La Belle province

Chronique de Robert Laplante


Robert Laplante
_ Bulletin du lundi 30 janvier 2006
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Exit Pettigrew le pète-sec, relâche de morgue quotidienne pour Stéphane Dion, un peu moins de remarques baveuses ou grossières ou les deux selon qu'on entendra grogner Coderre ou persifler Lapierre, le gouvernement du Canada nous offrira une nouvelle équipe de vendeurs. On entend déjà le babillage des commentateurs, tout émoustillés du charme de l'une, cherchant la sagesse de l'autre ou la compétence d'un Beauceron et cela nous change du ton mortifère des dernières années. Changement de ton, même régime négateur.
Ah ! si seulement l'on pouvait croire au Canada nouveau !
Eh puis, zut ! Foin de cynisme, il est là sous nos yeux, souriant devant les perspectives de carrière qui s'ouvre pour des « gens de chez nous », il est là ce grand dessein politique. Ils sont tellement nombreux à vouloir y croire. Même Jean Charest s'essaie au discours de grandeur et nous l'avons entendu parler d'une occasion historique. Il est rare de le voir se placer à cette hauteur. Et tout ça pour quelques formules bien enveloppées dans un slogan. Décidément, le Canada sera toujours très haut coté sur les marchés de pacotille. Le fédéralisme d'ouverture ! Et les voilà à s'exciter, tout ravis de voir s'ouvrir la rhétorique d'un nouvel alibi.
Le mépris trudeauiste sera donc remplacé par la condescendance conservatrice. On passe du registre de la nation niée à celui de la minorité bien traitée. Il les comprend les provinces, Stephen Harper, il les aime les provinciaux. Surtout quand ils sont prêts à se consentir minoritaires pour un plat de lentilles et quelques limousines...
Ce n'est pas la première fois que le Québec voit monter une nouvelle cohorte de défenseurs du Canada prétendant faire plus et mieux que ceux qui les ont précédés. Il n'y a rien de nouveau là. C'est plutôt même le contraire. C'est de la plus plate continuité, ce numéro du fédéralisme d'ouverture. En voilà d'autres encore prêts à s'accommoder du double discours, à plaider le pragmatisme et la tolérance toutes les fois qu'il s'agit de consentir au mensonge par omission, de tolérer la restriction mentale et de se laisser servir des euphémismes. Harper ne dit pas la même chose dans les deux langues et c'est comme si de rien n'était. Tout le monde fait comme si. Tout le monde est déjà trop heureux qu'il consacre un bout d'exposé en français à un auditoire qui n'y comprend goutte et qui sait bien que tout cela n'est que tactique de marketing. Il y a tellement d'avantages à renoncer à s'assumer, tellement de bénéfices à escompter à se laisser couler dans le rôle qu'on nous assigne.
D'une fois à l'autre la mise baisse, mais ils sont toujours heureux de minimiser les pertes, plaçant la bonne entente au-dessus de tout. De la revendication du caractère bi-national du Canada au statut particulier, à Meech et puis à Charlottetown, en passant par les demandes traditionnelles, les arrangements administratifs et le fédéralisme asymétrique, ça continue de régresser, de ratatiner comme une peau de chagrin. Mais l'important , c'est d'avoir l'impression de continuer d'espérer régler quelque chose. On leur donne un hochet et ils se gonflent le jabot ! Une vague promesse de traiter le Québec comme une province ordinaire et les voilà en train de faire des phrases sur la réconciliation nationale. Ah ! mais c'est qu'ils sont ministrables, ces candides ! C'est du sérieux. Les voilà devant la perspective de finir comme Benoît Bouchard, bien gras, dodus après avoir servi la nation canadian et s'être farci une fin carrière dans un gros poste qui ne lui laissait rien à envier aux Pelletier et Ouellet de ce merveilleux monde de la sinécure...
Minoritaire dans le caucus, minoritaire au conseil des ministres, parlant de nous comme d'une minorité, acceptant qu'on nous traite comme une minorité, cette nouvelle cohorte voudrait nous faire croire - et se faire croire- que l'avenir du Québec s'embellit dans le Canada dès lors qu'on lui laisse entendre qu'il y évoluera comme une province ordinaire mais avec des égards réservés aux minorités bien traitées. C'est toujours la même logique de folklorisation qui est à l'œuvre.
Nous les avons entendus cette semaine, ces nouveaux élus, nous parler de l'ouverture des Conservateurs à l'égard du fait français comme si cela pouvait compenser le déni de notre statut de nation. Comme si nous n'étions qu'une particularité locale, un enjolivement dans la mosaïque canadian. Ils travailleront en anglais, délibéreront en anglais, serviront de pions dans le jeu des alliances au caucus et au conseil des ministres. Mais ils se sont fait donner l'assurance que le gouvernement Harper respectera les compétences d'un ordre constitutionnel conçu pour nous réduire à l'insignifiance par des concessions qui garderont notre existence inoffensive. Ils auront réellement de l'influence sur la politique des autres...
Et ils pourront nous montrer ce que ça rapporte que de voter du bon bord. Ils pourront se dire du côté du pouvoir, du côté du vote utile et constructif. Ils vont se promener dans la bourgade en promettant des retombées. Ils marchanderont leur influence, ici pour un centre de tri postal, là pour une subvention au jardin zoologique, ailleurs pour le maintien du budget d'une base militaire. Et cela s'appellera du développement. Cela s'appellera de la reconnaissance et de la concorde. Et cela servira au mieux le clientélisme du parti qui cherchera à remplacer le «compact» libéral par un autre cercle de gens d'influence. Et cela fera du bien beau monde, des notables fiers de servir la grandeur de l'unité nationale et les intérêts de la province. La Belle province.

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Robert Laplante est un sociologue et un journaliste québécois. Il est le directeur de la revue nationaliste [L'Action nationale->http://fr.wikipedia.org/wiki/L%27Action_nationale]. Il dirige aussi l'Institut de recherche en économie contemporaine.

Patriote de l'année 2008 - [Allocution de Robert Laplante->http://www.action-nationale.qc.ca/index.php?option=com_content&task=view&id=752&Itemid=182]





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