Les fruits de la Révolution tranquille du Québec, au début des années 60, ainsi que les investissements et programmes en recherche, au cours des années 80, sont très visibles. Le Québec s'est révélé comme un acteur clé dans au moins quatre des sept principaux secteurs industriels de l'Amérique du Nord: les produits pharmaceutiques et les biotechnologies, l'aérospatiale, les télécommunications, les technologies de l'information et les logiciels. Notre leadership dans l'industrie de la culture et de la création est lui aussi solidement établi. Les forces et la réputation de l'ensemble des universités, des instituts de recherche et des entreprises fondées sur le savoir du Québec sont les fruits des deux premières périodes de la Révolution tranquille.
Le Québec prend du retard
Mais ne nous méprenons pas: les deux premières périodes de la Révolution tranquille sont derrière nous. Comme le relevaient avec éloquence les signataires du manifeste Pour un Québec lucide, le Québec est arrivé à un moment de décision économique et démographique. Malgré tous les progrès que nous avons réalisés, nous sommes aujourd'hui en période de stagnation, alors que nous nous apprêtons à commencer la troisième période.
Pour demeurer dans la course, il nous faut un nouveau plan de mise en oeuvre du changement, et ce, dès maintenant. Il est impératif que nous amorcions une nouvelle période de la Révolution tranquille.
Nous sommes appelés à prendre part à la compétition mondiale la plus féroce à ce jour. Cette compétition porte sur le talent, l'investissement, le savoir et l'emploi. Les signes indiquant que les progrès accomplis par le Québec commencent à se détériorer se manifestent déjà. Au cours des dernières années, les investissements consentis par le Québec à la recherche universitaire n'ont cessé de diminuer, et nous observons cette situation dans l'ensemble des domaines disciplinaires. Sur le plan économique, le Québec est beaucoup plus fragile que le reste du Canada et que les États-Unis. Cette situation se produit alors qu'aux quatre coins du monde, d'autres villes ont déployé une stratégie régionale pour remporter cette compétition mondiale.
En contrepartie, la décision du Québec de ne pas investir suffisamment en recherche se fait sentir. Montréal a été la victime du succès de la stratégie dynamique déployée par Toronto, laquelle a entraîné le départ du chercheur en génomique Tom Hudson. Pour la première fois au cours de l'histoire récente du Québec, 13 universités québécoises ont connu l'an dernier un déclin en ce qui a trait à leurs réalisations en recherche, affichant le pire classement au Canada. En dépit des investissements considérables que le gouvernement québécois accorde aux universités, la proportion du PIB québécois investie dans l'éducation diminue d'année en année, alors qu'augmentent les coûts liés aux soins de santé. Il est clair que le modèle de financement actuel ne nous réussit pas. Le taux de participation et de diplomation universitaire québécois diminue. Par exemple, au milieu des années 90, le taux de diplomation postsecondaire du Québec atteignait 32 %, ce qui représente un taux de réussite phénoménal. En 2001, ce taux a chuté à 27 %, et le déclin se poursuit. L'Ontario affiche quant à lui un taux de réussite universitaire de 36 %; au Canada, ce taux est de 31 %, et les deux taux ne cessent de croître. En comparaison avec les universités canadiennes, les universités québécoises sont systématiquement sous-financées.
Pour couronner le tout, le Québec fait à l'occasion montre d'une propension inouïe à minimiser la force de ses atouts concurrentiels. Citons notamment les secteurs biomédical et des sciences de la vie. Alors que Montréal se targue de livrer bataille à Boston, nous considérons comme un désavantage ce dont Boston et d'autres grandes villes mondiales se réjouissent, soit le fait de posséder deux facultés de médecine. Au Canada, Montréal est la seule ville à avoir deux facultés de médecine. Les deux facultés nous permettent de nous mesurer à l'égard du talent, de l'éducation, des services et de l'innovation, non seulement à Boston mais également à New York, à Los Angeles et à d'autres villes remarquables. Nous sommes devenus si habitués à faire de la petite politique et à entendre des commentaires blessants et rétrogrades que, depuis plus de dix ans, les Montréalais sont privés d'hôpitaux universitaires à la fine pointe. Ces hôpitaux sont nécessaires pour répondre à nos besoins en santé, pour générer le savoir, la technologie et l'innovation et pour fournir les services dont dépend toute ville moderne.
Une éducation adaptée au monde moderne
L'éducation et le développement du savoir ouvriront toujours la voie à la prospérité et au progrès social.
Nous devons déployer d'urgence un nouveau plan propice à la prospérité ainsi qu'aux valeurs et au développement de la société, qui entraînera pour le Québec des répercussions aussi marquées que la Révolution tranquille à l'époque de Jean Lesage et de René Lévesque.
L'Organisation de coopération et de développement économiques a indiqué que Montréal doit immédiatement rehausser sa productivité, renforcer ses grappes économiques régionales par l'entremise de politiques en appui à l'éducation, à l'innovation et à la conclusion de partenariats stratégiques avec les universités, le gouvernement et les industries. De manière réaliste, la stratégie employée doit créer les conditions favorables à l'attrait et à la fidélisation de travailleurs de haut calibre et à l'élaboration de procédés et de produits à «valeur ajoutée» qui nous permettront de nous mesurer aux meilleurs à l'échelle mondiale.
Pour aller de l'avant, le Québec doit se doter pour le XXIe siècle d'une stratégie en matière d'éducation qui soit aussi révolutionnaire que l'ont été les propositions de la commission Parent au cours des années 60. Il nous faut établir des objectifs clairs en ce qui a trait à la participation universitaire et à l'obtention de diplômes de premier cycle et aux cycles supérieurs, tout en déterminant des échéanciers précis.
Le Québec du XXIe siècle doit créer une nouvelle stratégie en matière de recherche et de développement qui intensifiera la productivité économique au moyen de l'innovation et de l'éducation. Nous devons nous doter d'une stratégie qui préconise des mesures incitatives en vue d'accroître nos propres investissements et de mobiliser les ressources externes pour rehausser la réalisation d'activités de recherche vouées à changer le monde. Nous devons agir rapidement afin d'élaborer une stratégie industrielle pour Montréal et sa région, grâce à laquelle universités, gouvernements et entreprises travailleront de concert pour assurer le recrutement d'employés talentueux, stimuler l'apport d'investissements, rehausser la croissance économique, accroître les possibilités et valoriser notre image sur la scène mondiale dans les secteurs clés où nous disposons d'avantages distinctifs.
Le monde ne ralentit pas; il accélère. Et nous ne pouvons pas le laisser nous dépasser.
Aujourd'hui, le leadership n'est plus synonyme d'autorité; il se traduit désormais par habiletés, savoir et influence. Ce sont tous des thèmes où le Québec possède une longueur d'avance qui lui permet de se démarquer. Des choix difficiles s'imposent, mais il ne s'agit toutefois pas d'une situation gagnant-perdant entre productivité et solidarité. Nous devons établir un nouvel équilibre qui nous permettra de continuer à fournir le meilleur modèle qui soit en matière de tolérance et de bien-être social, tout en nous mesurant à nos concurrents à l'échelle mondiale, conformément à la réalité économique qui est la nôtre, sur le plan individuel et collectif.
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Heather Munroe-Blum, Principale et vice-chancelière de l'université McGill, Texte tiré d'une allocution prononcée cette semaine devant les membres de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain
La prochaine Révolution tranquille
17. Actualité archives 2007
Heather Munroe-Blum - Principale et vice-chancelière U McGill9 articles
Présidente
Conférence des recteurs
et des principaux des universités
du Québec
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