Un citoyen de Québec, qui conteste un constat d’infraction pour un don illégal de 100 $ à la CAQ, a obtenu le feu vert de la Cour suprême pour attaquer la constitutionnalité de la loi québécoise sur le financement des partis en Cour supérieure.
Yvon Maheux clame son innocence depuis le tout début de cette affaire. Il a déjà dépensé plus de 66 000 $ en frais d’avocats pour tenter de laver sa réputation et faire tomber l’amende de 7500 $ imposée par le Directeur général des élections du Québec (DGEQ).
Il risque aussi de perdre son droit de vote pendant cinq ans, s’il est reconnu coupable, et son droit de contribuer à un parti politique durant la même période.
Scandalisé par la gravité des sanctions imposées par le DGEQ, il entend se battre « jusqu’au bout » et s’est dit fier d’avoir remporté une première bataille devant le plus haut tribunal du pays (qui a refusé d’entendre l’appel du DGEQ), même si la guerre est loin d’être terminée puisque le débat se transportera maintenant devant la Cour supérieure.
« Je trouve ça tellement injuste qu’on me traite comme un fraudeur et un criminel... Il y a des choses qui clochent dans les lois sur les élections puis il y a un abus de pouvoir, c’est aussi simple que ça. Dans mon entourage, personne ne m’encourage à faire ça. Ils me disent que je suis un peu malade de dépenser mon argent pour ça, mais je ferai bien ce que je voudrai », a-t-il confié en entrevue avec Le Journal hier.
Sa croisade dépasse largement son propre cas personnel et risque de faire jurisprudence s’il parvient à ses fins. Il dit agir « par principe » et faire son « devoir de citoyen » pour les autres Québécois « pris dans ce système-là ».
Un « énorme quiproquo »
L’avocat de M. Maheux, Me Antoine Sarrazin Bourgoin, soutient que son client a été victime d’un « énorme quiproquo ».
Le septuagénaire n’avait jamais participé à une activité partisane avant de prendre sa carte de membre de la CAQ, inspiré par ce jeune parti qui promettait de lutter contre la corruption et la collusion.
En avril 2016, il a participé à un déjeuner à 100 $ avec François Legault au Cercle de la garnison de Québec après avoir reçu une invitation.
Quelques mois plus tard, il a déboursé 100 $ pour un souper en marge du congrès du parti, alors que la loi plafonne les dons à 100 $ au cours d’une même année.
« Moi, je n’ai jamais vu ça comme une contribution au parti », jure M. Maheux. Le DGEQ ne l’a pas vu de la même façon et lui reproche une « manœuvre électorale frauduleuse ».
Sept articles de loi contestés
Yvon Maheux s’attaque aux dispositions de la Loi électorale du Québec qui concernent essentiellement le plafond de 100 $ pour les dons dans une année civile et les sanctions pénales qui sont « démesurées » à ses yeux.
« En vertu de la mouture actuelle de la Loi, le demandeur, ainsi que toute personne qui excéderait la limite annuelle de contribution individuelle, ne serait-ce que de quelques dollars et pour quelque raison que ce soit, se trouve affublé du qualificatif de “fraudeur” », déplore-t-il dans sa requête.
Contestation de la Loi électorale
Extraits de la requête d’Yvon Maheux
« Les dispositions contestées ont pour résultat d’ostraciser illégalement le citoyen en le dépouillant abusivement de ses droits civiques, comprenant le droit de vote et l’éligibilité électorale, ainsi qu’en l’affublant de façon irrationnelle du qualificatif de fraudeur. »
« L’article 568 de la Loi électorale prévoit une suspension tous azimuts des droits et libertés démocratiques d’un citoyen [...] La privation complète des droits civiques instituée dans la mouture actuelle de la Loi électorale, même pour une durée limitée, est une atteinte inconciliable avec les protections inscrites aux Chartes et est, à cet égard, injustifiable. »
« Le système (actuel) réduit le citoyen au rôle de simple électeur, ne pouvant qu’effectuer une contribution insignifiante de 100 $ à un parti politique qui n’en a finalement pas besoin, au prix de l’abandon de sa vie privée, alors que la loi appelle à la méfiance et encourage une forme d’opprobre associé à cet engagement civique. »