En septembre 1997, le professeur Marc Termote, de l'INRS-Urbanisation,
publiait une étude préparée pour l'Agence francophone pour l'enseignement
supérieur et la recherche (AUPELF-UREQ), qui évaluait que les citoyens de
langue maternelle française tomberaient sous la barre des 50% sur l'île de
Montréal au tout début du 21ième siècle. L'étude s'avançait même jusqu'à
prédire que les francophones formeraient 50,5% de la population de l'île en
l'an 2006, mais 48,8% en l'an 2011, selon le «scénario le plus plausible».
«Dans ces conditions, on peut se demander quelle serait la force
d'attraction du français auprès des allophones. En effet, un groupe dont la
part devient minoritaire éprouve quelques difficultés à attirer les membres
des autres groupes», écrivait le démographe.
Tout au long des années
suivantes, il s'est trouvé, d'un côté du spectre politique québécois, de
très nombreux commentateurs et politiciens pour qualifier l'éminent
chercheur d'«alarmiste». De l'autre côté de ce clivage partisan, on se
contentait de recommander la «prudence» à ceux pour qui ces chiffres
inspiraient la nécessité de prendre les mesures vigoureuses qui leur
apparaissaient s'imposer.
Et voici que sont dévoilées les données du recensement de 2006 qui nous
révèlent que le scénario prétendument «alarmiste» était en fait optimiste
puisque la minorisation des francophones de l'île de Montréal était déjà
une réalité l'année dernière, nettement plus tôt que prévu. Quelle est
alors la réaction du gouvernement du Québec? «Que de bonnes nouvelles»,
s'exclame la ministre Christine Saint-Pierre, responsable de la Charte de
la langue française. Comme quoi, la publication des données
démolinguistiques du recensement n'ayant lieu qu'à tous les cinq ans, nos
dirigeants actuels n'ont nul besoin d'être le moindrement cohérents avec
les positions soutenues par leurs prédécesseurs. Le bon peuple a tout
oublié depuis longtemps. Et le déclin peut alors se poursuivre, lentement
mais sûrement, à Montréal, dans l'ensemble du Québec et au Canada tout
entier.
Comme l'écrivait Jean-François Lisée («Sortie de secours», Éditions
Boréal, 2000), « Certains pensent que la situation est celle du verre à
moitié plein ou à moitié plein. Pour une minorité francophone en Amérique
du Nord, ce n’est pas la bonne analogie. On pense plutôt à un canot (l’île
de Montréal) avançant sur une rivière qui débouche sur une énorme chute
d’eau (l’anglicisation). Dans les années 60, le canot avançait à, disons 50
nœuds. Les pagayeurs s’empressèrent de freiner cette course folle, avec un
réel succès. Dans les années 90, le canot n’avance plus qu’à 25 nœuds.
Extraordinaire succès, applaudissent, de la rive, les optimistes. En
réalité, les pagayeurs réussiraient à ralentir jusqu’à 1 nœud qu’ils ne
pourraient échapper à la chute. La seule vitesse du succès est 0, à défaut
d’avoir la capacité de faire demi-tour. »
Christian Gagnon
Montréal
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Le français au Québec : encore et toujours la stratégie de l'autruche
Recensement 2006 - Langue française
Christian Gagnon138 articles
CHRISTIAN GAGNON, ing.
_ L’auteur a été président régional du Parti Québécois de Montréal-Centre d’octobre 2002 à décembre 2005
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1 commentaire
Archives de Vigile Répondre
5 décembre 2007Bravo, c'est la bonne analyse. Il ne faut pas se féliciter de pagayer moins vite vers la chute, mais il nous faut renverser la vapeur et remonter le courant.
Or à ce niveau, le PQ comme le PLQ sont stériles quant aux idées, aucune politique natalistes n'est en vue, seul l'emploi des femmes et des garderies très coûteuse qui ne touche que 50% des parents d'enfants en bas-âge.
Nous mourrons de notre aveuglement idéologique et de notre progressisme (osons le dire, la substitution de population et l'assimiliation nous guettent, avoir de plus en plus d'immigrants faiblement attachés à notre sort n'est guère rassurant, je pense même que nous nous dirigeons dans 20 ou 30 vers des troubles ethniques à la française, il faut juste attendre que la proportion d'immigrés musulmans et africains croissent assez et que leur haine du Québec, si petit, plus petit encore que la France, si décadent, si peureux se développe).