Internet, nouveau miroir du monde !

17. Actualité archives 2007

En septembre, dans les heures qui ont suivi la fusillade au collège Dawson à Montréal, on a pu voir des images de la panique qui s'est ensuivie tournées à l'aide de cellulaires et envoyées sur Internet par des citoyens anonymes.
TVA a même fait son bulletin de nouvelles avec des scènes tournées dans le collège par un étudiant.
Qui a le plus souffert de se retrouver sur YouTube cette année? Lucie Laurier avec son sein en balade? La famille Dion ratant son entrée à l'émission d'Éric Salvail? Ou André Boisclair, dont la prestation dans une parodie de Brokeback Mountain a été scrutée à la loupe?
Par ailleurs, dans la liste des sites Internet les plus consultés de l'année, on en trouve un qui n'existait même pas en début d'année, Têtes à claques, créé par des inconnus.
Voilà quelques exemples très différents, du plus grave au plus trivial, qui illustrent une grande tendance, celle des internautes créant eux-mêmes l'actualité en se servant des nouveaux outils d'Internet.
De personne à personne
Qu'Internet soit entré dans nos vies, cela est une évidence depuis plusieurs années. Mais que les internautes créent eux-mêmes l'événement, voilà un tournant que le magazine Time vient de saluer de façon spectaculaire.
Chaque fin d'année Time choisit l'homme ou la femme dont l'action individuelle au cours de l'année a joué un rôle essentiel dans la marche de l'histoire, que cette action soit positive ou négative.
Surprise: en 2006, la personnalité de l'année est «you». C'est-à-dire «vous», les milliers d'internautes anonymes qui sont en train de dessiner les frontières du nouvel Internet, celui qu'on appelle le Web.02, une «expérience sociale à grande échelle», écrit le Time, où il n'existe encore «aucune carte routière» mais qui est «une occasion de construire un nouveau genre de compréhension internationale, non pas d'un politicien à un autre, de grand homme à grand homme, mais de citoyen à citoyen, de personne à personne».
Ces milliers d'internautes écrivent eux-mêmes les recensions de livres sur Amazon.com, qui influencent des milliers d'autres lecteurs, rédigent les articles de Wikipedia, méga-encyclopédie sur tous les sujets du monde qui a supplanté les encyclopédies traditionnelles, créent des réseaux virtuels inédits sur MySpace.com, animent des milliers de blogues où l'excellent côtoie le pire et alimentent YouTube en vidéos à ne plus savoir qu'en faire.
Time n'aborde pas la question des sites touristiques, mais il aurait pu le faire. Sur Venere.com, par exemple, vous pouvez réserver un hôtel à Rome ou une ferme en Provence en vous fiant aux commentaires que les internautes eux-mêmes font sur les entreprises qui s'offrent en location. Et à votre tour, une fois votre voyage terminé, vous écrivez vos propres commentaires, qui s'ajoutent aux autres.
À lui seul, YouTube est le phénomène de 2006. Ce petit site créé par trois jeunes dans la vingtaine au début de 2005, racheté 1,6 milliard $US cette année par Google, est devenu un monstre. On y trouve des centaines de milliers de vidéos dont l'accessibilité est d'une simplicité enfantine (aucun programme à télécharger, aucun abonnement requis). Les usagers mettent en ligne 65 000 nouvelles vidéos par jour, vues par 30 millions de visiteurs uniques par mois. Hallucinant! On y trouve des images de partys d'adolescents, des tours de magie, des confessions troublantes à la caméra, des prouesses animales, des extraits de concerts, des bandes-annonces de films.
En plus des images du collège Dawson, les Québécois peuvent y voir des extraits du Coeur a ses raisons, de La fin du monde est à sept heures, de certaines entrevues de Paul Arcand ou de Jean-Luc Mongrain, les fous rires en direct de deux présentatrices de LCN, une entrevue ratée avec André Boisclair à la télévision communautaire de Lachute (ratée parce que Boisclair a abandonné la journaliste au milieu d'une phrase), des discours de Stephen Harper, et que sais-je encore. Selon vos intérêts, vous pouvez y regarder des vidéos remarquablement rares des Beatles ou de Thelenious Monk, ou d'inconnus qui auraient dû le rester, tel Fidel Lachance, chanteur western de la Beauce qui a accordé une entrevue assez effarante à une télévision communautaire il y a plusieurs années et qui est devenu le «chouchou du mois» grâce à des petits malins qui ont placé cette entrevue en ligne.
Blogues et dérapages
Le pouvoir de YouTube est stupéfiant. Kamini, un jeune Français noir d'un village de 432 habitants en Picardie, a réalisé avec un ami, au coût de 100 euros, une chanson rap sur sa vie de jeune black à la campagne. Après avoir été envoyée aux compagnies de disques qui s'en foutaient, sa vidéo a été mise sur Internet, sur l'équivalent de YouTube en France. Moins de deux mois plus tard, sans avoir donné un seul spectacle, Kamini signait un contrat avec RCA pour deux albums.
YouTube peut aussi détruire des carrières. Le comédien Michael Richards, ancienne vedette de Seinfeld, s'est mis en colère un soir contre un spectateur noir dans un club, lui lançant des injures à caractère raciste. Un spectateur a tout filmé avec son cellulaire et envoyé le clip sur YouTube. Aujourd'hui, Richards ne sait plus où se cacher.
Un professeur d'arts plastiques de Washington vient d'être mis à la porte de son collège après qu'une entrevue accordée il y a dix ans à une obscure station de télévision, au cours de laquelle le distingué monsieur expliquait comment il peignait avec ses fesses, démonstration à l'appui, se fut retrouvée sur YouTube.
Quant aux blogues, non seulement les médias en parlent de plus en plus (Le Journal de Montréal tient même une revue hebdomadaire des blogues et de ses découvertes sur Internet), mais trois blogueurs québécois, inconnus de la sphère médiatique traditionnelle mais fort connus sur Internet, viennent de signer chacun un contrat pour publier un vrai livre chez Septentrion. L'éditeur admet que les blogues sont devenus une façon de «vérifier le souffle littéraire» d'un auteur, ainsi que sa popularité.
Et pour lancer sa nouvelle chaîne d'information continue, France 24 a d'abord invité douze blogueurs européens réputés, qui se sont empressés de relayer sur leurs blogues les images tournées par eux-mêmes dans les locaux de la chaîne.
Cette prise de pouvoir des internautes constitue-t-elle une véritable révolution? Time grossit-il le phénomène en y consacrant son numéro de l'année? Difficile à dire. Mais on ne peut en tout cas faire fi du phénomène, alors que toutes ces formes d'expression sont en expansion continuelle et envahissent de plus en plus les médias classiques.
En cette fin d'année, la frénésie autour de YouTube est telle que deux entreprises québécoises concurrentes viennent de lancer chacune leur propre site de partage de vidéos québécoises, Tonclip et TonTuyau. Quebecor, lui, promet de lancer en 2007 un site similaire sur Canoe.
Dans ce nouvel univers, tous les dérapages sont possibles, des vidéos qui détruiront des carrières jusqu'aux histoires inventées sur Wikipedia. Mais tous les dérapages peuvent aussi être corrigés par d'autres internautes vigilants.
Dans un article à la fois humoristique et sérieux publié la semaine dernière, le magazine New Scientist affirme que l'année 2006 a vu naître une série de nouveaux désordres psychologiques liés à Internet. On connaît déjà la cyberdépendance. Il y a aussi la «crackberry», c'est-à-dire la consultation obsessionnelle de son BlackBerry, et le «YouTube narcissim», qui consiste à mettre en ligne des vidéos personnelles qui n'intéressent personne. Mon préféré: l'«egosurfing», qui se manifeste lorsque vous faites trop souvent des recherches sur Google sur vous-même, afin de vérifier votre réputation sur Internet!


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