La lune de miel entre le Groupe CH et Laval semble terminée, moins d’un an et demi après l’inauguration de la Place Bell.
D’un côté, la riche famille Molson juge que sa facture de taxes municipales est trop élevée. De l’autre, la Ville n’a pas encore versé un sou du remboursement d’impôt foncier qu’elle lui avait promis, a appris notre Bureau d’enquête.
Cet amphithéâtre de hockey flambant neuf a été achevé en août 2017. Il a coûté 200 millions $, dont au moins 120 M$ proviennent des poches des contribuables.
C’est là que joue le Rocket de Laval, le club-école du Canadien de Montréal. La famille Molson est propriétaire des deux équipes.
Groupe CH a récemment reçu son premier compte de taxes municipales depuis la construction de l’immeuble: très exactement 5 343 406,97 $.
Ce montant comprend « 1 360 148,21 $ pour l’exercice financier 2017 et 3 983 258,76 $ pour 2018 », précise Sarah Bensadoun, responsable des affaires publiques à la Ville de Laval.
«Puisqu’il s’agit d’une première évaluation, le montant est principalement basé sur le coût de construction», précise-t-elle.
C’est là que commencent les problèmes. Aréna du Rocket (AdR), la filiale de l’empire Molson qui est propriétaire de l’amphithéâtre, n’entend pas payer cette somme.
«Comme tout citoyen payeur de taxes, nous avons le droit de contester notre rôle d’évaluation, et c’est ce que nous faisons », justifie Paul Wilson, le grand responsable des affaires publiques du Groupe CH.
Le Canadien agit ainsi à titre d’entreprise « responsable et bien gérée », ajoute-t-il.
►Jean-Louis Fortin était au micro de QUB radio pour discuter de la situation:
Remboursement
Ironiquement, Laval et les Molson avaient convenu d’une entente, signée en janvier 2013, selon laquelle la Ville s’engageait à rembourser les taxes municipales que son partenaire privé aura payées dans un premier temps.
L’ensemble des taxes ? Pas tout à fait. Les locaux utilisés exclusivement par AdR et ses sous-traitants, dont ne peuvent bénéficier les Lavallois, sont exclus de l’entente de remboursement.
Mais des énoncés contenus dans cette entente de 132 pages rédigée en jargon légal ne permettent pas d’estimer de quel pourcentage du bâtiment il s’agit. La Ville et le Groupe CH ne veulent pas se mouiller non plus.
En décembre 2012, le quotidien La Presse estimait qu’il s’agissait d’un avantage de 3 M$ par année pour les Molson, une somme qui n’a jamais été confirmée par les deux parties.
Chose certaine, « à ce jour, aucun montant n’a été versé [pour le remboursement des taxes] », affirme Mme Bensadoun.
Négociations
Selon elle, les négociations qui ont lieu en ce moment portent « sur l’interprétation de certaines clauses de la convention ».
Une entente semblable concernant les taxes municipales existe entre la Ville de Québec et Québecor, pour le Centre Vidéotron.
Rappelons que la Ville de Laval a payé 73,6 M$ pour la construction de la Place Bell, via la Cité de la culture et du sport de Laval, un organisme à but non lucratif créé en 2009 sous le règne de l’ex-maire Gilles Vaillancourt. Elle a de plus dépensé environ 5 M$ pour l’achat de terrains.
Le gouvernement du Québec, quant à lui, a versé 46,3 M$.
Au cabinet du maire de Laval, Marc Demers, on n’a pas souhaité émettre de commentaires.
♦ Ce n’est pas la première fois que le Groupe CH tente de réduire sa facture de taxes municipales. À Montréal, il milite pour obtenir des allègements fiscaux pour le Centre Bell depuis une quinzaine d’années, et cela, même si le Club de hockey Canadien vaut 1,3 milliard $, selon le magazine Forbes. La mairesse Valérie Plante n’est pas favorable à l’idée.
Le premier compte de taxes de la Place Bell
► 1er septembre au 31 décembre 2017: 1 360 148,21 $
► 1er janvier au 31 décembre 2018: 3 983 258,76 $
► Total : 5 343 406,97 $
Source : Ville de Laval