Le déclencheur > Repenser le pacte social
« Ce que la présente crise sociale montre, c’est qu’une fraction importante de la population souhaite vivre dans une société qui tend vers l’égalité. Améliorer le revenu des personnes en situation de pauvreté, garantir l’accès à des services publics universels de qualité (y compris les études supérieures) et réduire les écarts de richesse, tels sont les meilleurs moyens d’y parvenir. C’est pourquoi il faudra bien, tôt ou tard, repenser le pacte social et fiscal qui définit la relation des citoyens entre eux et avec l’État. »
- Serge Petitclerc, porte-parole du Collectif pour un Québec sans pauvreté, Le Devoir, 10 juillet 2012
Dans quelle mesure l’État est-il libre de décider des politiques et des priorités de la société ? Jusqu’où doit-on se soumettre au droit et aux règles établies ? Le gouvernement est-il partie de la négociation avec les groupes sociaux ou juge ultime ? La récente lettre au Devoir de M. Serge Petitclerc, porte-parole du Collectif pour un Québec sans pauvreté, fait réfléchir, particulièrement lorsqu’il nous invite à « repenser le pacte social et fiscal qui définit la relation des citoyens entre eux et avec l’État ».
À ces questions, il n’y a sans doute aucune réponse qui puisse être pleinement satisfaisante. Cependant, on peut tout de même comprendre davantage le problème en examinant les deux écoles de pensée qui veillent à définir le rapport entre les citoyens et l’État : le libéralisme et le progressisme.
Certains pourraient défendre la possibilité d’autres approches. Il me semble juste d’affirmer par exemple que, de nos jours, le conservatisme est libéral, dans la mesure où la liberté individuelle est au sommet de ses préoccupations, ou que tout socialisme se réclame du progrès, dans la mesure où il situe l’égalité sociale dans une perspective historique, l’avenir meilleur servant de guide.
Société civile
D’abord, le libéralisme repose sur une vision légaliste et constitutionnelle de l’État. Les lois garantissant les libertés politiques, les opinions peuvent trouver la place pour s’exprimer et se faire valoir. La dimension formelle est très importante : les règles démocratiques fixées par la Constitution prévalent sur quelconque prétention à la vérité.
Aussi, un authentique libéral ne conçoit pas l’utilité, sinon la justesse, d’une médiation entre l’État et l’individu : le premier s’assure de protéger celui-ci dans ses droits et libertés en même temps qu’il consacre une séparation nette entre la sphère morale privée et la politique publique.
C’est sur l’idée d’un troisième terme entre l’individu et l’État que repose l’essentiel du litige entre les deux approches. Pour les progressistes, il existe un espace qui échappe à l’emprise de l’État, sorte de contre-pouvoir que l’on désigne généralement sous le nom de « société civile ». Pour Michel Freitag, il s’agit d’une réalisation historique : « Au niveau culturel, il s’est produit, au fur et à mesure de l’émancipation des individus à l’égard des normes et des autorités traditionnelles régissant leurs identités et leurs actions, un élargissement et une abstraction du concept de « bonne société », qui se transforme progressivement en « espace public » régi par la civilité. »
Cet espace public devient un espace politique, rappelle Freitag, tandis qu’y sont formulées les théories modernes de reconstruction de la société. Ce nouvel espace devient progressivement la « société civile » qui, avec la réalisation de son programme, fait advenir l’État de droit, libéral et universaliste.
Visions opposées
Pour le philosophe allemand Jürgen Habermas, inspirateur de ce modèle, le moyen terme, c’est la vie morale du peuple, la sittlichkeit, comme le pensait déjà Hegel. Entre la morale privée et la liberté négative conférée par le droit, il s’agit du lieu où s’élaborent les aspirations et les convictions collectives de la société, à l’abri des structures de l’État.
Ainsi, pour Habermas, les principes de l’État libéral, tels les droits et libertés, demeurent formels et abstraits. Ce qui les rend effectifs, qui les réalise et les actualise, c’est la moralité sociale, et non la majorité parlementaire. Mais la société civile, c’est les syndicats ? La vie associative ? On s’en réclame, quoi qu’il en soit.
Nous verrons, lors des prochaines élections, le premier ministre se réclamer du libéralisme. Il opposera sa vision à celle de Pauline Marois et à ce qu’il nomme de manière volontairement réductrice « la rue ». Sans doute y a-t-il eu changement d’orientation au Parti québécois depuis l’époque de son fondateur, un libéral nationaliste. Mais, de son côté, l’actuel premier ministre aurait été plus crédible s’il avait daigné aborder la question constitutionnelle depuis les neuf dernières années.
La réplique
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