Hausse des droits de scolarité

La meilleure façon de donner au suivant!

Chronique de Louis Lapointe

Tout bon parent sait d'expérience que pour devenir un bon étudiant, il faut étudier. De la même façon, pour être un bon nageur, il faut nager. Un musicien qui ne ferait pas chaque jour ses gammes ne sera probablement jamais le bon musicien qu’il voudrait devenir.
Dans cet esprit, un parent intelligent souhaitera toujours que son enfant consacre davantage de temps à ses études qu’à un emploi.
Étonnamment, pas plus que les ministres du Gouvernement, les recteurs n’ont encore compris cela.
Bizarrement, ils ne demandent pas aux étudiants de consacrer plus de temps à leurs études pour qu’ils deviennent de meilleurs étudiants. Ils ne leur demandent pas non plus d’étudier et d’explorer le monde pour devenir des étudiants curieux. Ils ne leur proposent pas de leur donner plus de temps. Ils leur demandent honteusement de l’argent, juste plus d’argent.
Comment a-t-on pu confier nos universités à des gens qui ne sont pas assez intelligents pour comprendre qu’on ne les paie pas pour qu'ils incitent nos enfants à travailler au dépanneur du coin de la rue, mais à étudier? Sinon, à quoi servent tous ces impôts que nous déboursons chaque année?
Peut-on sérieusement croire un seul instant qu’un parent fortuné et intelligent pourrait demander à ses enfants de consacrer 20 ou 30 heures par semaine à vendre des chaussures ou des vêtements alors qu’ils pourraient consacrer toutes ces heures à leurs études?
Voilà pourquoi, dans plusieurs universités du Québec, les enfants des professeurs d’université ne paient pas de droits de scolarité. Pourquoi tous les enfants du Québec n’auraient pas cette même chance ?
Lorsqu’on veut que nos enfants lisent, on ne leur demande pas d’aller gagner de l’argent pour s’acheter des livres, on met à leur disposition, à la maison et dans les écoles, les meilleurs livres et on les encourage à les lire.
Pourquoi les recteurs demandent-ils à nos enfants de consacrer tout ce précieux temps à faire d’autres choses que leur métier d’étudiants, alors que leur devoir est de les encadrer le mieux possible pour qu’ils réussissent leurs études?
Quand ils deviendront de jeunes professionnels, attendra-t-on d’abord d’eux qu’ils fassent de l’argent, beaucoup d’argent ou qu’ils pratiquent avec art leur profession, faisant preuve de compassion envers ceux qui sont dans le besoin?
Tous ces scandales dont on nous parle chaque jour, où des professionnels gonflent leurs comptes d’honoraires, ne seraient-ils pas le résultat de cet esprit mercantile qu’encouragent nos cupides recteurs ? Veulent-ils plus d’argent ou plus d’étudiants honnêtes et compétents ?
Ce n’est certainement pas en vendant plus de hot-dogs et de patates frites pour faire plaisir aux recteurs que nos enfants vont consacrer plus de temps à leurs études et enrichir leurs esprits. Une simple question de bon sens.
Quand ils auront enfin terminé leurs études, nos enfants auront tout le loisir de rembourser leur dette à la société en payant les impôts nécessaires pour que d’autres jeunes puissent à leur tour consacrer tout leur temps à leurs études. La meilleure façon de donner au suivant !
Le 20 décembre 2010
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Louis Lapointe534 articles

  • 889 081

L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.





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5 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    15 février 2013

    Le 4 janvier 2013, dans un texte « Les étudiants confrontés à des compromis » je disais ceci : Oui, la gratuité scolaire est envisageable comme l’aboutissement d’un long processus de réforme de notre système d’éducation. Le Sommet sur l’éducation sera-t-il, par volonté politique, la « première étape » de ce long processus vers la gratuité scolaire ? Voyant la tournure des choses, je désespère quelque peu! Je souhaite que le fruit de ce Sommet soit une entente composée de compromis dans laquelle chacune des parties impliquées puissent l’interpréter comme une « victoire à l’arrachée » devant leurs concitoyens.

  • Archives de Vigile Répondre

    15 février 2013

    Le 4 janvier 2013, dans un texte « Les étudiants confrontés à des compromis » je disais ceci : Oui, la gratuité scolaire est envisageable comme l’aboutissement d’un long processus de réforme de notre système d’éducation. Le Sommet sur l’éducation sera-t-il, par volonté politique, la « première étape » de ce long processus vers la gratuité scolaire ? Voyant la tournure des choses, je désespère quelque peu! Je souhaite que le fruit de ce Sommet soit une entente composée de compromis dans laquelle chacune des parties impliquées puissent l’interpréter comme une « victoire à l’arrachée » devant leurs concitoyens.

  • L'engagé Répondre

    20 décembre 2010

    Certainement l'expression la plus brillante de la raison que j'aie pu lire depuis un bon moment.
    Votre texte devrait être placardé partout et on devrait en faire une «affaire des placards» en le collant aux domiciles des recteurs, du patronat et des députés.
    L'engagé

  • Archives de Vigile Répondre

    20 décembre 2010

    Ici comme ailleurs, vers des étudiants "programmés" :
    «...en détournant le français vers la communication, l'histoire vers le traitement d'informations, la philosophie vers l'argumentation, on leur fait quitter un champ intellectuel clairement défini, celui de la pensée, de la recherche, de l'ouverture et du questionnement, pour un statut de disciplines " sociales " à perspective fonctionnelle. Par le biais d'une " dissertation " édulcorée, s'opère ainsi un glissement de la formation et de l'instruction vers la socialisation.
    Les objectifs de citoyenneté constamment imposés par des programmes visant à " la formation du citoyen " confirment cet appauvrissement, cette uniformisation, cette instrumentalisation et cette perversion de matières qui devraient pourtant mener à l'émancipation, voire à la subversion, et non à des conduites stéréotypées et bien-pensantes. »
    http://www.sauv.net/texteinter.htm

  • Raymond Poulin Répondre

    20 décembre 2010

    Il est plutôt ironique de voir autant de bébéboumeurs parvenus au sommet refuser à leurs descendants une mesure de justice distributive dont ils ont, les premiers, bénéficié. Après eux, le déluge...