La pénurie d’enseignants risque de s’aggraver non seulement à Montréal, mais partout au Québec. Plus de 100 000 élèves viendront s’ajouter au réseau d’écoles publiques dans les 11 prochaines années, indiquent les prévisions du ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur (MEES).
Selon ce que Le Devoir a appris, le nombre d’élèves doit augmenter de 14 % d’ici 2029 — et de 16 % dans les écoles francophones. La hausse des effectifs étudiants atteindra même 29 % dans les trois commissions scolaires francophones de l’île de Montréal — le nombre d’élèves passera de 150 680 (en 2016-2017) à 192 366 (en 2029-2030).
Cette hausse prévue va créer une pression sur le réseau d’écoles publiques, qui se démène déjà avec une pénurie d’enseignants.
« On n’a pas encore réalisé l’ampleur de la demande qui s’en vient dans le réseau public », dit Martin Maltais, professeur au Département des sciences de l’éducation de l’Université du Québec à Rimouski (UQAR).
« On aura besoin de plus d’enseignants et de plus de directions d’école, sinon on s’en va vers une catastrophe annoncée. Le défi est grand, parce qu’on est déjà en pénurie », ajoute le spécialiste du financement et des politiques d’éducation.
Martin Maltais a découvert cette hausse prévue de 14 % du nombre d’élèves en fouillant dans les bases de données du MEES. Il sonne l’alarme dans un rapport de consultation qui doit mener à la création d’un Institut national d’excellence en éducation, envisagée par le ministre Sébastien Proulx.
Le nombre d’élèves du préscolaire, du primaire et du secondaire (dans le réseau public) passera de 889 000 en 2016-2017 à 1,01 million en 2029-2030, selon les chiffres du MEES établis d’après des projections démographiques de l’Institut de la statistique du Québec (ISQ).
Taux de natalité, immigration
La hausse prévue du nombre d’élèves est attribuable à l’augmentation du taux de natalité, à l’immigration et à la création de nouvelles classes de maternelle 4 ans, expliquent des experts au Devoir.
La présence de plus d’élèves crée le besoin pour plus de titulaires de classe. Mais d’autres facteurs risquent d’aggraver la pénurie d’enseignants : les baby-boomers continueront de prendre leur retraite dans les prochaines années, rappelle Martin Maltais. La réduction de la taille des classes dans les milieux défavorisés est aussi susceptible de créer de nouvelles classes — et des besoins supplémentaires d’enseignants.
« On est au courant des prévisions du ministère. C’est bien sûr une préoccupation pour nous. La pénurie d’employés frappe non seulement les commissions scolaires, mais l’ensemble de l’économie », dit Caroline Lemieux, directrice des communications de la Fédération des commissions scolaires du Québec.
Ces chiffres doivent entraîner une prise de conscience dans le milieu de l’éducation, estime Serge Striganuk, doyen de la Faculté d’éducation de l’Université de Sherbrooke. « Ce besoin-là [d’avoir plus de professeurs] va apparaître à très court terme », dit-il. M. Striganuk est président de l’association regroupant les doyens et directeurs de toutes les facultés d’éducation au Québec — celles qui forment les futurs enseignants.
Faut-il former davantage de professeurs ? « La réponse facile est oui, mais ce n’est pas si simple », dit-il. La plupart des facultés d’éducation ont moins d’étudiants que leur contingent autorisé pour une raison fort simple : la profession paraît peu attrayante pour les jeunes, explique Serge Striganuk.
Autre raison : le dossier scolaire d’un grand nombre d’aspirants-enseignants est trop faible pour qu’ils soient admis dans les facultés d’éducation, précise-t-il.
Retenir les jeunes profs
Pour venir à bout de la pénurie d’enseignants — et de directions d’école —, il faut mettre fin à la vague de démissions qui sévit chez les jeunes profs, estime M. Striganuk. Un enseignant sur quatre quitte la profession moins de cinq ans après le début de sa carrière.
Le problème, c’est que les nouveaux enseignants héritent généralement des classes les plus difficiles, rappelle Serge Striganuk. Les enseignants les plus expérimentés prennent les classes les plus faciles à gérer.
« Du point de vue des élèves, ça n’a pas de sens : si vous avez besoin d’une chirurgie cardiaque, voudrez-vous être opéré par un chirurgien expérimenté ou par celui qui vient de terminer ses études ? » dit le professeur de l’Université de Sherbrooke.
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