Laval mise sous tutelle

Alexandre Duplessis est redevenu un mineur qui a besoin de la signature de ses parents, dit Sylvain Gaudreault

324b7d321f7fb7323756eb4a6c1566d7

La machine s'écroule

L’héritage des années Vaillancourt a eu raison d’Alexandre Duplessis. Soupçonné d’avoir servi de prête-nom pendant des années — ce qu’il réfute —, le maire par intérim de Laval a demandé vendredi la mise sous tutelle de la troisième plus grande ville du Québec. Une demande que le gouvernement Marois a acceptée avec empressement et satisfaction.
Sous un soleil de plomb (et une pression intenable), M. Duplessis a confirmé en fin d’après-midi devant l’hôtel de ville qu’il n’aura plus qu’un pouvoir symbolique d’ici aux élections du 3 novembre. C’est un émissaire de la Commission municipale du Québec qui aura le fin mot sur les décisions prises à Laval.
Dans les faits, l’ex-dauphin de Gilles Vaillancourt va continuer à « faire son rôle de maire, mais il devient mineur […]. Il peut prendre des décisions, mais elles doivent être entérinées par ses parents », a commenté le ministre des Affaires municipales, Sylvain Gaudreault.

Une mise sous tutelle prévoit que toute décision du conseil de la municipalité visée doit être approuvée par la Commission, qui gère aussi de facto le budget, le taux et le montant des taxes et des permis, etc. « Au cours de la tutelle, la Commission a toute autorité pour assurer la bonne marche de la municipalité », indique notamment la loi.
Officiellement, cette décision résulte d’un accord commun. Vu le « contexte extraordinaire », M. Duplessis et Sylvain Gaudreault ont « convenu qu’il serait souhaitable d’obtenir un accompagnement du ministère par le biais d’une démarche de mise sous tutelle de la Ville », a déclaré le maire lors d’une brève allocution de 90 secondes. Il n’a répondu à aucune question des médias avant de se réfugier à l’intérieur de l’hôtel de ville.
Alexandre Duplessis a parlé d’une « solution transitoire pour maintenir les services à la population tout en assurant la gestion par le conseil municipal des affaires courantes », cela dans « l’intérêt des Lavallois ». Il a tenu à « rassurer la population » en mentionnant qu’il « poursuivra son mandat à titre de maire » pendant la tutelle. Mais celui qui tentait de se dissocier de son ancien patron Vaillancourt depuis son entrée en poste « reconsidère » actuellement sa candidature annoncée pour l’élection du 3 novembre.

Bonne décision
Québec estime qu’Alexandre Duplessis a pris la « bonne décision ». En entrevue au Devoir, le ministre Gaudreault a affirmé qu’il avait parlé « trois ou quatre fois, peut-être même cinq » au maire Duplessis dans la journée de vendredi. C’est le maire qui a lancé le premier appel.
« Je lui ai dit que j’étais troublé par ce que j’avais entendu, que je souhaitais qu’il s’explique et qu’il fallait faire quelque chose. Et nous avons convenu ensemble que la Ville de Laval demanderait la tutelle », a dit M. Gaudreault. La question de la démission n’a pas été abordée.
Il semble toutefois évident qu’Alexandre Duplessis n’avait pas vraiment le choix, d’autant plus que la Ville de Laval n’a plus de directeur général depuis plusieurs semaines. « Un moment donné, il y a un sens des responsabilités qui devient évident », indique le ministre.
Sylvain Gaudreault espère que le décret demandant la mise sous tutelle pourra être entériné par le conseil des ministres avant le prochain conseil municipal de lundi soir à Laval, ce qui nécessiterait un conseil des ministres extraordinaire d’ici là.
À Québec, la décision du maire Duplessis a semblé faire l’unanimité. Tant le gouvernement que les partis d’opposition — à l’exception du Parti libéral — avaient mis beaucoup de pression sur lui au cours de la journée. Dès le matin, Sylvain Gaudreault répétait sur toutes les tribunes qu’il invitait le maire de Laval à « réfléchir sérieusement » à son avenir et à « s’expliquer rapidement auprès de ses commettants ».
« C’est le geste honorable à poser dans les circonstances et c’est le prix à payer pour avoir fermé les yeux toutes ces années sur les pratiques de son parti sous la gouverne de Gilles Vaillancourt », a réagi Amir Khadir, de Québec solidaire. « Le maire a pris une sage décision pour rassurer les Lavallois », a pour sa part affirmé l’attaché de presse du Parti libéral. Plus tôt dans la journée, François Legault avait affirmé que la mise sous tutelle était « la seule solution ».

Silence
La brève sortie d’Alexandre Duplessis mettait fin à un silence de plus de 24 heures. Il était demeuré invisible depuis le témoignage de Jean Bertrand — agent officiel du parti PRO des Lavallois — devant la commission Charbonneau. M. Bertrand a affirmé jeudi que tous les conseillers du PRO sauf trois ont bafoué la Loi électorale en toute connaissance de cause en acceptant des dons illégaux des firmes de génie-conseil. Le directeur général des élections du Québec (DGE), Jacques Drouin, a confirmé vendredi que des vérifications et des enquêtes ont été entreprises à Laval à ce sujet.
M. Duplessis a « réfuté les allégations » lors de son point de presse, mais il n’a fourni aucune explication. Sylvain Gaudreault estime qu’il « aura d’autres occasions de s’expliquer ».

Jusque-là, les tentatives du Devoir pour obtenir des commentaires d’Alexandre Duplessis avaient suivi le cours d’une partie de ping-pong. L’attaché de presse était en vacances et son assistant renvoyait les appels à la firme de relations publiques National (qui a obtenu plus de 7 millions en contrats de communications à Laval entre 2002 et 2013, révélait L’Écho de Laval en avril).
Chez National, on indiquait encore quelques minutes avant la déclaration de M. Duplessis que celui-ci ne ferait pas de commentaire. C’est finalement l’une des onze conseillères en communications de la Ville qui a prévenu oralement les médias de la tenue du point de presse, moins d’une heure avant celui-ci.

L’opposition satisfaite
À Laval, les partis d’opposition — qui n’ont aucun élu — se sont tous dits satisfaits des événements de la journée. David De Cotis, fondateur et président du Mouvement lavallois, a salué cette décision « sage et responsable ». « On verra enfin le jour où les décisions politiques seront prises dans l’intérêt des citoyens et non des élus », a-t-il déclaré.
Du côté du Parti au service du citoyen, où on réclamait une mise sous tutelle depuis janvier 2006, le candidat à la mairie Robert Bordeleau s’est réjoui de cette « victoire citoyenne ». « On va peut-être avoir des réponses à nos questions et connaître les vrais chiffres et les vraies dépenses faites avec l’argent des citoyens. »
Jean-Claude Gobé, candidat à la mairie pour Action Laval, déplore toutefois que le maire Alexandre Duplessis n’ait pas démissionné de son poste. M. Gobé croit que le conseil municipal et le maire « n’ont plus aucune autorité morale » pour rester en place et qu’ils devraient « s’excuser à la population ».


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé

-->