Éditorial - L'Organisation mondiale du commerce n'est pas la dernière catastrophe sur terre, contrairement à ce que croient encore trop de gens. Elle n'est pas le cheval de Troie du néo-libéralisme. Il faut être aveugle ou de mauvaise foi pour ne pas voir que les marchandises et les services n'ont jamais eu besoin de l'OMC pour être échangés partout dans le monde.
En fait, cette organisation internationale est le seul outil pouvant encore réguler le commerce mondial. Mais peut-être faudrait-il dire "était", tant l'OMC est devenue moribonde depuis l'échec du "cycle de Doha" le mois dernier.
Aujourd'hui, personne ne peut vraiment se réjouir du capotage de cette ronde de négociations. Elle devait mettre la libéralisation des échanges au service des pays pauvres. La belle affaire ! Personne ne croyait aux chimères d'un nouvel ordre économique mondial. Mais de là à penser qu'il n'en sortirait rien...
Le "cycle de Doha" a été lancé deux mois après les attentats du 11 septembre 2001. Les États du monde disaient vouloir s'attaquer à la pauvreté, reconnue comme une source de tension internationale. On allait voir ce qu'on allait voir... L'Union européenne et les États-Unis allaient réduire les colossales subventions qu'ils versent à leur secteur agricole. Des aides démesurées qui empêchent les fermiers des pays déshérités d'être concurrentiels sur leurs propres marchés.
Sans surprise, l'enlisement de cette ronde de négociations a mis en évidence l'abîme existant entre les discours en faveur du développement et la réalité.
Cet insuccès consacre l'échec du multilatéralisme. Ce sont les pays pauvres qui en pâtiront. Pas les grandes puissances économiques. Elles auront beau jeu de privilégier encore davantage les accords bilatéraux de libre-échange. Elles seront ainsi certaines d'obtenir ce qu'elles veulent de la part de partenaires qui n'auront ni les moyens ni les capacités de s'opposer à elles.
Washington n'a d'ailleurs pas attendu la fin des pourparlers pour ouvrir des discussions avec la Malaisie, le Panama, la Thaïlande, ainsi qu'avec les cinq pays de l'Union douanière d'Afrique australe.
Le sujet est complexe, certes. Il fait bâiller nos responsables politiques. Mais il est vital pour des centaines de millions de personnes. Il faut savoir que les subventions accordées aux producteurs américains de coton sont trois fois plus importantes que toute l'aide américaine à l'Afrique sub-saharienne. Et que, par ses aides, l'Union européenne soutient davantage ses vaches laitières que tous les habitants de cette vaste zone africaine.
"L'absence d'accord vaut mieux qu'un mauvais accord", entend-on souvent. C'est un sophisme. Dans le cas présent, évitons au moins de jeter le bébé avec l'eau du bain. Réalisons que ce n'est qu'avec des organisations internationales fortes que l'on pourra instaurer davantage d'équité dans le commerce mondial.
C'est avec un système de régulation solide et efficace que la libéralisation des échanges mondiaux pourra profiter à plus de personnes.
Ceux qui tirent sur l'OMC se trompent de cible. L'Organisation mondiale du commerce n'est ni bonne ni mauvaise en soi. Elle est ce qu'en font ses 149 États membres. Elle n'est qu'un forum. Ce n'est pas elle qu'il faut accuser.
Pour le ministre indien du Commerce, Kamal Nath, les négociations du "cycle de Doha" sont "entre les soins intensifs et le crématorium". Il faudra plusieurs années pour les réanimer.
L'occasion, souhaitons-le, de relancer tout le processus sur de nouvelles bases. Et - pourquoi pas aussi ? - de mieux faire connaître la réelle valeur du système canadien de gestion de l'offre pour le lait, la volaille et les oeufs.
jmsalvet@lesoleil.com
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