Deuxième cas d'indépendance unilatrale

L'indépendance du Québec facilitée par la Crimée ?

Légal selon les Nations-Unies

Chronique de Gilles Verrier

Les parlementaires de Crimée et de la ville de Sébastopol ont adopté par 78 voix sur 100 une déclaration d'indépendance en préparation du référendum qui doit se tenir dimanche prochain en vue du rattachement de la Crimée à la Russie. La presse russe rapporte que cette déclaration est nécessaire en vue du référendum.
Cette déclaration unilatérale d'indépendance appuie sa légitimité sur le précédent du Kosovo. Arraché à la Serbie, il déclara unilatéralement son indépendance en février 2008. Ce geste, contesté par la Russie et la Serbie, a été validé ensuite par des instances internationales, même si aucun référendum ne fut tenu. Wikipedia rapporte : Le 22 juillet 2010, la Cour internationale de justice « est d’avis que l'adoption de la déclaration d’indépendance du Kosovo le 17 février 2008 n’a pas violé le droit international.»
Il est intéressant de constater que cette formule, si elle constituait jusqu'ici une exception taillée pour le cas artificiel du Kosovo, gagne énormément en crédibilité maintenant par le recyclage qu'en fait la Crimée dans des circonstances bien différentes.
La création du Kosovo avait pour objectif d'affaiblir la Serbie et d'y installer la plus grande base militaire US de l'Europe, le camp Bonsfield. Dans le cas de la Crimée, nous sommes dans une logique inverse. Une forte opposition au coup d'État à connotation d'extrême droite contre les autorités discréditées mais légitimes de Kiev, que l'Occident s'acharne malgré tout à défendre, est massivement exprimée par la moitié russophone de l'Ukraine, qui le perçoit comme une menace à ses droits.
On ne peut manquer de constater la facilité avec laquelle l'indépendance peut désormais être déclarée en invoquant que le droit international ne s'y oppose pas. Reste à voir si des arguties intéressées voudront faire deux poids deux mesures des cas du Kosovo et de celui de la Crimée-Sébastopol. Ce sera à suivre.
Je n'invente rien en rappelant que la question de l'effectivité est l'enjeu décisif de l'indépendance. Le Kosovo - sans mouvement indépendantiste enraciné - a été créé à partir de très peu de choses. Sa création ne tient qu'à la politique de grande puissance, les USA dans ce cas. Sans ces manoeuvres intéressées pour le créer, le Kosovo n'existerait tout simplement pas en tant que pays.
Pour le cas de la Crimée, terre russe et tatar depuis toujours, la population est nettement motivée à prendre ses distances de l'Ukraine remodelée. Mais sans la garantie que donne la puissance russe à cette volonté d'indépendance, il est assez manifeste que la volonté populaire de la Crimée ne serait pas respectée par les nouvelles autorités de Kiev qui, rappelons-le, jouissent à cet effet de tout l'appui occidental.
L'indépendance du Québec dans ce contexte repose la question de savoir comment celle-ci pourrait être suffisamment reconnue sur le plan international pour devenir effective, sans qu'elle ne jouisse de l'appui d'une grande puissance et ne fasse l'enjeu d'aucune rivalité internationale ? Le passage sera difficile car il faudra le consentement du Canada et la passivité des États-Unis.
Le rapport de force éventuel décidera de l'étendue de l' indépendance à laquelle le Québec pourrait accéder sans susciter l'hostilité de ses puissants voisins. Dans ce contexte que nous pouvons anticiper, il y va de l'intérêt du Québec de favoriser à chaque fois qu'il le peut l'essor d'un monde multi polaire respectueux du droit, par opposition au mondialisme oligarchique de grande puissance. En effet, pourquoi l'Ukraine doit-elle se déchirer à choisir entre la Russie et l'Europe alors qu'elle pouvait entretenir des relations amicales et commerciales avec les deux ? La logique des blocs ne peut jouer qu'aux dépens de l'indépendance des nations.

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Gilles Verrier140 articles

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Entrepreneur à la retraite, intellectuel à force de curiosité et autodidacte. Je tiens de mon père un intérêt précoce pour les affaires publiques. Partenaire de Vigile avec Bernard Frappier pour initier à contre-courant la relance d'un souverainisme ambitieux, peu après le référendum de 1995. On peut communiquer avec moi et commenter mon blogue : http://gilles-verrier.blogspot.ca





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10 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    12 mars 2014

    @ Francis Déry
    «Une forte opposition au coup d’État à connotation d’extrême droite contre les autorités discréditées mais légitimes de Kiev, que l’Occident s’acharne malgré tout à défendre, est massivement exprimée par la moitié russophone de l’Ukraine, qui le perçoit comme une menace à ses droits.»
    Pour lever toute ambiguïté il m'aurait fallu écrire :
    ..., coup d'État que l'Occident s'acharne malgré tout à défendre,
    Merci de l'avoir relevé.
    ______
    En ce qui concerne le référendum de dimanche, il y a deux questions. 1- Rattachement à la Russie 2- Retour à la constitution de 1992 (ce qui selon moi maintient la Crimée dans l'Ukraine, mais avec une plus grande autonomie). Il y a donc un choix entre deux options, pas simplement une option à accepter ou refuser. Compte tenu de la nature des questions, elles ne pouvaient être légitimement posées que par un État qui a déclaré sa souveraineté. D'où ce processus en deux temps.
    Votre question est bonne et rejoint la mienne. Comment une Crimée de 2 500 000 habitants peut elle vivre une pleine indépendance ? Les autorités de Kiev russophobes la lui refusent et les Russes du continent, ex-compatriotes, lui offrent la sécurité assortie d'une indépendance relative.
    Si vous retournez à Maurice Séguin, historien qui a approfondi la question de l'indépendance, il s'attarde sur la question de l'indépendance dans l'interdépendance. En définitive, on ne peut avoir l'indépendance que nos moyens nous donnent. Dans le cas de la Crimée, l'initiative de l'État semble coincider avec le sentiment de la majorité et la population tranchera par référendum. C'est transparent. En prolongement, l'étendue de l'indépendance que le Québec pourra se donner se posera toujours et le Québec ne pourra exister comme pays qu'en rapport avec un environnement géopolitique immédiat qui ne lui sera pas nécessairement favorable et avec lequel il devra composer. L'intérêt du Québec en vue d'assurer sa sécurité et son indépendance optimale future consiste à soutenir ce qui renforce la multipolarité du monde, l'indépendance des petits et moyens pays, et le droit international. En ce sens, le coup d'État de Kiev n'est pas dans l'intérêt du Québec. Inversement, le choix difficile mais obligé de la Crimée mérite notre appui dans la mesure où le processus se défend en légitimité et en droit : 1- antériorité du statut russe de la Crimée 2- changement unilatéral des règles en Ukraine par une action violente minoritaire 3- déclaration d'indépendance par les représentants élus de Crimée fondée sur le précédent du Kosovo 4-validation par la population des choix possibles.

  • Archives de Vigile Répondre

    12 mars 2014

    L’indépendantisme perd un battant: Reggie Chartrand n’est plus.
    Il avait qualifié l'avortement le génocide du peuple Québécois.
    «Mon père était d’une autre époque et n’avait pas peur de dire ce qu’il pensait, a expliqué son fils, Mathieu Chartrand. Son combat n’était pas tant contre les femmes que contre l'avortement. Et ça s’explique par le fait qu’il était lui-même un enfant indésiré, d’un milieu très pauvre. Il a toujours été reconnaissant d’avoir eu la chance de vivre.»
    http://www.journaldemontreal.com/2014/03/10/lindependantisme-perd-un-battant--reggie-chartrand-nest-plus

  • Archives de Vigile Répondre

    11 mars 2014

    Une forte opposition au coup d’État à connotation d’extrême droite contre les autorités discréditées mais légitimes de Kiev, que l’Occident s’acharne malgré tout à défendre, est massivement exprimée par la moitié russophone de l’Ukraine, qui le perçoit comme une menace à ses droits.
    J'ai un problème de lecture. Le gouvernement légitime de l'Ukraine vient d'être renversé par une opposition d'extrême-droite soutenue par l'Occident. Il n'est pas défendu avec acharnement.
    Aussi, on ne peut vraiment parler de déclaration d'indépendance si le but est le rattachement à la Russie.
    Imaginez une crise constitutionnelle à Ottawa causée par des fascistes Albertains, et la France qui débarque des troupes à Québec et Montréal pour que l'Assemblée Nationale déclare une indépendance de facto, suivi d'un rattachement à la France.
    Ce n'est pas le cas. Il est plus facile d'imaginer un scénario de partition du Québec advenant son indépendance.
    Ottawa va se servir du précédant russe pour annexer Montréal, le Pontiac, les réserves mohawks et l'Ungava.

  • Archives de Vigile Répondre

    11 mars 2014

    @ marcel haché
    De très graves changements risquent de se produire prochainement. On demande à la Russie de faire des concessions et de reculer, elle accepte même de fournir un corridor sur son territoire pour les forces américaines en Afghanistan. Avec le coup d'État planifié à Kiev, l'OTAN n'est plus dans la zone d'influence traditionnelle de la Russie, il est sur sa frontière.
    La Russie ne reculera pas davantage et elle ne le peut pas. Les sanctions qu'on s'apprête à mettre en place contre elle provoqueront une riposte qui risque de nous entraîner dans une spirale dont les conséquences sont incalculables et potentiellement catastrophiques. Verrons-nous à terme un aurore boréal, un hiver nucléaire ou autre chose, je n'ai pas la réponse.
    Bon courage

  • Archives de Vigile Répondre

    11 mars 2014

    Le Parti Indépendantiste (PI) et sa méthode font des disciples... ;)

  • Archives de Vigile Répondre

    11 mars 2014

    @ anonyme
    Pour parler des Tatars et du sort que la nouvelle République de Crimée leur réserve, il faut se référer à l'info disponible. Il semble bien que toutes les injustices qu'on a pu commettre à leur égard dans le passé seront réparées. Représentation proportionnelle, retour aux noms tatars pour plusieurs lieux géographiques (rivières, montagnes, noms de villes). Et leur langue reconnue comme une des trois langues officielles avec l'ukrainien et le russe. Les fonds pour favoriser le retour de la diaspora tatare seront augmentés. Ils forment environ 12 % de la population de la Crimée. Pendant ce temps à Kiev, on vient de couper le signal de plusieurs chaînes de télévision qui diffusaient en langue russe, alors que bien des Ukrainiens n'utilisent que le russe au quotidien.
    http://rt.com/news/crimea-tatar-rights-guarantee-122/
    Dans la politique de réhabilitation des Tatars il y a aussi une bonne dose de RealPolitik. On veut éviter que les Tatars ne soient instrumentés par le terrorisme radical islamique (Caucase du Nord, Dagestan), lequel entretient des relations avec l'extrême droite ukrainienne (Dmytro Yarosh, etc., qui ne se cachent pas pour honorer la mémoire du nazi Stephan Bandera). Ils tiennent ensemble des rencontres, arrangées de par leur source de financement communes qui ne visent que le chaos en Russie et à ses frontières.
    La Russie a connu 34 attentats terroristes provenant de la mouvance islamiste radicale en 2013. C'est le pays européen qui a le plus souffert du terrorisme et qui l'a le plus combattu. Elle a obtenu de bons résultats dans sa lutte difficile contre ce phénomène où des intérêts étrangers s'emploient à faire sortir de la bouteille le mauvais génie du ressentiment local, ethnique ou religieux.
    http://voiceofrussia.com/news/2014_03_05/Ukraines-Yarosh-put-on-intl-most-wanted-list-accusations-brought-in-absentia-Moscow-9640/
    Bonne journée

  • Marcel Haché Répondre

    11 mars 2014

    Advenant une Déclaration, incontournable, il n’est pas dit que la belle surprise ne proviendrait pas du Nord, plutôt que de l’Est, le gouvernement russe paraissant bien plus sensible aux peuples qu’aux frontières.

  • Archives de Vigile Répondre

    11 mars 2014

    Les Tatars sont régulièrement opprimés en Crimée et ne peuvent récupérer leurs propriétés. Plus de 180.000 ont été exécutés par le NKVD après 1944, interdiction d'apprendre leur langue, persécution religieuse (ils sont musulmans), etc.
    La Russie, alliée des Serbes, et la Chine utilisent leur droit de veto a l’ONU pour empêcher la reconnaissance du Kosovo, qui n’est pas a l’ONU, au CIO, a l’UNESCO, etc.
    Les USA et les autres feront la même chose pour la Crimée.
    Ossetie du Sud et l’Abkhazie, qui faisait partie de la Georgie, sont dans la même situation, aucune reconnaissance internationale.
    Rappelons que ces 2 territoires abritaient des communautés en rebéllion contre le pouvoir légitime de la Géorgie, et pas des russophones.
    Moscou a utilisé le prétexte d’un support, jamais prouvé, aux Tchetchenes, pour envahir ces 2 territoires.
    Ce sont des guerres de basse intensité, qui se font sur le dos des peuples, pauvres, de la région, des règlements de compte par proxy, comme en Ukraine.

  • Archives de Vigile Répondre

    11 mars 2014

    Info complémentaire
    Texte complet en français : http://www.voltairenet.org/article182655.html
    Extrait :
    DÉCLARATION D'INDÉPENDANCE DE LA RÉPUBLIQUE AUTONOME DE CRIMÉE ET DE SÉBASTOPOL
    Nous, membres du Conseil suprême de la République autonome de Crimée et du Conseil municipal de Sébastopol, sur la base des dispositions de la Charte des Nations Unies et des nombreux autres instruments internationaux reconnaissant le droit des peuples à l’autodétermination,
    vu l’avis de la Cour internationale de Justice sur le Kosovo du 22 juillet 2010,
    considérant que la déclaration unilatérale d’indépendance de la part de l’État ne viole pas les règles du droit international,
    nous décidons ensemble :
    1. Si, lors du référendum du 16 mars 2014, les peuples de Crimée et de Sébastopol décident de rejoindre la Fédération de Russie, la République autonome de Crimée et la ville de Sébastopol seront déclarés former un État indépendant et souverain avec une forme républicaine de gouvernement.
    2. La République de Crimée est un État démocratique, laïque et multiethnique, qui s’engage à maintenir la paix entre les ethnies et les confessions sur son territoire.

  • Archives de Vigile Répondre

    11 mars 2014

    Précisions :«En effet, pourquoi l’Ukraine doit-elle se déchirer à choisir entre la Russie et l’Europe alors qu’elle pouvait entretenir des relations amicales et commerciales avec les deux ?»
    La Russie a proposé vers le 20 novembre 2013 une approche raisonnable qui va dans le sens d'aplanir les obstacles qui nuisent à l'accroissement des échanges économiques entre toutes les parties.
    http://en.interfax.com.ua/news/general/176159.html
    Le 29 novembre 2013, l'Union européenne, par la voix de Baroso, a accru les tensions en refusant catégoriquement de s'asseoir à la table avec la Russie et l'Ukraine dans le cadre de négociations tripartites. C'est l'UE qui a forcé l'Ukraine a choisir entre «eux» ou «nous», dans le pur esprit de la guerre froide.
    http://voiceofrussia.com/news/2013_11_29/Barroso-rules-out-possibility-of-EU-Ukraine-Russia-tripartite-negotiations-3665/
    GV