Y aurait-il deux principaux pôles culturels: la culture populaire subdivisée en une myriade d'éléments qui se consomment et la culture élitiste, celle à laquelle on aspire et qui s'éloigne au fur et mesure que l'on s'en approche, rétorqueront les humanistes... celle à laquelle seront sensibles les hommes et les femmes des quatre coins du monde qui refusent le prêt-à-porter culturel? «Avant la culture française, la culture allemande, la culture italienne, il y a la culture humaine», disait Renan. Et Goethe d'ajouter: «Aussi j'aime à me renseigner sur les nations étrangères et je conseille à chacun d'en faire autant de son côté. Le mot de littérature nationale ne signifie pas grand-chose aujourd'hui; nous allons vers une époque de littérature universelle, et chacun doit s'employer à hâter l'avènement de cette époque». [...]
L'être humain ne peut pas être biculturel et encore moins multiculturel: il ne peut qu'être à la recherche, en quête de la Culture en puisant dans le vaste bassin de cultures extra-territoriales. Sensible à tout ce qui constitue le patrimoine culturel mondial, il tentera de lire, d'écouter, de regarder, de comprendre au maximum cet héritage en sachant pertinemment qu'une vie est nettement insuffisante pour l'appréhender.
Pas de ghettos Certes, avant de se lancer à la conquête de la culture universelle, il doit maîtriser les principaux éléments qui régissent la sienne. L'honnête homme de cette fin de siècle se définirait comme celui qui serait sans cesse à la recherche de la clé qui lui ouvrirait les portes des champs culturels de l'humanité.
ll est évident qu'il y a des aires culturelles plus fécondes que d'autres; mais même celles qui peuvent nous apparaître comme plus arides ont toujours quelque chose de merveilleux à explorer.
L'être humain est donc culturel et tous ces préfixes (bi et multi) que la gent politique a accolés à ce mot ont un but: manipuler, diviser pour régner. [...]
La ghettoïsation retarde le processus d'intégration des nouveaux arrivants et apporte de l'eau au moulin des extrémistes de tout poil. Ces quotas, ces promotions qui se font au nom de l'égalité raciale ne seraient-ils pas un brin insultants puisqu'ils laissent entendre que la compétence et la performance passent après l'appartenance à un groupe. Ce favoritisme à rebours a un caractère paternaliste puisqu'il reconnaît implicitement que ceux et celles qui bénéficient de ces avantages seraient incapables de réussir sans ce petit coup de pouce administratif. Cette politique ne risque-telle pas d'alimenter le réservoir, déjà plein hélas, des idéologues et des partisans de la pureté ethnique?
À l'école d'abord L'école, le collège et l'université ont une grande part de responsabilité puisque ces institutions ont été jusqu'à maintenant, semble-t-il, incapables de réussir une intégration parfaitement harmonieuse. Maîtriser la langue et toutes les disciplines scolaires et universitaires est certes une bonne chose, mais cela ne constitue pas une réussite totale. L'absence d'un projet culturel à l'intérieur des écoles est manifeste.
L'école doit transmettre des valeurs universelles qui unissent et permettent une rapide intégration de l'enfant. Dans le domaine pédagogique, le discours idéologique a un certain retard sur celui qui relève du scientifique. L'école doit être repensée entièrement de manière à ce qu'elle s'adapte non seulement aux défis de cette mondialisation de l'économie dont on nous rebat un peu trop les oreilles, mais à l'intérieur même de ses frontières, elle doit former un citoyen dont les connotateurs culturels sont semblables à ceux des autres citoyens qui peuplent le pays.
Ce sont par exemple les disciplines telles que la littérature et l'histoire qui offrent à l'élève l'occasion d'acquérir des notions qui lui permettront de comprendre le patrimoine universel. [...] L'histoire contemporaine mondiale est un cours facultatif. Certains élèves n'auront jamais eu l'occasion d'étudier les grands événements qui ont bouleversé le monde au cours des deux derniers siècles par exemple. Étudier les grandes aires culturelles dans le domaine de la littérature, c'est là un programme qui redonnerait aux jeunes issus de différentes communautés de s'approprier avec fierté certains éléments de leur différente culture et de les partager avec leurs camarades.
Attention toutefois à la tour de Babel culturelle qui ne peut que s'effondrer. Il ne s'agit pas de fondre tout le monde dans le même moule, mais de donner aux futurs citoyens des repères culturels qui leur permettent de se reconnaître et de se respecter mutuellement. [...]
Derrière les mots «communautés culturelles», «ethnies», «communautés visibles», peuvent se cacher des connotations qui risquent d'entraîner les discours vers des dérapages impossibles à redresser.
Il n'y a pas de citoyen entièrement à part, mais un citoyen à part entière avec ses droits et ses devoirs. Ce n'est pas en immergeant les nouveaux arrivants dans leur folklore, et en les parquant dans des zones souvent sinistres sous prétexte fallacieux qu'ils s'acclimateront plus facilement au contact de leurs coreligionnaires ou de leurs compatriotes qu'ils arriveront à appréhender le monde qui les entoure.
Toute cette politique de multiculturalisme est à revoir.
Djamel Benyekhlef : Professeur retraité et citoyen du Québec depuis 40 ans
Le multiculturalisme dans l'impasse
Par Djamel Benyekhlef
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