Le bras de fer semble résolument engagé entre Madrid et la Catalogne, Mariano Rajoy entend mater toute volonté indépendantiste tandis que les Catalans étaient hier plus d’un million à défiler dans les rues de Barcelone. Pouvez-vous expliquer les raisons de cette défiance ?
Elle était très prévisible. Les deux parties restant enfermées dans un discours autiste l’un à l’autre. Le gouvernement espagnol du parti populaire refuse tout dialogue avec les nationalistes catalans. Il est d’ailleurs à l’origine de l’annulation en 2010 de la modification du statut d’autonomie négocié et adopté en 2006, reconnaissant le caractère national de la Catalogne. Ce refus du dialogue de la part du gouvernement de Madrid a fait glisser les nationalistes vers l’indépendantisme. Depuis 2012, date de la première Diada – grande manifestation autour de ce que les Catalans considèrent comme leur fête nationale –, chacun se replie dans son discours le plus extrême, coupant toute proposition sérieuse de dialogue. On assiste ainsi une dérive radicalisée de la part des deux parties. Les autorités centrales s’enferment dans le respect des normes constitutionnelles existantes. Le gouvernement catalan a décidé de passer outre et donc de violer la Constitution espagnole. En témoigne le vote d’une loi anticonstitutionnelle la semaine dernière par le parlement catalan afin d’organiser un référendum sur l’indépendance le 1er octobre prochain. La manifestation qui a eu lieu hier n’apporte rien de particulièrement nouveau. Les manifestants qui sont dans le camp de ceux qui souhaitent ce referendum pour – selon eux – ouvrir la voie à l’indépendance de la partie catalane de l’Espagne, ont renouvelé les mobilisations et les mots d’ordre des Diadas de 2012, 2013, 2014, 2015 et 2016.
Le 1er octobre prochain, les séparatistes comptent organiser un référendum pour l’indépendance. Ce dernier étant d’ores et déjà déclaré illégal par le pouvoir central. Quelle peut être la portée d’un tel acte ? Quelle est la marge de manœuvre des séparatistes à la tête de la Catalogne ?
Leur marge de manœuvre est limitée par leur stratégie qui se dit et se veut non violente, légaliste et électorale. En effet ce referendum ne se situe pas dans le cadre de l’institutionalité. Il n’a pas été comme celui de l’Ecosse accordé avec l’autorité centrale. Il est unilatéral. Et donc condamné par le gouvernement central qui a saisi le Tribunal constitutionnel qui a prononcé l’illégalité de la procédure référendaire. Un certain nombre de fonctionnaires, d’élus ou de maires en Catalogne ont décidé d’accepter les décisions du tribunal suprême et refusent de mettre leur municipalité en situation anticonstitutionnelle. Ils n’ouvriront donc pas les locaux pour l’organisation de ce vote. Les corps de police, y compris la police du pouvoir catalan, (les Mossos) ont été invités par la justice à veiller à l’application de la loi et donc à empêcher la tenue du vote. Il sera donc difficile à organiser faute d’un caractère légal. D’autre part, les partis politiques et les courants anti-indépendantistes ont appelé leurs électeurs à ne pas voter et le gouvernement de Madrid fait la chasse aux entreprises qui pourraient fournir du matériel de vote. Ce vote apparait donc plus, comme une manifestation d’opinion, qu’un vote, ayant un caractère officiel et contraignant. Le courant proche de Podemos en Catalogne, identifié par la maire de Barcelone Ada Colau, ne soutient pas le processus afin d’éviter toute poursuite et considère que cette consultation a un caractère politique symbolique sans portée juridiquement contraignante.
L’absence de dialogue depuis 2010 entre Barcelone et Madrid a conduit à cette impasse démocratique. Le 2 octobre, il faudra trouver la possibilité de reconstruire des ponts et d’opérer éventuellement un retour à la situation de 2006 : un statut d’autonomie renforcé reconnaissant la Catalogne comme une nation dans la nation espagnole.
Comment réagissent les pays et les institutions européennes face à cette situation ? Une médiation extérieure pourrait-elle être utile et envisageable ?
Actuellement, tous les gouvernements européens qui ont été consultés considèrent qu’il s’agit d’une affaire intérieure espagnole et qu’ils n’ont pas à s’en mêler. Certains, comme le président du parlement européen ou le président français, sont allés plus loin en considérant que le fondement du fonctionnement européen était basé sur le respect du droit et des constitutions. Les indépendantistes catalans pour les Européens se sont placés de facto hors du mode de fonctionnement de l’Union européenne.
Côté indépendantiste, l’argument est de dire que la Catalogne se trouve déjà dans l’Europe et qu’ils en partagent ses valeurs. Et que donc le mode de rattachement à l’Europe n’est pas en cause. La Commission européenne a cependant signalé que toute partie d’un Etat européen qui viendrait à s’en séparer constituerait une entité nouvelle et, à ce titre, ne serait plus membre de l’Union. Elle devrait donc déposer une nouvelle déclaration de candidature.
De fait, toutes les tentatives catalanes pour être reçues par des autorités politiques d’un quelconque pays européen ou même à Bruxelles se sont heurtées à une fin de non-recevoir. Alors que le président de la Commission a dans le même période accepté de recevoir le Lendakari, le président du Gouvernement basque, qui a repris après l’échec d’une tentative de référendum souverainiste la stratégie catalane des années de la transition démocratique : plus d’Europe et moins d’Etat national pour égaliser le rapport institutionnel entre Madrid et Vitoria (capitale de la Communauté autonome basque).
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