La danse des Pygmées

Chronique de Patrice Boileau

Spectacle de désolation cette semaine au Québec. En fait, tout a débuté dimanche dernier alors qu’un « miracle » a été promis publiquement à Jean Charest par Michael Fortier. Le ministre fédéral des Travaux publics ne pouvait choisir meilleur endroit que la basilique Saint-Patrick de Montréal pour faire l’annonce au chef du Parti libéral...
Ainsi donc, le gouvernement canadien de Stephen Harper allait respecter sa promesse de régler le fameux déséquilibre fiscal qui perdure depuis 1995. Un engagement, on s’en souviendra, qu’il avait solennellement prononcé à Québec le 19 décembre 2005 en pleine campagne électorale fédérale.
Le coup de pouce du ministre conservateur non-élu envers le leader du PLQ avait toutes les allures d’une scène montrant un conquérant qui complote avec le chef fantoche d’une tribu vaincue… Un subalterne heureux des miettes qu’on lui tend, tel ce titre cosmétique de « nation » consenti il y a quelques mois. Heureusement que le vassal peut compter sur une machine médiatique huilée au quart de tour pour endoctriner la plèbe.
Il semblerait que Jean Charest préparait cette manigance avec Stephen Harper depuis quelques temps : certains représentants de la presse ont aperçu des pancartes libérales mal dissimulées annonçant triomphalement « l’entente fiscale » avec Ottawa, avant qu’elle ne soit dévoilée… Des affiches que le PLQ compte installer un peu partout au Québec d’ici la fin de la campagne électorale.
La présentation du budget conservateur par le ministre des Finances Jim Flaherty lundi dernier règle-t-il vraiment le déséquilibre fiscal? Ce cheval de bataille du camp souverainiste a-t-il été maté par le gouvernement canadien? On pourrait longtemps disserter sur les montants qui ont été octroyés par Ottawa à ce sujet.
Rappelons au départ que la Commission Séguin sur le déséquilibre fiscal a évalué en 2002 que le manque à gagner annuel du gouvernement québécois est d’environ 3.9 milliards de dollars. Cette somme a plus tard été confirmée par le Conseil de la fédération et Michel Audet, ministre des Finances démissionnaire du gouvernement Charest.
Le gouvernement canadien prétend avoir « donné » à Québec lundi dernier 2.3 milliards de dollars. De l’argent, faut-il le souligner, qui provient initialement des poches des contribuables québécois. Ce montant représente-t-il cependant de l’argent « neuf », comme le proclament les conservateurs? Est-ce véritablement une somme supérieure à celle qui a été allouée l’année précédente? Bien sûr que non : un total de 1.4 milliard de dollars a déjà été concédé au Québec par le biais d’ententes existantes, des accords qui avaient été signés avec l’ancienne administration Martin. D’ailleurs, le gouvernement Charest les a comprises dans son budget présenté en février dernier. Reste donc, en bout de ligne, environ 900 millions d’argent supplémentaire.
Le nouveau chef du Parti libéral du Canada, Stéphane Dion, prétend que l’augmentation de l’enveloppe fiscale totalise plutôt 700 millions de dollars. Furieux, il compte inviter les membres de sa formation à voter contre le budget Harper aux Communes. Cocasse de voir le dirigeant du PLC s’inquiéter d’un litige dont il a longtemps nié l’existence… Reste que son évaluation semble juste puisque Jean Charest s’est empressé de promettre qu’il refilera exactement la même somme aux Québécois en baisse d’impôt… Heureusement que le déséquilibre fiscal a été dénoncé parce qu’il privait le Québec de revenus nécessaires à son bon fonctionnement…
Il y a donc loin du compte. L’Assemblée nationale n’a pas récupéré quatre milliards de dollars lundi dernier. Pis encore, aucun amendement constitutionnel n'assure le Québec que l’État canadien ne modifiera pas encore unilatéralement le partage de l’assiette fiscale. Un changement de gouvernement à Ottawa ou l’arrivée d’une récession aura tôt fait de ramener les Québécois à la case départ ou même derrière… De toute évidence, Ottawa n’a fait que remettre le 19 mars dernier une enveloppe brune à un petit chef de province en échange de sa loyauté. Il n’y a donc rien de réglé.
Il fallait voir les collaborateurs de service jubiler au Québec durant les heures qui ont suivi la présentation du budget conservateur. Inutile de les nommer : ce sont toujours les mêmes nabots, ceux qui se prosternent devant leur maîtres, rassurés que ces derniers daignent encore veiller sur un peuple dont les carences le rendent inapte à l’autodétermination. C’est du moins ce qu’ils croient. Ils parlent d’entente « historique » en espérant que le terme ronflant enthousiasme le peuple.
Mario Dumont pavoise également : Stephen Harper est un chef qui « tient promesse. » Le chef adéquiste est persuadé que les souverainistes « ont les culottes aux genoux », tellement ils n’ont plus d’arguments pour justifier leur option. Avouons qu’il est gênant de voir les leaders indépendantistes hurler parce que la nouvelle formule de péréquation ne calcule que la moitié des revenus des richesses naturelles non-renouvelables pour mesurer le montant à remettre aux provinces pauvres… De l’argent sale d’ailleurs puisqu’il provient essentiellement de l’exploitation des sables bitumineux… Où est l’honneur?
N’empêche que « l’autonomiste » se comporte aussi comme un pygmée qui se contente de pacotilles. Harper peut finalement dormir tranquille : la réaction du chef de l’ADQ montre qu’il affectionne également l’aplaventrisme. « S’effoirer sans s’indigner » lui convient indubitablement mieux comme formule électorale plutôt que l’insignifiant « s’affirmer sans se séparer. »



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1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    21 mars 2007

    Et dire que le PQ nous avait promis de faire l'élection sur le plan et le budget de l'An I d'un Québec indépendant. Sur le projet d'une constitution.
    On est loin de parler de cela. On ne fait que se répondre pour savoir ce qu'on ferait avec le fric qui est sur la table. Boisclair me désole. Il a l'allure d'un petit gars de ruelle qui crie que son père est meilleur que celui à qui vient de lui donner un coup de poing en pleine face....
    Petit peuple à courte visée.
    Nestor Turcotte