Premier, Deuxième et autres Principes

Le pouvoir actuel à Ottawa n'est plus une affaire de partis politiques mais de représentations régionales

Tribune libre 2008



Face à la crise qui secoue Ottawa et tout le Canada, Madame Pauline Marois propose la souveraineté comme solution.

Telle que suggérée, cette solution est proposée comme mesure plus ou moins transitoire puisque c'est la crise qui la provoque, alors qu'en réalité, le statut d'État reconnu, non seulement pour le Québec mais aussi pour les autres provinces, s'impose comme solution naturelle et permanente pour un "pays" qui est en fait un continent.

C'est une affaire de continuités, non de caprice du moment.

Le Canada est un continent. Il faut s'en rendre compte. Regardez et étudiez les cartes. Voyez l'immensité de sa superficie. la présence de trois océans qui l'entourent, le caractère gigantesque du bouclier Précambrien, qui fait obstacle aux communications entre le nord et le sud, l'est et l'ouest. Aussi étendu que l'Europe mais manquant d'espaces oékoumènes, bas, plats, arables, avec un climat qui permettrait deux ou trois récoltes par année, le Québec et le Canada se prêtent davantage aux formations politiques locales que les Balkans, dont les communications naturelles sont meilleures et dont l'histoire est beaucoup plus ancienne, à cause des communications précisément.

Les gens s'agglomèrent là où les communications par eau sont faciles et où on trouve de quoi manger en quantité suffisante. C'est la nature: ce n'est pas une affaire d'idées pour les idées ni d'idéologies en "isme", n'en déplaise aux savantasses qui pullulent jusque dans les institutions du "haut savoir".

Tout le Canada, aussi étendu que l'Europe, n'a pas même la population de la Californie (37,000,000 vs 31,000,000). Le Québec à lui seul est aussi étendu que la Scandinavie et n'a pas même la population de la Suède ( 9,000,000 vs 7,500.000). L'Ontario, presqu'aussi étendu que le Québec, a cing millions d'habitants de plus que le Québec et son budget dépasse celui de l'Australie.

Pourquoi? Parce que les basses terres des grands Lacs sont une région qui offre davantage de possibillités sur le plan agricole que le Québec. On peut obtenir deux récoltes par année dans les basses terres des grands Lacs, région qu'on peut suivre sur une carte, suivant la ligne générale Oshawa-Windsor. Remarquez que les basses terres des grands Lacs, région enclavée, sont situées au sud du 45e parallèle nord, alors que les basses terres du Saint Laurent sont au nord de cette latitude et subissent l'influence des vents polaires de la mer du Labrador, ce qui n'est pas le cas de l'Ontario méridional.

L'Ontario ne peut plus continuer avec deux gouvernements, deux ÉTATS SUPERPOSÉS QUI SE NUISENT MUTUELLEMENT.
Que le principe de coordination et de coopération soit difficile à mettre en pratique, c'est l'évidence et personne ne peut plus l'ignorer. Les "feelings and emotions", la sentimentalité à l'eau de rose n'y peuvent pas grand chose, sinon retarder des décisions qui s'imposent depuis longtemps.

Voyez les régions oékoumènes du Québec et du Canada: de taille réduite, dispersées, individualisées, vulnérables, différenciées et contrastées les unes par rapport aux autres. Voyez les climats et les végétations contrastées. Cette nature appelle à la décentralisation des pouvoirs. C'est le principe de concentration et d'économie de l'effort et des moyens qui est en cause. . Cette décentralisation s'impose maintenant en raison de la nécessité de concentrer et d'économiser l'effort et les moyens, afin d'atteindre des objectifs praticables et réalisables, compte tenu du contexte et de la situation actuelles de temps de crise économique et politique. Rien ne sera plus comme avant.

Des populations dispersées sur des espaces aussi étendus ne peuvent être bien gouvernées par une bureaucratie centralisatrice, unitaire et arbitraire, pour la simple raison qu'une telle bucreaucratie ne peut apprécier le contexte et les situations qui se présentent parce qu'elle n'est pas impliquée dans le coeur de l'action. Nous savons maintenant que la bureaucratie autocratique d'Ottawa est au service de Bay Street, au détriment des provinces et des gens ordinaires qui attendent beaucoup d'une administration publique.

Même le Québec indépendant devra décentraliser et ré-organiser le pouvoir et l'administration en seize ou dix-sept préfectures. C'est une loi de nature et ce sont les principes qui l'exigent, dont la concentration et l'économie de l'effort, la simplicité et la souplesse.

La question qui se pose est simple: Est-ce que les gouvernements indépendantistes et le peuple auront assez de maturité pour le comprendre et agir en conséquence sans provoquer de troubles graves. La question est inquiétante lorsqu'on voit l'expérience des autres, notamment en Irlande et en Finlande, alors que l'indépendance, obtenue vers 1919-1920 dans les deux cas, a été suivie d'une guerre civile entre les citoyens de diverses factions, dans l'ignorance des principes qui gouvernent toute stratégie d'État.

D'abord les provinces d'Empire de l'Amérique Britannique du Nord existaient en tant que provinces d'Empire AVANT le gouvernement fédéral à Ottawa, qui a été organisé pour amasser des fonds pour la construction des chemins de fer. Dans le CONTEXTE (Appréciation du contexte, premier principe) d'un espace aux dimensions continentales recouvert d'obstacles naturels qui bloquent les communications, le chemin de fer est une nécessité qui n'a pas de loi. Il fallait le faire. Sans le chemin de fer, aucune province, y compris le Québec, n'aurait pu progresser et accéder d'une manière naturelle (de facto) au statut d'État, dont plusieurs sont maintenant prêtes à fonctionner comme États, avec pleins pouvoirs, ce qui veut dire à se reconnaître et se faire reconnaître.

L'erreur stratégique des "power brokers" qui ont fondé Ottawa et la bourse de Bay Street tient au fait qu'ils ont cru que leur centralisme unitaire, qu'ils se sont bien gardés d'introduire d'un coup, ne pouvait à la longue que créer des tensions insoutenables entre le pouvoir central et les provinces, au fur et à mesure de leur développement respectif. Voyez comment le pouvoir centralisateur d'Ottawa a sauté sur toutes les occasions "impériales"notamment les guerres de l'Empire Britannique, pour piéger vers le centre la fiscalité qui appartenait aux provinces en premier lieu. Voyez comment, à partir de
1960, avec la construction des autouroutes, Ottawa a tenté un autre coup d'État pour renforcer et centraliser davantage son pouvoir arbitraire. Cette fois, la manoeuvre n'a pas fonctionné. Les autoroutes sont devenues un facteur de pouvoirs pour les provinces et contre l'État central.

Le pouvoir, économique et politique, est complètement dans ces communications. Cet axiome est central en géopolitique. Apprécier la géographie et les communications, naturelles et aménagées, fait partie intégrale de l'appréciation du contexte, premier principe de stratégie d'État. Voyez comment Ottawa exerce un contrôle quasi absolu sur les communications, toutes les communications, pas seulement les communications écrites et électroniques. Sauf que l'autoroute et les communications satellites, y compris l'Internet, sont en train de déplacer la base des communcations précédentes et de créer de nouveaux rapports de forces. Personne ne peut l'ignorer.

À partir de 1960, les provinces ont commencé à réagir, Québec en tête, non pas un Québec "séparatiste" mais le Québec du très libéral Jean Lesage, qui a osé parler de l'État du Québec.

À cette époque, le Québec n'avait ni les moyens ni la conscience d'un État. Rappelons que l'État est d'abord et avanit tout une VOLONTÉ en Acte et en Puissance. Tel est l'essentiel. Il faut de la maturité pour acquérir une telle VOLONTÉ et le "fédéralistes" du Québec s'acharnent à répéter qu'on est en "démocrasserie" et que le peuple Québécois, "bin tsébin làlà, la "séparation", y veut pas pantoute pantoute".

C'est l'âge mental de cinq ans, entretenu par les média. Le même pouvoir centralisateur cherche depuis longtemps à s'insinuer dans les écoles et les universités et a presque réussi à conditionner même les études "supérieures", réduites à des schématisations et des modèles simplistes, dans l'ignorance des principes de stratégie d'État.

Il n'y a pas de démocratie sans VOLONTÉ et il n'y a pas de volonté sans conscience et il ne peut y avoir de conscience dans une population conditionnée par les média jusqu'à fonctionner, non par réflexion consciente mais par réflexes, comme des animaux domptés pour le travail. La LIBERTÉ passe par une conscience éclairée et libre d'affects et de réflexes. Certes, l'entraÎnement est nécessaire pour agir avec efficacité mais l'entraînement choisi et voulu n'est pas la même chose que les affects et réflexes imposés par la force des pouvoirs arbitraires. C'est la loi de la nature.

Le pouvoir actuel à Ottawa n'est plus une affaire de partis politiques mais de représentations régionales. L'Ouest a ses intérêts. Le Centre à ses intérêts. L'Est a ses intérêts. C'est naturel, Ce n'est pas de l'entêtement ni du "séparatisme".

Prétendre répondre pour tous par le moyen d'un pouvoir archi centralisé, c'est ignorer le premier principe.

C'est aussi ignorer le deuxième:Appréciation de la situation, c'est-à-dire de l'univers de la Relation.

Qui est avec qui? Qui parle pour qui? Qui refuse de s'associer et pour quelle raison? La réponse se voit maintenant. Chacun tire de son côté et c'est naturel. Ce n'est pas de la sédition. D'une part, les députés qui sont des représentants, non de partis politiques mais d'abord de régions, de provinces États et de Cités-État. D'autre part, les oligarques et les autocrates qui pensent au pouvoir pour le pouvoir et à l'argent pour l'argent. Ces factions sont maintenant à couteaux tirés.

Il est évident, que compte tenu de la conjonture actuelle sur le plan économique, personne n'est disposé à laisser un étranger tenir le pouvoir et décider pour leur région ou leur localité. Personne ne peut le faire à moins de vivre sur place.
C'est une loi de nature. (Principes de simplicité et de souplesse).

Qu'Ottawa ne représente plus ce qu'il a représenté n'est ni subversif ni catastrophique. Ceux qui ont peur des conséquences sont les oligarques qui entendent tenir une emprise absolue sur un pouvoir central afin d'assurer la pérennité de leur fortune.

Que les gens ordinaires puissent s'impliquer de plus en plus nombreux dans la gouverne de l'État, voilà qui est naturel et dans ce cas, le pouvoir est en passe de devenir un phénomène local, ce qui est aussi naturel.

La connaissance des grands principes permet de trouver en toutes circonstances les solutions qui conviennent, dit Sun Tsu. C'est une loi de nature et la nature finit toujours par s'imposer sans violence ni arbitraire. Voilà ce qui arrive.

Nous devons poursuivre et explorer encore plus loin nos principes de stratégie d'État.

JRMS


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René Marcel Sauvé217 articles

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J. René Marcel Sauvé, géographe spécialisé en géopolitique et en polémologie, a fait ses études de base à l’institut de géographie de l’Université de Montréal. En même temps, il entreprit dans l’armée canadienne une carrière de 28 ans qui le conduisit en Europe, en Afrique occidentale et au Moyen-Orient. Poursuivant études et carrière, il s’inscrivit au département d’histoire de l’Université de Londres et fit des études au Collège Métropolitain de Saint-Albans. Il fréquenta aussi l’Université de Vienne et le Geschwitzer Scholl Institut Für Politische Wissenschaft à Munich. Il est l'auteur de [{Géopolitique et avenir du Québec et Québec, carrefour des empires}->http://www.quebeclibre.net/spip.php?article248].





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