Le combat pour une école publique gratuite est un projet républicain

Chronique de Louis Lapointe

Les statistiques du ministère de l'Éducation indiquent clairement depuis des années que lorsque les taux de réussite augmentent dans un ordre d'enseignement, le taux de passage à l'ordre d'enseignement suivant augmente également si l'accès aux études existe pour les étudiants dans un rayon de 25 km de leur lieu de résidence.
C'est la raison pour laquelle, historiquement, les hauts fonctionnaires du ministère de l'Éducation et les gouverneurs du réseau de l'Université du Québec ont toujours défendu l'idée que les trois moteurs du succès scolaire étaient la réussite, l'accessibilité - la présence de cégeps et d’universités sur l'ensemble du territoire québécois - et des droits de scolarité bas.
En fait, la réussite, l'accessibilité et la gratuité sont des facteurs concomitants du succès scolaire. L'absence d'un seul de ces facteurs peut causer l'échec des deux autres. Lorsqu'on nous propose d'augmenter considérablement les droits de scolarité à l'ordre universitaire, on met donc inévitablement en péril l'accessibilité et la réussite d'une importante proportion de la population.
Le combat pour une école publique gratuite est un projet républicain au même titre que celui de la souveraineté du Québec, de la langue française commune à tous les Québécois et des soins de santé gratuits pour toute la population, puisqu'elle est l’espace public idéal pour vaincre la pauvreté, l’ignorance et le racisme.
Contrairement à ce qu'on essaie de nous faire croire, il ne s'agit pas d'une vache sacrée, mais bien d'une valeur commune que nous ont léguée nos ancêtres, celle du partage.
Si nous nous occupons de tous nos enfants, pauvres comme riches, sans égard au sexe, à la religion ou à la race, les collèges et les universités se rempliront et nous serons, par conséquent, plus riches collectivement. Mieux vivre ensemble doit être un projet collectif. La formation est le meilleur outil pour combattre les inégalités sociales, elle doit donc être accessible à tous. Pour cela, il faut investir collectivement.
Augmenter inconsidérément les droits de scolarité à l'ordre universitaire met en péril ce projet républicain.

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Louis Lapointe534 articles

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L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.





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2 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    2 mars 2010

    D'ailleurs, regardant et écoutant hier soir l'émission à Radio-Canada «Les Années Derome» qui recevaient Lucien Bouchard, je n'ai pas été surpris de constater qu'au sujet de l'Éducation, son coût, son accessibilité, son importance stratégique pour l'Avenir du Québec, il s'est contredit deux ou trois fois du tout au tout... Remarquable!
    En effet, du même souffle il a fait l'éloge de la Révolution tranquille qui a permis à des gens d'origine modeste comme lui, rappelons-le, il est né à Jonquière, d'avoir accès à peu de frais aux études supérieures et de pouvoir réussir dans la vie par la suite, de faire une belle carrière très privilégiée, puis s'est fait ensuite le chantre passionné pour les restreindre désormais aux gens nantis qui ont les moyens de payer pour leurs enfants, et ce, dans l'intérêt bien compris de tous les Québécois!
    Quelle absurdité! On sait de nos jours, grâce à l'information tous azimuts que permet Internet, que les pays scandinaves ne sont pas plus populeux que nous ni plus riches en termes de ressources naturelles, et pourtant, l'éducation est gratuite de la maternelle à l'université! Cherchez l'erreur, s'il vous plaît! Ne nous demandons pas pourquoi ces pays font mieux que nous pour ce qui est de la qualité et du niveau de vie! Monsieur Lapointe a encore une fois plus que raison. C'est une question de valeur républicaine, de choix de société et de priorité budgétaire.
    Seulement voilà, les Québécois veulent des services gouvernementaux mur à mur, mais refusent d'assumer le niveau d'imposition que cela vaut bien comme dans les pays scandinaves qui l'acceptent, eux, de faire face à leurs responsabilités collectives.

  • Anthony Garlando Répondre

    28 février 2010

    Louis Lapointe a raison sur toute la ligne. Le système d'éducation, celui qui est le nôtre, n'est pas seulement qu'une industrie à diplômes pour répondre sordidement aux intérêts du marché de l'emploi. Évidemment, cette tendance existe, de plus en plus d'ailleurs. Mais il n'en demeure pas moins que l'instruction est un vecteur de ce que les universitaires se plaisent à appeller le ''vivre ensemble''.
    Ceci peut sembler une rhétorique creuse, mais il ne fait aucun doute, dans mon esprit, qu'un individu hautement scolarisé a généralement beaucoup moins de chances de se retrouver dans des situations où il devra être pris en charge par d'autres ''organes'' de l'État. Je pense notamment à un lieu d'incarcération, l'hôpital, ou encore dans les filets de sécurité sociaux existants. Comment j'explique cette thèse à priori douteuse ? C'est pourtant assez simple. Les cours de philosophie nous enseigne certaines bases de la moralité et de l'éthique, ils nous enseignent ce qu'est la circonspection, la modestie et nous transmet une certaine volonté critique. Dans la vie de tous les jours, cela se traduit nécessairement par un régime de vie plus sain.
    L'expérience de socialisation qui est l'aspect central des institutions scolaires de tous les niveaux nous apprend ce que c'est d'interagir entres humains. Si l'interaction se fait dans un lieu et un moment où la poursuite d'une certaine vérité est l'objectif, il ne fait aucun doute que les humains qui prennent part à cet échange en sortiront grandis et socialisés d'une manière qui leur évitera fort probablement de cultiver un mode de vie auto-destructeur. Des problèmes tels que la mauvaise alimentation pourraient être évités tellement facilement, pour peu que nous daignions nous éduquer à ce sujet. On s'empresse de mesurer les coûts de la scolarisation, mais on oublie trop souvent de mesurer ceux de la non-scolarisation. Les arguments des franc-tireurs de l'économie ne font que mesurer ce qui se présentent à eux dans l'immédiat. C'est socialement dangereux.
    Lucien Bouchard, qui est rendu à un âge assez avancé, devrait pourtant avoir une expérience de vie assez longue pour se rappeller de ce qu'était le Québec en 1950. Sa sortie publique est troublante pour quelqu'un qui a goûté au règne de Duplessis, où ''l'instruction c'est comme la boisson, y'en a qui portent pas ça''.
    Personnellement, en tant qu'étudiant au BAC, si ma facture de droits scolaire explose, s'en serait fini pour moi de l'école, et je suis pourtant dans une situation d'emploi relativement avantageuse. Ce projet est sans queue ni tête.