Au sujet de la « popularité » de Lino Zambito

La part des choses

Tribune libre


Dans sa lettre publiée dans Le Devoir du 24 octobre sous le titre « Lino Zambito, un héros? », Andrée Ferretti interroge en ces termes les possibles raisons qui confèrent à Lino Zambito ce « magnétisme » qu’il dégage auprès des médias, alléguant, entre autres, sa présence à l’émission Tout le monde en parle :
-* -notre éducation chrétienne qui invite qui n’a pas péché à jeter la première pierre et à pardonner tout péché avoué ?
-* -l’état de déliquescence actuelle de notre société où les actes criminels de nombreux politiciens sont devenus monnaie courante ?-notre penchant à glorifier anomalies et écarts dès lors qu’ils se dressent contre l’autorité que nous jugeons, souvent avec raison, mal établie ?
-* -notre difficulté à nous exprimer oralement avec précision, ce qui nous fait estimer celles et ceux qui énoncent clairement les faits et les idées, avec calme et confiance en soi ?
-* -notre difficulté à nous exprimer oralement avec précision, ce qui nous fait estimer celles et ceux qui énoncent clairement les faits et les idées, avec calme et confiance en soi ?
-* -le besoin que nous éprouvons, faute de puissance collective, à dépasser les frontières de la province, d’admirer celles et ceux qui sortent des sentiers battus quels que soient les chemins ensuite empruntés ?
Bien que je considère que chaque hypothèse posée par Mme Ferretti ait son poids d’à-propos, je voudrais m’arrêter sur son premier argument, à savoir notre éducation chrétienne, lequel m’apparaît incarner le plus les raisons pour lesquelles les médias, tirant ainsi profit du « bon peuple québécois », confèrent autant de « popularité » à Lino Zambito.
En réalité, j’en arrive à me demander, après réflexion, si les Québécois, empêtrés dans leurs principes de religion judéo-chrétienne, n’ont pas tendance à être vifs sur la gâchette de l’absolution pour ceux qui se soumettent à leur « acte de contrition », particulièrement lorsqu’ils sont invités à siéger sur la « sélecte » tribune de TLMEP.
Au royaume des tricheurs, il semble qu’au Québec les dignitaires obtiennent des grâces privilégiées pour autant qu’ils s’affichent repentants, s’attirant de la sorte la clémence de leurs propres victimes.
Loin de remettre en question la pertinence des travaux de la commission Charbonneau qui, enfin, via le témoignage de ses témoins « vedettes », lèvent peu à peu le voile sur les scandales de corruption et de collusion qui entourent le monde la construction, il m’apparaît que nous devrions avoir la lucidité de considérer ces témoins tels qu’ils sont, à savoir des crapules qui ont extorqué des millions de dollars aux contribuables québécois au lieu de les élever au rang de héros nationaux. En agissant de la sorte, nous démontrerions que nous sommes capables de faire la part des choses !
Henri Marineau
Québec

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Henri Marineau2091 articles

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Né dans le quartier Limoilou de Québec en 1947, Henri Marineau fait ses études classiques à l’Externat Classique Saint-Jean-Eudes entre 1959 et 1968. Il s’inscrit par la suite en linguistique à l’Université Laval où il obtient son baccalauréat et son diplôme de l’École Normale Supérieure en 1972. Cette année-là, il entre au Collège des Jésuites de Québec à titre de professeur de français et participe activement à la mise sur pied du Collège Saint-Charles-Garnier en 1984. Depuis lors, en plus de ses charges d’enseignement, M. Marineau occupe divers postes de responsabilités au sein de l’équipe du Collège Saint-Charles-Garnier entre autres, ceux de responsables des élèves, de directeur des services pédagogiques et de directeur général. Après une carrière de trente-et-un ans dans le monde de l’éducation, M. Marineau prend sa retraite en juin 2003. À partir de ce moment-là, il arpente la route des écritures qui le conduira sur des chemins aussi variés que la biographie, le roman, la satire, le théâtre, le conte, la poésie et la chronique. Pour en connaître davantage sur ses écrits, vous pouvez consulter son site personnel au www.henrimarineau.com




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5 commentaires

  • Jean Lespérance Répondre

    25 octobre 2012

    Malgré tout ce qu'il a fait, je ne suis pas enclin à lui jeter la pierre. Pourquoi? Si on naît dans un milieu corrompu comme le sien où les valeurs sont distorsionnées, quelles sont les chances d'en ressortir propre? Très minces. Lino Zambito n'a fait que confirmer ce que nous soupçonnions ou savions déjà. Et pourquoi est-il si serein, si posé, si calme? Parce qu'il n'a révélé que la moitié de ce qu'il sait et qu'il ménage les plus hautes têtes dirigeantes. Malgré tout ce qu'il dit, je suis convaincu qu'il exerce un certain chantage.
    Ceux qui vont passer à la caisse ne sont que des petits poissons. Il faut bien qu'il y ait apparence de justice.
    Bien sûr, après la commission il y aura de nouvelles règles mais comme les plus gros poissons vont s'en tirer, la collusion, la corruption va repartir sur de nouvelles bases.
    Si entre-temps on sauve des milliards, ça sera tout de même ça qu'on aura gagné.
    Zambito a l'air de dire, vous ne devriez pas être surpris de ce que je viens de vous dire, c'est tellement évident, c'est un secret de polichinelle.
    Il est aussi sûr de lui que Jean Chrétien à la Commission Gomery et tout probable qu'il va subir le même sort que Jean Chrétien.
    Ce qui va le sauver de la prison, c'est son silence sur nos politiciens les plus corrompus, ce qui va le sauver de la mort, c'est son silence sur les plus dangereux corrupteurs.

  • Grarlam Répondre

    25 octobre 2012

    L'apparition de Lino Zambito n'est pas une question de charisme de sa part ; c'est une question de marketing pour attirer le maximum d'auditeurs à regarder l'émission.
    Sa venue fut largement médiatisée. Pourquoi, pensez-vous? Ce n'est tout de même pas une beauté fatale.
    Nous raffolons tous des histoires de mafia, nous avons fait des films qui ont eu d'énormes succès; les prouesses et les actions de ces gens attirent constamment notre attention.
    Personne ne prétend qu'on les admire, mais on retrouve en eux un certain culot, une certaine originalité dans leur comportement qui fait qu'on veut les voir en personne et écouter ce qu'ils ont à raconter.
    Quand ils sont sur un platau de variétés, rien de sérieux, c'est pour donner un show. Toute autre intention qu'on peut leur donner n'est pas vraie.

  • Archives de Vigile Répondre

    25 octobre 2012

    Mais quel magnétisme?
    Tout comme l'émission « Tout le monde en parle », ce personnage de théâtre - mauvaise interprétation - n'aveugle que les sots. C'est pourtant ça, le réel reflet de la société québécoise. Une société sans culture! Voilà la raison pour laquelle on applaudit un mafieux. Parce qu'il nous ressemble!

  • Archives de Vigile Répondre

    25 octobre 2012

    [1] Il y a une autre explication que personne n'a considéré.
    [2] Dans notre système capitaliste, qui glorifie l'argent et l'individualisme, l'entrepreneur, le "self made man", l'affairiste qui a réussi en partant de rien, celui qui devient riche, est considéré comme un héros.
    [3] Ce courant de pensée est fortement imprégné dans la pensée sociale nord-américaine, particulièrement aux USA, dont la chef de file est sans contredit la philosophe Ayn Rand - voir ici : http://fr.wikipedia.org/wiki/Ayn_Rand - dont la droite républicaine s'inspire - le candidat républicain à la vice-présidence, Paul Ryan est un de ses adeptes.
    [4] Dans ce courant de pensée, tout ce qui vient du gouvernement est suspect et les fonctionnaires sont "pourris", non efficaces voire "corrompus".
    [5] On suit le modèle : Zambito l'entrepreneur est vénéré alors que Surprenant le fonctionnaire corrompu est honni.
    [6] La droite s'en prend aux étudiants, aux intellectuels, aux syndicalistes, aux fonctionnaires, au gouvernement mais les affairistes trouvent toujours grâce à leurs yeux, car dans l'esprit de plusieurs, ce sont eux, les hommes d'affaires qui nous font vivre et qui produisent la richesse. Y a pas grand monde chez nous qui a lu Marx et l'exploitation du Travail par le Capital.
    [7] Pourtant la corruption est un petit jeu qui se joue à deux : cela prend un corrupteur et un corrompu. Qui, après tout, a fait augmenter les prix de 30 à 40% dans les contrats de travaux publics à Montréal, sinon le cartel des entrepreneurs? Combien de millions$ d'argent public ces hommes d'affaires ont-ils mis dans leurs poches? Certainement plus en tout cas que les 700,000$ de Surprenant.
    [8] Il n'y a pas de corruption sans collusion entre les forces de l'Argent et celles de l'Administration et des politiciens professionnels.
    [9] Autant les uns que les autres sont coupables.
    [10] Ouvrez les yeux et regardez ce qui se passe dans l'entreprise privée où tout le monde prend sa cote et les prix montent constamment.
    [11] La glorification de Zambito n'a rien à voir avec les raisons invoquées par Andrée Ferretti.
    Pierre Cloutier

  • Archives de Vigile Répondre

    25 octobre 2012

    "La course aux cotes d’écoute ne justifie pas n’importe quoi..."
    Nous vivons comme le disait Guy Debord dès 1956, dans la société du spectacle et l’émission en question est un sommet du genre, une messe dominicale de la bêtise et du copinage. Il y a quelques années les gens avaient bien applaudi, à un match de boxe, Maurice "Mom" Boucher, un meurtrier...
    C'est une partie du commentaire que j'ai fait a Monsieur le Hir
    L'éducation catholique n'est pas en cause...
    Relire
    "La société du spectacle" de Guy Debord, un précurseur qui dès les années 1955 avait vu juste.
    "Manufacturing consent", Chomsky
    Ou plus récent avec une mise à niveau suite au travaux du groupe Krisis
    "Crédit à mort" de Anselm Jappe
    Après on peut comprendre que cette commission Charbonneau va se désintégrer d'elle-même, une auto-carbonisation organisée par les médias, soutenue par une clique journalistique trop heureuse de trouver du "matériel..."
    Pour citer Robert Kurtz ("Avis aux naufragés")
    "Le jeu de société le plus populaire, c'est la chasse aux boucs émissaires. Quand un grand ratage collectif a eu lieu, la faute en incombe, dans la plupart des cas, non pas a la chose même mais aux personnes. Jamais ce ne sont des objectifs hybrides, des rapports sociaux destructeurs ou des structures contradictoires que l'on tient pour reponsables, mais toujours le manque de volonté des sujets, leur incapacité, voire leur mauvaise volonté. Il est tout de même plus facile de couper des têtes que de renverser des rapports de domination existants et de changer des formes sociales"
    N'en sommes-nous pas là ? Nous nous préocuppons des effets mais pas des causes structurelles marchandes du système, nous espérons un nettoyage, plus blanc que le blanc...
    Bien mais il suffirait que la saison de la LNH redémarre pour que les journaux de Québécor commence à parler de la commission Charbonneau vers la page 70....