Le Parti québécois cherche un successeur à André Boisclair - Et maintenant, Duceppe?

Les députés bloquistes soupèsent les conséquences de l'éventuel départ de leur chef

PQ - succession de Boisclair



Ottawa -- Tous les regards sont désormais tournés vers lui, mais Gilles Duceppe, l'actuel chef du Bloc québécois et successeur présumé d'André Boisclair, n'a pas cillé. Il refuse de révéler ses intentions, du moins tant que les modalités de succession au PQ ne seront pas connues. Ses députés, eux, sont divisés quant à l'impact que son départ pourrait avoir sur leur formation.

«Aujourd'hui, c'est la journée d'André Boisclair, a lancé d'entrée de jeu Gilles Duceppe en après-midi. Il annonce une décision. Il faut lui rendre hommage. C'est pas le temps de prendre des décisions. Il faut, je pense, respecter cette difficile décision qu'il a prise, avoir ce respect envers l'homme qu'il est, et il y aura du temps par la suite de réflexion.»
M. Duceppe estime qu'il est trop tôt pour dévoiler ses intentions et refuse de se fixer un échéancier pour le faire, soulignant qu'il faudra d'abord que le Parti québécois établisse les paramètres logistiques de la succession. Mais le chef bloquiste a-t-il envie de faire le saut sur la scène provinciale?
«Écoutez, j'ai toujours dit, moi, que ce n'est pas la seule question que je vais poser. Est-ce qu'on a le goût? Est-ce qu'on est capable? Et est-ce que c'est le moment? Ce sont les trois choses qu'il faut considérer. On prendra le temps.» Poussé à s'aventurer un peu plus loin sur son «goût» de passer au PQ, M. Duceppe a blagué: «Je n'ai pas le goût d'en discuter aujourd'hui. Ce n'est pas le temps. J'ai les capacités de ne pas en discuter aujourd'hui.»
Le mot d'ordre, au Bloc québécois, avait été donné: il ne fallait pas faire ombrage à André Boisclair et, donc, ne pas discuter trop ouvertement de cette question de peur de passer pour des «charognards», comme l'a dit le député Maka Kotto.
Plusieurs élus ont quand même accepté de conjecturer sur l'impact que le départ de Gilles Duceppe aurait sur la formation fédérale. De la vingtaine interrogés, quatre n'ont pas hésité à avouer que le chef des troupes souverainistes à Ottawa représente un «gros morceau» qu'il serait difficile à remplacer. C'est l'avis de Raymond Gravel, député de Repentigny, mais aussi de ses collègues Réal Ménard, Gérard Asselin et Michel Guimond. D'autres affirmaient que la relève existe et que le Bloc pourra très bien survivre au départ de son chef.
«S'il partait, ce serait un coup dur pour le Bloc, a dit Raymond Gravel avant la période de questions. On s'en sortirait, parce qu'il y a des gens de qualité au Bloc, des gens responsables, mais ça serait difficile. Moi, je préférerais qu'il reste ici. M. Duceppe est le seul chef que j'ai connu.»
Le député montréalais Réal Ménard, un proche de Gilles Duceppe, en arrive au même constat. «Est-ce que je souhaite qu'il parte? La réponse est non.» M. Guimond a tenu les même propos, reconnaissant que sa préférence est purement «égoïste». «Il est très populaire et à l'aise avec les dossiers fédéraux.»
Gérard Asselin ne voudrait pas voir son chef partir, mais il lui demande de prendre sa décision «dans les meilleurs délais». «On ne peut pas avoir un chef intérimaire à Québec et ici en même temps, dit-il. On ne pourrait pas fonctionner comme ça très, très longtemps.»
Dans l'autre camp, on trouve des députés comme Paul Crête qui, sans se prononcer sur un départ éventuel de son chef, fait valoir que «les cimetières sont pleins de gens irremplaçables». «On a survécu au départ de Lucien Bouchard!», lance André Bellavance. «On a beaucoup de bons députés, on est capables», renchérit Paule Brunelle.
Les députés étaient encore plus réticents à se prononcer sur un éventuel remplaçant de M. Duceppe. Le leader en Chambre du Bloc, Pierre Paquette, que certains voient comme un successeur potentiel, a refusé de s'avancer. «Beaucoup de gens auront à réfléchir à la suite des choses, mais ça ne se fera pas aujourd'hui», a-t-il dit.
De rares critiques
La très grande majorité des députés interrogés hier ont soutenu que M. Duceppe n'avait rien à se reprocher et qu'André Boisclair seul devait porter la responsabilité de sa sortie fracassante de ce week-end.
Toutefois, deux députés ont affirmé qu'il n'y avait «pas de fumée sans feu»: Caroline Saint-Hilaire et le député de Sherbrooke, Serge Cardin. «Je considère que, si Boisclair est sorti comme ça assez violemment ces derniers jours concernant ce qui se passait en coulisses et qu'il accusait Duceppe et son groupe, j'imagine qu'il y avait du vrai là-dedans», a-t-il déclaré.
Serge Ménard, ancien ministre péquiste, voit dans la sortie de M. Boisclair un «acte manqué», sorte de suicide politique qu'il associe au vol d'un manteau chez Eaton par le jeune ministre péquiste qu'était Claude Charron, celui d'une paire de gants chez La Baie par Lorraine Pagé, alors à la tête de la CEQ, ou encore le vol d'une bague par l'ancien député du NPD, Svend Robinson.
Plusieurs députés avaient la mine basse hier, se disant «déçus», «bouleversés», «peinés». Pour Réal Ménard, une chose est certaine: les militants du PQ devront laisser au nouveau chef une plus grande marge de manoeuvre. «Ce n'est pas faire injure à l'histoire que de dire que M. Boisclair a été pris avec un programme un peu rigide. Je pense qu'il faut apprendre de ça et laisser à la nouvelle personne une marge de manoeuvre, au moins pour les considérations stratégiques», a-t-il soutenu.
Les chefs fédéraux
Les chefs des trois autres partis politiques fédéraux ont par ailleurs limité leurs commentaires. Le premier ministre Stephen Harper s'est contenté de rappeler -- et de se réjouir -- que, pour une fois, les troupes souverainistes ne formaient ni le gouvernement ni l'opposition officielle.
Le chef libéral, Stéphane Dion, a voulu se montrer respectueux envers le politicien. «Quand quelqu'un quitte, il est important de dire des choses positives à son sujet. M. Boisclair a travaillé corps et âme avec une grande conviction. J'apprécie ce qu'il a voulu faire pour l'environnement, notamment.» M. Dion invite M. Boisclair à ne «pas tout prendre sur ses épaules». La difficulté de son parti résulte selon lui non pas de son leadership, mais de son option, que les Québécois rejettent.
Quant à Jack Layton, il estime que ce départ, et celui de Gilles Duceppe qui devrait s'ensuivre, affaiblira le Bloc québécois et multipliera les courses à quatre «plus serrées» dans la province lors des prochaines élections. «Les remous au sein de la famille souverainiste amènent beaucoup de Québécois à chercher une alternative qui reflète leurs valeurs.»


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