Les contradictions entre les sondages de CROP et de Léger Marketing sont devenues un véritable classique de la politique québécoise.
Les libéraux vous diront que Léger Marketing a toujours été une boîte séparatiste, tandis que les péquistes croient dur comme fer que CROP fait tout pour favoriser le PLQ, même si c’est maintenant le sondeur de la Coalition avenir Québec.
Les experts de ces honorables maisons trouveront sûrement de savantes explications au fait que le taux d’insatisfaction à l’endroit du gouvernement Charest demeure au niveau record de 76 %, selon Léger Marketing, alors qu’il a chuté à 67 % - une baisse de 6 points - selon CROP.
À y regarder de plus près, il est cependant clair que le gouvernement Charest a tiré le meilleur parti de la grève étudiante. Certes, 69 % de ceux qui ont répondu au sondage de Léger Marketing estiment qu’il a mal géré la crise, mais cela semble une évidence après 12 semaines. Le plus important est que la grande majorité - 68 % selon CROP - appuie sa position sur la hausse des droits de scolarité plus que celle des associations étudiantes.
Au total, la situation du PLQ s’est nettement améliorée depuis le début du conflit. Selon CROP, le parti a augmenté son avance sur le PQ de 2 à 6 points au cours du dernier mois ; selon Léger Marketing, son retard a été réduit de 6 à 3 points. La tendance est donc favorable aux libéraux.
L’autre bonne nouvelle est que les deux maisons ont enregistré un rétrécissement de l’écart entre le PQ et la CAQ, ce qui risque d’accroître encore la division du vote francophone au profit du PLQ.
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Au cours des derniers jours, l’entourage du premier ministre Charest a fait de gros efforts pour calmer la frénésie électorale, mais il avait fait la même chose en 2008. Déclencher des élections en pleine crise serait peut-être « grotesque », mais un règlement dramatique qui permettrait de sauver la session in extremis ouvrirait une fenêtre bien tentante.
M. Charest avait le devoir de tout tenter pour trouver un compromis, mais la convocation d’une rencontre au sommet hier, quelques heures avant l’ouverture du conseil général du PLQ, donnait aussi l’impression qu’il n’avait pas renoncé définitivement à un scrutin printanier.
L’électorat craint par-dessus tout le désordre. Les manifestations à répétition, les vitrines fracassées, les injonctions non respectées génèrent une insécurité qui incite généralement la population à appuyer les autorités en place.
Cette insécurité risque cependant de disparaître rapidement avec les chaleurs apaisantes de l’été. La fenêtre pourrait donc se refermer brutalement pour ne plus se rouvrir. Ce qui amènerait bien des libéraux et M. Charest lui-même à se demander s’il est toujours l’homme de la situation.
Depuis des semaines, la grève étudiante a presque monopolisé l’espace médiatique, mais les raisons qui avaient fait dégringoler les libéraux dans les sondages n’ont pas disparu pour autant et la commission Charbonneau viendra bientôt les rappeler.
On peut également compter sur les partis d’opposition pour qu’on n’oublie pas les cocktails-bénéfice organisés par les firmes de génie-conseil ou le petit-déjeuner de Line Beauchamp auquel un caïd de la mafia avait été convié. Le PLQ aurait beau remporter des élections partielles dans Argenteuil et Lafontaine, l’automne demeure très incertain.
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Pour une fois, les projecteurs ne seront pas braqués sur le conseil national du PQ, qui risque d’être totalement éclipsé par le conseil général du PLQ. Les péquistes ne s’en plaindront pas, mais ce calme inhabituel n’est qu’à demi rassurant.
L’image de la « dame de béton » n’a pas résisté à la crise étudiante. Au cours des dernières semaines, Mme Marois a plutôt donné l’impression d’être faite en caoutchouc. L’ambiguïté de sa position sur la hausse des droits de scolarité, son hésitation à condamner clairement les manifestations de violence, son refus d’inviter les étudiants à retourner en classe ont ravivé le souvenir d’une époque pas si lointaine où elle n’arrivait pas à se brancher.
Entre une hausse des droits de scolarité et un véritable gel, sans parler de la gratuité complète préconisée par Québec solidaire, la chef du PQ a encore opté pour une position mi-chair, mi-poisson. Quelle impression restera : celle du béton ou celle du caoutchouc ?
Pour le moment, le résultat est que François Legault, qui n’a pas hésité à afficher clairement son appui à la hausse des droits et son refus de reconnaître la CLASSE comme interlocuteur valable, est maintenant perçu comme aussi apte que Mme Marois à assumer les fonctions de premier ministre.
Les deux sondages d’hier placent toujours la CAQ en troisième place, mais elle devrait pouvoir profiter d’une éventuelle désaffection pour l’un ou l’autre des « vieux partis ». Très rares sont les libéraux déçus qui décideraient de passer au PQ ou vice-versa. Dans les deux cas, la CAQ peut cependant offrir une solution de remplacement acceptable.
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