes raisons.


Ce phénomène constitue un parfait exemple d’une politique publique régressive: un transfert direct de richesse des plus pauvres vers les plus riches. Supporteurs zélés de l’idéologie diversitaire canadienne, Madame Grammond et son journal défendent aveuglément cette injustice depuis des années.



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Frédéric Bastien167 articles

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Titulaire d'un doctorat en relations internationales de l'Institut universitaire des hautes études internationales de Genève, Frédéric Bastien se spécialise dans l'histoire et la politique internationale. Chargé de cours au département d'histoire de l'Université du Québec à Montréal, il est l'auteur de Relations particulières, la France face au Québec après de Gaulle et collabore avec plusieurs médias tels que l'Agence France Presse, L'actualité, Le Devoir et La Presse à titre de journaliste. Depuis 2004, il poursuit aussi des recherches sur le développement des relations internationales de la Ville de Montréal en plus d'être chercheur affilié à la Chaire Hector-Fabre en histoire du Québec.





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