Les immigrants auront beau apposer leur griffe sur le plus symbolique des contrats sociaux avant de fouler le sol québécois, cela ne changera pas un iota à ce qui constitue l'un des obstacles les plus percutants à l'intégration des nouveaux arrivants, soit la discrimination.
Réglons sans tarder la question électorale. La ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles, Yolande James, a eu beau annoncer cette semaine en grande pompe un plan d'intégration des immigrants, les meilleures de ses intentions s'évanouiront dès que la fanfare électorale commencera à résonner, un éclat annoncé pour la semaine prochaine.
Les libéraux de M. Charest pensaient peut-être régler une fois pour toutes l'embarrassante question de l'identité en larguant des mesures destinées à marier harmonieusement société d'accueil et immigration, mais quiconque a observé quelques parades électorales le sait bien: les risques de dérapage guettent chacun des partis et l'identité, peu importe l'angle d'attaque, pourrait s'avérer une glissante pelure de banane.
Réglons également l'aspect moral de ce «contrat», qui liera dès janvier prochain les nouveaux arrivants à la société québécoise. Sans signature sur cette déclaration faisant l'apologie des valeurs communes québécoises -- le fameux «socle» de Bouchard-Taylor! --, les immigrants n'auront pas droit d'entrée au Québec. Pour faire sien le «Je me souviens», il faudra s'engager à respecter les valeurs telles que la liberté et la démocratie, la séparation de l'Église et de l'État, le pluralisme, la primauté du droit et l'égalité des hommes et des femmes. Il faudra en outre «vouloir apprendre le français».
Un engagement moral, purement et simplement. Un «oui je le veux» apposé sur un papier qui s'ajoute à une abondante paperasse. Une promesse qui n'a pas force de loi dans un contexte où justement, pour les récalcitrants, chartes et lois servent de cadenas. Un sympathique rappel des évidences qui ne changera... rien.
Le véritable problème, la ministre James l'a timidement abordé avec une politique portant sur la discrimination. Intitulée La diversité: une valeur ajoutée, cette politique, lancée en même temps que le plan d'intégration, insiste sur les responsabilités de la société d'accueil plutôt que de rappeler aux immigrants leurs droits et devoirs.
Car la discrimination constitue, de l'avis de plusieurs, l'embûche la plus sérieuse sur la route de l'intégration, notamment au travail. Une seule statistique suffira à rappeler l'ampleur de la tâche: parmi les immigrants âgés de 25 à 54 ans établis ici depuis au moins cinq ans, le taux de chômage est près de trois fois supérieur à celui des natifs d'ici!
La récente entente du Québec avec la France sur la reconnaissance des qualifications professionnelles est un bon pas, auquel il faut applaudir. Mais il faudra encore plus de souplesse dans le respect des diplômes et de l'expérience acquise à l'étranger. Certaines tranches d'immigrants, notamment les Arabo-musulmans, cette population massivement francophone et fortement diplômée, subissent au quotidien discrimination et exclusion.
Or les mesures annoncées cette semaine n'annoncent pas la révolution espérée, loin de là. On a beau applaudir à la prévention dans les écoles et aux campagnes de promotion, c'est dans le camp de l'insertion au travail, voie royale de l'intégration, que les besoins sont encore les plus criants.
Ce plan, en bref, avance d'abord un contrat moral, qui rassure davantage la société d'accueil -- l'électorat! -- qu'il ne promet des changements. En plus d'être voué à une disparition complète si le gouvernement déclenche des élections la semaine prochaine, il affronte l'essentiel, soit la discrimination, en tournant autour du pot. Décevant.
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