Nous sommes un peuple de vaincus, soit, mais qu’on soit content de l’être me sidère.
Ce n’est qu’ainsi que je peux m’expliquer la débâcle que les forces souverainistes ont connue cette semaine. Les Québécois ont fait fi de l’histoire, ils ont oublié comme par magie les 20 ans de luttes qu’ont livrées la députation québécoise du Bloc québécois en terrain ennemi, à Ottawa, face à des adversaires cent fois plus coriaces, qui avaient toute la machine fédérale avec eux, peu importe leurs couleurs politiques. Ces députés du Bloc, qui travaillaient dans l’adversité permanente, n’ont jamais été mêlés à un quelconque scandale et ils ont en tout temps défendu nos intérêts. Je les remercie de tout cœur et je trouve déplorable qu’on les ait ainsi virés cavalièrement, nous, du Québec. Nous sommes des sans-cœur.
Les Québécois se sont laissés berner par la propagande du régime en place, relayée par Radio-Canada et La Presse, entre autres, qui ne cessait de marteler que le Bloc ne servait à rien, qu’il empêchait l’accès au vrai pouvoir des Québécois, qu’il nuisait au fonctionnement de l’État, qu’il présentait toujours une image négative du fédéralisme, qu’il était de droite sous un déguisement social-démocrate, etc.
Les Québécois ont cru au chant des sirènes du NDP/NPD qui leur ont fait miroiter que seul ce parti pouvait barrer la route à la droite conservatrice, qu’il s’agissait d’un vote stratégique, d’un vote de gauche, avec pour résultat aujourd’hui que nous nous retrouvons avec un gouvernement majoritaire de droite qui va faire passer toutes ses lois : abolition du registre des armes à feu, resserrement des lois punitives contre les jeunes contrevenants et de la répression policière comme lors du sommet du G20 à Toronto, alignement accentué sur les politiques guerrières des États-Unis, augmentation des budgets militaires, coupes dans les budgets de la culture, sans parler des cadeaux aux entreprises pétrolières de l’Ouest canadien, sans parler surtout de l’oubli dans lequel va tomber notre pays québécois. Car il ne faut pas compter sur les nouveaux élus du NDP/NPD, «si beaux, si jeunes», comme la grosse presse se plaît à les présenter, pour défendre nos revendications, ce parti est le plus centralisateur des partis fédéralistes. Mais cela, nos si beaux, si jeunes députés du NDP/NPD ne peuvent le savoir ou encore ne veulent même pas le savoir.
Avec pour résultat que nous retournons désormais à l’ère du bilinguisme et du drapeau canadian mur à mur. Nous allons entendre mononcle Jack parler bilingue comme Jean Chrétien le faisait il n’y a pas si longtemps, avec comme toile de fond le discours sirupeux des bons sentiments. Personne ne peut être contre la vertu…
Les hommes et les femmes du Bloc défendaient bec et ongles les intérêts spécifiques du Québec mais le NDP/NPD défendra les intérêts spécifiques du Canada, coast to coast, comme il l’a démontré par le passé, avec comme «lieutenant québécois» l’ex-pourfendeur de la Loi 101 au côté d’Alliance Québec, Thomas Mulcair.
«Speak white and loud/
qu'on vous entende/
de Saint-Henri à Saint-Domingue
/oui quelle admirable langue/
pour embaucher/
donner des ordres/
fixer l'heure de la mort à l'ouvrage
/et de la pause qui rafraîchit
/et ravigote le dollar» (Michèle Lalonde).
Je suis en deuil, j’ai perdu mon député, Gilles Duceppe, un homme intègre qui a donné 20 ans de sa vie pour défendre l’idéal d’indépendance. Je rase les murs et je me méfie désormais des gens que je croise dans la rue parce que ce peuple de vaincus auquel je m’identifiais fièrement et au côté duquel je luttais a troqué soudainement son intelligence contre un plat de lentilles, juste «pour le fun», pour suivre la vague. Ces gens du pays n’ont pas hésité à «raser une forêt entière pour y planter des petites pousses», pour reprendre l’expression de Richard Martineau. Les Québécois ont même élu, dans un comté à 99% francophone, une personne unilingue anglaise qui ne réside même pas au Québec et qui n’a pas mis les pieds dans sa circonscription durant les 38 jours que la campagne électorale a duré. J’ai honte.
Et je me méfie encore plus de Québec solidaire qui doit maintenant rêver de conquérir le Québec, à la manière du NDP/NPD, avec un discours social-démocrate qui mettra en veilleuse notre combat pour l’indépendance du Québec, parce que soi-disant «les Québécois ne veulent plus en entendre parler». Comme s’il s’agissait d’une recette gagnante.
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