Un parti québécois ne devrait plus être lié par l'engagement de tenir un référendum sur la souveraineté du Québec le plus tôt possible au cours d'un premier mandat, a-t-on appris cette semaine à travers les branches de l'arbre qui cache la forêt.
La mention devrait ainsi être biffée quelque part le plus tôt possible et faire place à l'assertion «le plus tard possible au cours d'un 150e mandat, 100 ans ou 100 000 kilomètres, le cachet de la poste faisant foi», ont expliqué des sources de toutes sortes.
Selon un spécialiste des affaires compliquées, qui possède lui-même une pensée tellement complexe que tout le monde a de la misère à le comprendre et qu'il fait actuellement l'objet de poursuites judiciaires pour infractions itératives à la Loi sur la clarté, la nouvelle démarche d'un parti québécois consistera en «un éternel printemps des idées, un horizon de 100 000 jours au terme duquel le Québec pourrait improviser au cornet à piston une symphonie inachevée de fausses notes dans le concert dissonant des nations, ou quelque chose du genre, fouille-moi».
En vertu de ce qu'il a aussi été possible d'apprendre dans les coulisses du théâtre de l'absurde, il faudra désormais que la population dise qu'elle est prête pour un référendum pour qu'un référendum soit tenu.
«De toute évidence, les élections générales ne seront pas le moment pour que la population dise qu'elle est prête puisqu'il y aura des mandats sans référendum le plus tôt possible dedans, et même sans référendum le plus tard possible ni référendum le plus au milieu possible. En d'autres termes, la volonté populaire exprimée à l'occasion de scrutins uninominaux à un tour sera faite d'irrésolution floue, caractérisée par l'imprécision velléitaire de son branlage dans le manche indéterminé dans le temps et dans l'espace national identitaire», a virevolté le spécialiste.
Les élections étant l'occasion de ne rien dire, puisque tous les partis ne s'engageront pas à tenir un référendum le plus référendaire possible dans un mandat qui pourrait bien ne pas être le premier, il faudra se tourner vers d'autres modes de communication collective, a pourchassé le spécialiste. En termes signifiants, il est donc tout à fait possible que les choses se déroulent autrement que d'habitude, même si elles ne se sont jamais déroulées deux fois de la même manière par le passé.
«En effet, la question fondamentale est: comment les gens s'y prendront-ils pour déclarer qu'ils sont prêts et pour qu'un parti québécois le sache? À cet égard, j'entrevois 54 méthodes possibles, mais je n'en évoquerai que trois pour les fins de la discussion et parce que j'ai autre chose à faire en ce week-end de la fête du Canada à l'intérieur uni duquel le Québec forme une nation», a asserté le spécialiste.
«D'abord, tenir un référendum pour savoir si les gens sont prêts pour un référendum. Évidemment, cela ne règle pas tout. Les gens peuvent ne pas être prêts pour un référendum le jour du référendum, puis être prêts le lendemain alors qu'il n'y a pas de référendum, auquel cas personne ne saurait qu'ils sont prêts ou, du moins, qu'ils le sont devenus entre l'un et l'autre. Ou alors, ils peuvent se dire prêts, mais pas tout de suite. "Je suis prêt pour un référendum dans 50 ans" est une réponse tout à fait plausible. Ou alors encore, ils peuvent se dire prêts, mais seulement à avoir un référendum, pas à voter pour ce que voudrait le parti québécois qui tient le référendum. On aurait alors eu deux référendums qui n'auraient pas changé la situation d'un iota, et on se trouverait devant la perspective de ne pas savoir s'il y en aurait un autre un jour, comme aujourd'hui, tiens», a transbahuté le spécialiste.
Une deuxième hypothèse consisterait à mettre en service des lignes téléphoniques, 1-800-PAS-PRET et 1-800-PLUS-TOT, où les gens appelleraient de temps en temps, quand ça leur tenterait, pour dire qu'ils sont prêts ou non. Certes, le risque serait grand de se ramasser avec la moitié des gens qui seraient prêts et l'autre moitié qui ne le seraient pas, mais que voulez-vous, on ne peut pas tout avoir dans la vie, un référendum le plus tôt possible et pas de référendum à un autre moment donné.
Quant à la troisième méthode, a fignolé le spécialiste des affaires compliquées, ses chances d'être retenues sont excellentes: ils vont prendre l'initiative et communiquer eux-mêmes avec le monde tout en faisant semblant de l'écouter. Ça devrait donner à peu près ceci:
Drelin.
- Stéphane Dion.
- Oups. Je crois que je me suis gouré de numéro téléphonique.
- Meuh non, c'est juste une petite blaguette. Quand on arbore un patronyme aussi prestigieux que le mien, conquérant tant de la chanson mondiale que du Parti libéral fédéral, on va au-devant des coups parce qu'on sait qu'il va nous être demandé si nous sommes cousins ou quelque chose. Donc: juste Dion, c'est à quel sujet?
- Je voudrais parler à l'homme ou à la femme de la maison, s'il vous plaît.
- Enwoye, accouche. J'ai des billets pour le concert des nations qui commence dans cinq minutes.
- Votre nom a été spécialement sélectionné parmi les gens de votre quartier pour une étude d'impacts avec engagement de votre part et avec l'assurance que si un représentant va chez vous, ce sera à l'heure des repas. Nous aimerions savoir si vous êtes prêt.
- Ça dépend. Je suis près de certaines choses, comme, en ce moment, de mon sofa doublé en imitation de simili-cuirette, de la philosophie existentialiste et de m'en aller.
- Euh, non, c'est pas ça qu'on veut dire...
- Vous aimez vraiment ça, hein, les questions pas claires?
- Nous voulons savoir si vous êtes prêt. Avec un t.
- Prèt?
- Non, prêt. Avec un accent circonflexe.
- Prêt à quoi? Quand ça?
- Là là.
- C'est de vos affaires, mais à votre place, je ne me fierais pas aux réponses que vous donneront les gens. Vous vous souvenez des derniers qui ont dit «nous sommes prêts»?
- Alors, c'est oui ou non?
- Faudrait d'abord voir la question.
- Non, je veux dire, oui ou non à ce qu'on vous pose une question?
- Vous venez juste de m'en poser deux ou trois. C'est une manie chez vous, dites?
- Pas tout le temps. Des fois, on essaie de les retarder le plus possible.
Voilà. Personne ne se souvient de l'histoire, mais elle continue.
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jdion@ledevoir.com
L'histoire continue
La mention devrait ainsi être biffée quelque part le plus tôt possible et faire place à l'assertion «le plus tard possible au cours d'un 150e mandat, 100 ans ou 100 000 kilomètres, le cachet de la poste faisant foi», ont expliqué des sources de toutes sortes.
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