L’extraterritorialité, une nouvelle façon d’agir étasunienne

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« Si vous osez publier des nouvelles classées top secret où il est fait mention de crimes commis par les États-Unis, vous risquez fort bien de vous retrouver en prison où que vous soyez. »


La remise de Julian Assange, ce lanceur d’alerte et fondateur de WikiLeaks, aux autorités policières britanniques et son arrestation subséquente n’ont pas suscité au Québec de grands remous. Au contraire, certains commentateurs de la grosse presse s’en sont réjouis et ont parlé « d’héroïsme douteux ». Pourtant, l’expulsion de ce réfugié politique constitue, en soi, un geste illégal. 


Comment peut-on oublier si facilement tout ce qu’il a fait pour dénoncer les gestes illégaux commis par la CIA et toute la grosse machine impériale, dont les tortures à la base militaire de Guantanamo? En plus de constituer un geste d’une grande lâcheté, ce manquement grave au droit d’asile est une preuve de plus de la volonté des États-Unis de récupérer le terrain perdu en Amérique latine.  


Qu’a donc fait Julian Assange pour déclencher la colère de l’actuel président de l’Équateur et être expulsé de l’ambassade à Londres où il était réfugié depuis 2012, grâce à l’asile politique que lui avait consenti l’ex-mandataire équatorien, Rafael Correa? Lenín Moreno, c’est le nom du président de ce pays sud-américain, un renégat qui a viré sa veste bord depuis son arrivée à la tête du gouvernement équatorien, l’accuse d’avoir contrevenu aux règles de la coexistence à l’intérieur de l’ambassade et d’être narcissique. Faux prétexte. En réalité, Moreno, sentant sa position fragile, a finalement cédé aux pressions étasuniennes. Assange risque maintenant d’être extradé aux États-Unis et de passer le reste de sa vie derrière les barreaux, à moins qu’il ne soit tout simplement abattu par un drone comme l’a souhaité le secrétaire d’État américain : « Can’t we just drone this guy? », une attitude qui montre l’état de décomposition morale de ce voyou. 


On peut facilement imaginer que lorsque tu vis enfermé dans une ambassade pendant sept ans, sans possibilité de sortir et de profiter des petits plaisirs de la vie, sans voir la lumière naturelle du jour pendant toutes ces années, sans aucune intimité, sans savoir ce que demain te réserve, on en vient à être quelque peu irritable, voire paranoïaque.  


Mais le pire, c’est la complaisance avec laquelle on a traité la nouvelle. Et les journalistes formatés de répéter béatement les calomnies et autres accusations que la machine de guerre bien huilée de Washington a répandues à travers ses réseaux. Répétez après moi : Deux et deux ne font pas quatre mais cinq et les véritables criminels sont ceux qui dénoncent les crimes et non ceux qui les commettent.  


Va-t-on envoyer également en prison les messagers, journalistes et propriétaires de journaux, en Angleterre, en France, en Allemagne, en Espagne et même ici au Québec, qui ont publié les nouvelles révélées par le fondateur de WikiLeaks? 


Première victime collatérale de l’arrestation d’Assange : Chelsea Manning, cette ex-analyste militaire que le président Obama avait graciée, a été de nouveau arrêtée parce qu’elle refuse de témoigner contre Assange. En voilà une, au moins, qui se tient debout. 


Tenez-vous-le pour dit : Si vous osez publier des nouvelles classées top secret où il est fait mention de crimes commis par les États-Unis, vous risquez fort bien de vous retrouver en prison où que vous soyez. Car les États-Unis ont imposé leur loi d’extraterritorialité, comme ils le font actuellement en visant Cuba et le Venezuela. De quoi bâillonner les futurs Julian Assange.