Décidément, Gilles Taillon est un homme malchanceux: à la veille du déclenchement des élections du 8 décembre 2008, il avait annoncé qu'en raison du mauvais état de santé de son épouse, il ne se représenterait pas dans sa circonscription de Chauveau, où il avait été élu avec une majorité de 13 000 voix l'année précédente, mais plutôt dans Chapleau, où l'ADQ n'avait pas la moindre chance.
Voilà maintenant que les traitements de radiothérapie qu'il devra lui-même subir presque quotidiennement au cours des prochaines semaines le forceront à ralentir considérablement le rythme de sa campagne au leadership à un moment où elle battait déjà de l'aile.
Ses attaques brutales et répétées contre Éric Caire, qu'il persiste à qualifier de «tricheur», même s'il assure avoir «tourné la page», ont créé un sérieux malaise au sein de son parti, dont la crédibilité dans l'opinion publique est sérieusement minée.
La récidive du cancer dont il avait été atteint en 2005 impose aux militants adéquistes une question incontournable. Malgré la sympathie que peut inspirer sa situation, dans quelle mesure sa santé lui permettrait-elle de s'acquitter pleinement de ses responsabilités au cours des prochaines années?
Certes, la possibilité que le prochain chef de l'ADQ devienne éventuellement premier ministre apparaît purement théorique, mais les militants qui croient aux vertus de leur programme ne peuvent l'exclure formellement. Sinon, autant fermer boutique.
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En avril dernier, il avait déjà été assez curieux d'entendre François Bonnardel et Linda Lapointe annoncer qu'ils coprésideraient la campagne de M. Taillon avant même qu'il soit officiellement candidat.
Je veux bien croire que l'ADQ est différente des «vieux partis», mais il y a des limites à la pitrerie. Nulle part on n'avait encore vu un aspirant à la direction faire campagne par procuration. Qu'aurait-on dit en 2005 si Pauline Marois avait laissé Jonathan Valois et Nicole Léger faire campagne à sa place? Ce n'est tout simplement pas sérieux.
Heureusement, le cancer de la prostate est un de ceux qui se soignent le mieux. À 65 ans, M. Taillon peut donc espérer vivre en santé pendant de longues années, mais un doute va toujours subsister.
Dans la situation très précaire où elle se trouve, l'ADQ n'a surtout pas besoin d'un chef de transition. Il faudra énormément de temps et d'énergie au prochain leader pour en refaire une solution de remplacement crédible, si jamais la chose est encore possible.
La course au leadership et l'élan que donne généralement l'élection d'un nouveau chef devraient normalement constituer un premier élément de cette reconstruction, mais la contribution de M. Taillon sera très mince. Dans les circonstances, Éric Caire n'a pas tort de le qualifier de «poteau».
Qui plus est, si une nouvelle course devenait nécessaire à plus ou moins brève échéance, Stéphane Gendron pourrait bien être sur les rangs. Quand Mario Dumont a annoncé son départ, le maire de Huntingdon a déclaré qu'il envisageait de se lancer en politique provinciale en 2012 ou 2013. Même si la députation adéquiste était unanime à s'opposer à sa candidature, les sondages indiquaient qu'il était de loin le favori de la population.
M Gendron est peut-être un personnage controversé, mais personne ne pourrait lui reprocher de ne pas avoir de diplôme universitaire. Il est diplômé non seulement en droit de l'Université de Montréal, mais aussi en histoire de l'Université du Massachusetts.
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À l'automne 2006, alors que l'ADQ semblait à l'agonie, tout le monde avait été reconnaissant à
M. Taillon de lui apporter une crédibilité qui lui faisait cruellement défaut. On avait également salué sa contribution à l'élaboration du programme qui avait permis la percée spectaculaire de mars 2007.
Malgré tout, il a toujours été perçu comme une espèce d'outsider, alors qu'Éric Caire est un militant de la première heure. Contrairement aux militants de la génération de M. Caire, qui rejettent en bloc le «modèle québécois», M. Taillon est un pur produit de la Révolution tranquille, qui a passé l'essentiel de sa carrière dans le secteur public.
En se rangeant dans son camp, François Bonnardel avait déclaré qu'il allait devoir «montrer qu'il peut travailler en équipe». De la part de son organisateur en chef, ces propos étaient pour le moins étonnants. Normalement, quand on appuie quelqu'un, on doit être convaincu qu'il possède les qualités requises.
ll est vrai que certains comportements de M. Taillon étaient assez inquiétants. En quelques mois, il avait réussi à se brouiller avec l'exécutif de sa circonscription de Chauveau et son organisateur en chef, qu'il avait menacé de traîner devant les tribunaux. S'il n'avait pas été en mesure d'assurer l'unité de son association de comté, comment pourrait-il assurer celle du parti?
Si M. Taillon est en mesure de participer aux deux derniers débats entre les candidats, on voit mal sur quelle base le comité électoral de l'ADQ pourrait invalider sa candidature. Il appartiendra vraisemblablement aux militants de régler la question le 18 octobre. L'ADQ a beau être un parti pas comme les autres, il serait tout de même étonnant que les militants élisent un «poteau».
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