Après huit années d’existence, le Parti québécois gagnait les élections de 1976 et formait le gouvernement du Québec. Sur une même période de temps, Québec solidaire a pu faire élire trois députés, et dans la controverse pour la dernière. On se rappellera, en effet, que le président de la Commission de révision de la circonscription de Sainte-Marie–Saint-Jacques démissionnait peu avant les élections, « ne pouvant plus attester la conformité du processus d’enregistrement de nouveaux électeurs ».
« C’est comme si l’Aéroport international Trudeau était grand ouvert et qu’on distribuait les visas gratuitement à ceux qui passent, sans poser de questions », avait prétendu M. Vandal, un constat tempéré par le Directeur général des élections : « Au référendum de 1995, il y a eu beaucoup d’affaires comme cela […]. Mais on ne dit pas que c’est comparable au référendum. »
Québec solidaire ne semble pourtant pas souffrir de la comparaison : si les dernières élections ont enclenché un long et pénible processus de remise en question au PQ, à QS, on semble garder le cap. Mais ce n’est pas le calme plat.
Une courte nouvelle qui est presque passée inaperçue, pour cause, révélait récemment que le Parti communiste du Québec (PCQ) renonçait à son statut de collectif reconnu au sein de QS. Évidemment, il ne s’agit pas d’un coup terrible pour le parti de Françoise David et d’Amir Khadir, mais cette rupture met en lumière une critique qui s’inscrit dans les grands débats d’idées que l’Occident a connus au siècle dernier.
Alliances
Ce qui a provoqué le changement d’orientation du PCQ, c’est la réaction des chefs de QS face, essentiellement, à la personne de Pierre Karl Péladeau. Dans le sillage de Mme David qui déclarait ne jamais vouloir siéger aux côtés de ce personnage, Amir Khadir, qui avait comparé le candidat-vedette à l’ayatollah Khomeini en mars dernier, faisait en début octobre un parallèle avec l’infâme Rob Ford, ancien maire de Toronto. Pour Khadir, PKP est un « trompeur », un « capitaliste agressif », un « exploiteur d’ouvriers », etc. Des propos trop forts pour le groupuscule marxiste, paraît-il, qui a renoncé du coup à militer au sein de QS.
Dans leur communiqué, on pouvait lire la déclaration suivante : « L’histoire […] est pleine d’exemples où des ennemis féroces ont fini par faire cause commune. […] Cela ne veut pas dire pour autant que cela était à chaque fois le “parfait amour”, pour reprendre une expression consacrée. Les alliances sont toujours aussi une affaire de luttes et de conflits parfois successifs. C’est aussi et habituellement une affaire de rapports de force qui, avec le temps, peuvent aussi évoluer, faire que des alliances peuvent aussi se défaire, pour ensuite se reconstruire. »
Si la rhétorique s’est adoucie, la pensée ressemble curieusement à celle de Lénine qui, à son époque, fustigeait les socialistes allemands qui refusaient tout compromis avec les politiciens de droite pour cause d’impureté. Il qualifiait cette attitude et cette incapacité d’adaptation de « maladie infantile du communisme ».
« Notre théorie n’est pas un dogme, mais un guide pour l’action, ont dit Marx et Engels ; et la plus grave erreur, le crime le plus grave des marxistes aussi “patentés” que Karl Kautsky, Otto Bauer et autres, c’est qu’ils n’ont pas compris, qu’ils n’ont pas su appliquer cette vérité aux heures les plus décisives de la révolution prolétarienne ». Confronté à un adversaire plus puissant, il faudrait saisir « la moindre possibilité de s’assurer un allié numériquement fort, fût-il un allié temporaire, chancelant, conditionnel, peu solide et peu sûr ».
Clivage linguistique
Après une décennie d’un gouvernement libéral qui n’avait apparemment en tête que l’économie et qui nous a apparemment conduits à la faillite, devant l’élection d’un nouveau gouvernement libéral qui s’interprète une mission de rétrécir l’État québécois, les gens du PCQ jugent le positionnement politique de leurs anciens alliés intenable. Tous peuvent entendre qu’il faut du coeur en politique, mais traditionnellement, pour un communiste, utiliser sa tête consiste à décoder les rapports de force plutôt qu’à réfléchir dans l’absolu à la perfection d’un programme politique.
Comment explique-t-on les divisions attestées par la sociologie électorale à QS, et d’abord le clivage linguistique persistant dans les comportements électoraux ? Les bonnes idées ne seraient-elles pas bonnes pour tous ? Comment explique-t-on, par exemple, l’appui de la communauté anglophone montréalaise aux élections municipales de 2009 à la candidature de Gérald Tremblay, que The Gazette considérait comme « la moins affligeante » d’un lot « peu avenant » ?
Peut-être qu’à travers ces questions, la co-porte-parole de QS pourrait mieux saisir l’élection de la députée Manon Massé, et celle de la ministre Hélène David, qui n’a apparemment pas succombé aux raisons du coeur ? Enfin, il semble que le collectif PCQ ait préféré se dissoudre plutôt que d’attendre des réponses qui ne viennent pas.
LIBRE OPINION
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé