À titre de président de Québec solidaire, Andrés Fontecilla connaissait parfaitement ses structures et son fonctionnement. Il pouvait mesurer mieux que quiconque l’étroitesse de sa marge de manoeuvre. Il n’aurait jamais apposé sa signature au bas d’une entente avec les autres partis souverainistes sans le feu vert du Comité de coordination national de QS, que Jean-François Lisée a comparé à l’obscur Politburo de l’ex-URSS, qui chapeautait le gouvernement soviétique officiel.
Une période de deux semaines avait été prévue entre la conclusion de l’entente et la signature officielle pour permettre aux représentants de chacun des partis d’en faire approuver les dispositions par les instances autorisées. Au reste, M. Fontecilla n’était pas le seul représentant de QS à la table de négociations. Sa collègue Monique Moisan, dont on a pu constater le souci de la règle en la voyant diriger les débats au congrès de la semaine dernière, l’accompagnait tout au long de l’exercice et elle aussi a signé.
En bon soldat, M. Fontecilla a accepté de prendre tout le blâme. « Ça arrive souvent qu’un négociateur juge qu’il y a entente, mais pas les instances qui le mandatent. Ce sont les dangers de la vie politique », a-t-il déclaré. En réalité, il n’y avait pas de problème avec la « feuille de route ». Elle avait simplement le tort de démontrer qu’on pouvait faire affaire avec le PQ, ce à quoi plusieurs s’opposaient férocement au « Politburo ». On a donc préféré la cacher, et il faut maintenant lui trouver des défauts pour justifier cette cachotterie. On attend toujours qu’on nous explique lesquels.
M. Lisée a dit ignorer l’identité de ces éminences grises dont les porte-parole officiels du parti, aujourd’hui Gabriel Nadeau-Dubois et Manon Massé, ne seraient finalement que les exécutants. Le Devoir a publié la semaine dernière le texte d’un des membres plus connus du Comité de coordination, André Frappier, quatre fois candidat dans Ahuntsic, qui plaidait vigoureusement contre la conclusion d’un pacte électoral avec le PQ et qui est intervenu en ce sens sur le plancher du congrès.
On parle aussi de Ludvic Moquin-Beaudry, professeur de philosophie au cégep de Saint-Jérôme, qui était responsable des communications à la CLASSE, à l’époque où M. Nadeau-Dubois en était le porte-parole. Dans une entrevue donnée à ICI Radio-Canada la semaine dernière, il s’inquiétait déjà de l’effet négatif qu’un rapprochement avec le PQ aurait sur les électeurs anglophones et allophones que courtise ouvertement QS.
Un autre « suspect » est l’ancien président du Conseil central du Montréal métropolitain (CSN), Gaétan Châteauneuf, qui dirige le secrétariat de QS et sera candidat dans Bourget à la prochaine élection. La loi électorale exige que le nom du « chef » d’un parti politique soit enregistré. Dans le cas de QS, c’est le sien.
Le tort de la « feuille de route » est peut-être de mettre en lumière une contradiction flagrante dans son programme. Il déclare « essentielle l’accession du Québec au statut de pays » et constate que « le fédéralisme canadien est irréformable sur le fond ». Pourtant, contrairement à ce que prévoit la « feuille de route », il n’est dit nulle part que l’assemblée constituante proposée devra nécessairement accoucher de la constitution d’un Québec souverain.
Cela sous-entend qu’elle pourrait plutôt proposer la constitution d’un État toujours fédéré, ce qui serait illégal selon les experts qui ont été consultés pour éclairer les discussions. Il va de soi qu’une province, aussi distincte qu’elle soit, ne peut pas réécrire la Constitution du pays à sa convenance.
QS se retrouve face à un dilemme. Reconnaître que la Constitution sera nécessairement celle d’un État souverain donnerait au tiers de ses électeurs qui sont fédéralistes la désagréable impression qu’on cherche à les enfermer dans une « cage à homard » semblable à celle de Jacques Parizeau. Inversement, laisser la porte ouverte à une réforme du fédéralisme risque de compromettre les chances d’une fusion avec Option nationale, qui exige un « engagement clair envers l’indépendance ».
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