Le 20 janvier 2021, Joe Biden deviendra le 46ème président des Etats-Unis. Bien sûr, si son prédécesseur, le président sortant Donald J. Trump, reconnaît sa défaite attestée au terme du dépouillement de l'ensemble des votes exprimés par les Américains le 3 novembre 2020. Si la justice, depuis les tribunaux des États fédérés jusqu'à la Cour suprême fédérale, infirme les accusations de fraude avancées jusqu'à présent sans preuve par le président sortant, si les troupes les plus extrémistes de ce dernier, galvanisées par la mystification d'une élection supposément volée par les démocrates, n'hypothèquent pas la passation de pouvoir par toutes sortes d’entourloupettes pour lesquelles elles sont passées maîtres.
L’Amérique des oubliés
Rarement un président des États-Unis aura préparé un début de mandat dans une environnement aussi malsain. Pourtant, l'élection de Joe Biden n'est pas une victoire par la porte de derrière. La forte participation aidant, le nombre de ses électeurs dépasse le record pour l'élection d'un président qu'avait gagnée Barak Obama en 2008. En dépit ou à cause de ce contexte, la victoire de Joe Biden procure un soulagement légitime aux démocrates, dans l'acception institutionnelle du terme, qui ont vu pendant quatre ans les États-Unis renier une partie de leurs valeurs, transiger avec les droits humains, mettre à mal des acquis sociaux atténuant les inégalités et l'État de droit.
Or, Donald Trump n'est pas surgi de nulle part en accédant à la fonction de président des États-Unis en 2016. Il a incontestablement représenté une frange des Américains qui longtemps, n'a pas eu voix au chapitre face à la dérégulation économique et à la mondialisation à outrance. La faute du président sortant a été, une fois élu, de ne parler qu'à sa base inconditionnelle, de n'agir qu'en fonction de leurs attentes supposées, et de ne pas voir que l'Amérique recelait d'autres oubliés.
Ressurgie des quartiers défavorisés des métropoles, la colère des Afro-Américains après une énième bavure policière ayant conduit à la mort de George Floyd,et dont la brutalité filmée à l’échelle mondiale a décuplé l'impact, a démontré que le mouvement des droits civiques des années 1960 n'était pas allé bout de ses aspirations, voire qu'il était aujourd'hui détricoté point par point. De son côté, Donald Trump, lui, a voulu réduire cette contestation à un simple complot de l'extrême gauche contre sa présidence alors qu'elle exprimait la crainte d'un abandon tel que ressenti par les Blancs des États ruraux et des banlieues résidentielles des villes moyennes. En bref, l'Amérique des oubliés.
Gigantesque chantier
Joe Biden devra relever le défi de réconcilier ces deux Amériques, ou, à tout le moins, d'apaiser les tensions qui les exacerbent. Le chantier est gigantesque.
Au sortir des primaires démocrates, peu d'observateurs auraient parié sur la victoire à la présidentielle de Joe Biden. La crise du coronavirus, ses conséquences sur l'économie, et sa gestion fantasque par le locataire de la Maison-Blanche ont incontestablement servi la candidature de l'ancien vice-président.
Bénéficier d'un tel impondérable appelle à être humble dans la victoire. Il faut néanmoins porter au crédit de Joe Biden d'avoir uni les militants démocrates divisés entre le centre et la gauche, d'avoir mobilisé les minorités souvent peu motivées qui penchent traditionnellement pour son camp, enfin d'avoir développé une empathie sincère, fruit d'une vie marquée par les drames, qui est peut-être ce dont les Américains ont le plus besoin, même pour une période de transition, après les quatre années de sautes d’humeur et de fureur qu'ils ont connues avec Trump. On ne peut que souhaiter qu'un cycle bénéfique de l'écoute et du dialogue s'incruste à la Maison-Blanche pour le plus grand bien du plus grand nombre d'Américains.
Henri Marineau, Québec
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