Budget 2010 – 2011

Le pouvoir de la rue

Chronique de Richard Le Hir

En l’espace de quelques jours, en pleine pause pascale, deux manifestations, l’une à Sherbrooke et l’autre à Québec, deux villes dont les populations ne sont pourtant pas réputées pour leurs élans révolutionnaires, ont permis de prendre la mesure de la grogne contre le budget Bachand-Charest. Et le sondage que publie aujourd’hui Le Devoir vient confirmer que nous sommes devant une réaction de rejet sans précédent.
Dans le commentaire que j’écrivais pour Vigile dans les minutes qui ont suivi le dépôt du budget, après en avoir dénoncé le caractère inique et régressif, je concluais avec ces mots en caractère gras : « Vivement le retour sur terre. Si jamais les Québécois ont senti le besoin de descendre dans la rue, c’est maintenant qu’il faut le faire. » (Voir [« Zéro sur toute la ligne »->26690]).
Je n’aurai certainement pas la prétention de dire que mon appel a été entendu, et je suis certain que Vigile a la modestie de croire qu’il ne se range pas dans la catégorie des médias de masse. Si le sentiment que j’exprimais dans ce commentaire s’est révélé juste, c’est tout simplement qu’il s’agissait d’une évidence.
Et alors on peut se demander comment il se fait que ce qui me paraissait à moi si évident ne le paraissait pas tout autant aux yeux du gouvernement Charest. Nous sommes pourtant devant la même réalité.
Pour avoir été membre d’un gouvernement, je suis très conscient de l’effet de bulle qui isole dès son élection tout gouvernement qui prend le pouvoir. Dans l’atmosphère raréfiée de ce cénacle que constitue le conseil des ministres, un décalage de plus en plus marqué s’installe entre le gouvernement et la population. Très rapidement si l’on n’y prend garde, l’excès de confiance qu’ils croient justifié par leur victoire pour certains, l’ivresse du pouvoir, l’arrogance ou la suffisance pour d’autres, achèvent de déconnecter complètement le gouvernement de sa base.
Nous avons devant nous un exemple classique de ce phénomène. Reste maintenant à savoir si le gouvernement Charest est capable de gérer une crise qui s’annonce majeure et dont aucun des scénarios de sortie ne pourra tourner à son avantage. En effet, quoiqu’il fasse, il sera perdant.
S’il recule, et c’est certainement à l’heure actuelle le scénario le plus plausible, il conserve le pouvoir mais n’a plus aucune autorité dans aucun dossier, et il s’expose à une explosion du mécontentement populaire au moindre geste contrariant. Son seul espoir sera de limiter les dégâts pour le PLQ à la prochaine élection qu’il perdra de toute façon.
S’il persévère dans ce que la population considère manifestement comme une erreur majeure, il risque une confrontation avec la rue qui a le potentiel de dégénérer très rapidement, et de déboucher non pas tant sur la violence que sur des remises en question beaucoup plus fondamentales de la légitimité du régime, y compris du lien fédéral qui n’a jamais été si faible. La crise québécoise dégénèrerait alors en crise canadienne.
C’est vous dire toutes les pressions auxquelles le gouvernement Charest sera soumis au cours des prochains jours pour faire machine arrière. Et les pressions extérieures risquent de faire pencher la balance encore davantage que les pressions intérieures. Comme pour la Loi 104.
C’est ça, le Canada. « Merci pour votre beau programme ! »


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11 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    12 avril 2010

    M. Le Hir
    Si vous avez lu les interventions de Georges Paquet sur Vigile vous aurez constaté que ses élucubrations n’ont pour but que de semer la confusion parmi les indépendantistes avec des demi-vérités ou carrément des faussetés. Il faut être naïf pour croire ses allégations. M. Paquet est un fédéraliste pur et dur qui prône, sous un couvert d’informations, la soumission du Québec au Canada, son maître. Bien sûr en ayant été diplomate, du moins c’est ce qu’il prétend, on ne crache pas dans sa soupe alors il n’y a rien à attendre d’un tel personnage sinon s’en méfier.
    Ivan Parent

  • @ Richard Le Hir Répondre

    12 avril 2010

    @ Georges Paquet,
    M. Paquet, quelques précisions:
    1. Je ne suis plus membre du PQ depuis avril 1996, et je ne milite dans aucun parti, à quelque niveau que ce soit. Je trouve donc tout à fait déplacé que vous m'imputiez l'intention d'un retour en politique, car il n'en est aucunement question.

    2. Votre optimisme sur une évolution favorable de l'économie tranche singulièrement avec l'opinion des plus grands économistes, non seulement du Canada, mais du monde entier, qui annoncent tous une reprise assez anémique sur plusieurs années, malgré l'embellie passagère que nous traversons, et qui est essentiellement due à l'injection d'énormes liquidités, empruntées, dans le système. Il va sans dire qu'une telle injection, aussi massive, ne pourra pas être répétée.
    3. Si j'affiche clairement mes couleurs, on ne peut en dire autant de vous. La rumeur court toutefois sur Vigile que vos motivations seraient sujettes à caution.
    À vous de nous éclairer à votre sujet comme je viens de le faire pour moi-même.
    Richard Le Hir

  • Archives de Vigile Répondre

    12 avril 2010

    J'étais là dimanche. On était 10 à 15,000 (et non 50,000). C'est quand même énorme considérant que c'était organisé par personne.
    Ce qu'il faut retenir? La plupart de ces gens se cherchent un parti.
    Ce qu'il faut surveiller? La mise sur pied d'un nouveau parti de droite pour remplacer l'ADQ
    On n'a qu'à regarder les sondages:
    -77% d'insatisfaits, du jamais vu
    -40% pour le PQ
    -27% pour Pauline
    A peine un insatisfait sur trois est prêt à voter pour Pauline.

  • Georges Paquet Répondre

    12 avril 2010

    "En effet, quoiqu'il fasse, il sera perdant." Voilà ce que dit Richard LE HIR du gouvernement libéral.
    Je ne sais pas pour quelles raisons, Richard LE HIR n'est plus député péquiste, mais je sais pourquoi ses chances de l'être à nouveau sont plutôt minces. Il commet l'erreur que l'on reproche à toute équipe de hockey, celle de s'approprier une victoire avant que la partie ne soit jouée. M. LE HIR est encore un des rares péquistes à croire que Mme Marois peut les amener au pouvoir. Mais il y a plus sérieux. Il sous-estime la stratégie que les libéraux ont probablement déjà dessinée pour eux-mêmes. Ils leur reste trois ans à exercer le pouvoir. Donc au moins deux exercices budgétaires. Si les libéraux s'étaient dit que valait mieux mettre en place maintenant les mesures les plus difficiles et les plus impopulaires en se réservant les deux prochains budgets pour présenter des mesures beaucoup plus populaires, ayant misé sur une évolution favorable de l'économie que tous les spécialistes prévoient.
    Bien sûr, qui vivra verra. Mais si j'étais Richard LE HIR, je ne vendrais pas déjà la peau de l'Ours...

  • Archives de Vigile Répondre

    12 avril 2010

    Charest un mage ?
    Il n'est qu'un pantin, voyons.
    Cette "manifestation", bien ficellée (et non pas apprentie), porte la signature de toutes ces manifestations "verte", "orange", "violet", etc... dans les pays qui ne sont pas encore entrés dans le rang.
    Pour contrecarrer l'organisation de mouvements contestataires trop importants, rien de mieux que de les organiser soi-même et ainsi d'en contrôler le discours et la portée. L'effet tempon sur les réelles manifestations populaires est indéniable.
    Une fausse manifestation organisée par des gens d'affaires en communication au service des monopoles médias américains, ciblée vers leur clientelle de base, le québécois moyen travailleur-esclave surtaxé (pour payer les intérêts de la dette aux grandes banques) qui se fend en quatre pour espérer vivre un jour son rêve américain égoïsto-individualiste.
    Une manifestation pour les nombrils, au profit de conglomérats médiatiques américains qui appartiennent à ces banquiers (les mages) qui syphonent les intérêts de la dette de ce public esclave.

  • Archives de Vigile Répondre

    12 avril 2010

    Sondage Léger Marketing-Le Devoir ;Le budget 2010 coule Charest
    [ « Pour l'instant, les intentions de vote s'éparpillent dans les tiers partis. Aucun n'a le vent dans les voiles, y compris le PQ.
    Personne ne réussit vraiment à combler le vide laissé par la chute des libéraux.
    C'est mou. Les gens cherchent un parti qui offrirait un projet mobilisateur,mais ils n'en trouvent pas . Même les libéraux purs et durs ne sont pas contents.
    Pour l'instant, les gens ont l'impression qu'on leur en demande beaucoup sans aucune garantie que le gouvernement va tenir sa promesse de faire sa part.
    Charest a toujours réussi à se relever après des crises, mais celle-là va prendre du temps.

    l y a un vide de leadership. Il y a de la place pour quelqu'un qui veut se lever et offrir un projet mobilisateur. »]
    Christian Bourque,sondeur,Le Devoir,12 avril 2010

  • @ Richard Le Hir Répondre

    12 avril 2010

    @ Ivan Parent
    La réponse s'en vient dans un prochain article que vous devriez pouvoir lire aujourd'hui si Vigile, ses lecteurs et ses collaborateurs ne trouvent pas que je prends trop de place.
    @JC Pomerleau
    Je partage entièrement vos réserves sur les organisateurs de ce mouvement à Québec. Mais dans une situation comme celle que nous vivons, ils jouent le rôle des apprentis-sorciers. Je suis certain que vous avez vu ce dessin animé de Walt Disney, incorporé au premier Fantasia, où Mickey profite de l'absence du mage pour défier ses consignes et déclencher bien malgré lui un cataclysme sur la célèbre musique du compositeur Paul Dukas.
    Lorsque survient un vacuum de l'ampleur de celui dans lequel nous nous retrouvons, tous les événements, aussi peu reliés soient-ils, contribuent à précipiter l'issue.

  • Archives de Vigile Répondre

    12 avril 2010

    Ce n'est pas un millier de citoyens de la classe moyenne qui vont les énerver. Cette classe moyenne est entrain de disparraître à petit feu comme aux USA. Charest obéi aux ordres et ces ordres sont de mettre en place des politiques radicales de privatisation et démentellement de l'État afin de laisser au PQ une marge de manoeuvre pour se présenter comme une opposition avec des mesures atténuantes qui calmeront les esprits et dont les radios-poubelles de Québec se diront satisfaites.
    C'est leur technique depuis toujours. Ce sont de bons pêcheurs. Un gros coup sur la ligne pour bien accrocher l'ammeçon et ensuite ils laissent du lousse pour que le poisson cesse de se débattre. Et on recommence, patiamment, jusqu'au filet.
    La Grèce est un bon exemple. Un p'tit 30 milliards vite soutiré aux pays de L'UE ! La saignée ne fait que commencer.

  • Xavier Duval Répondre

    12 avril 2010

    Je ne suis pas en accord avec vous, il ne perdra peut-être pas les prochaines élections. Vous savez, c'est dans trois ans, il est bien possible que le fameux PLQ réussisse encore à prendre le pouvoir grâce à l'argent mafieu des tizzamis, au vote en bloc des anglophones et allophones sans oublier la grande division du vote francophone...

  • Archives de Vigile Répondre

    12 avril 2010

    Le pouvoir de la rue a été canalisé par une radio propagandiste qui a un ordre du jour, fédéraliste de droite, et une cible: L'État du Québec. Pour ce qui est du régime le plus corrompue de notre histoire, celui des libéraux de Jean Charest, cela ne fait pas partie du débat.
    Et ne comptons pas non plus sur ces animateurs de foule pour nous dire ce que le dysfonctionnement du système fédéral peut nous couter; et, en quoi ce système auto bloquant nous empêche de dégager une stratégie cohérente pour améliorer la productivité politique et économique de notre État; finalement la question fondamental au cœur de ce débat sur la situation économique du Québec.
    Bref cette manœuvre médiatique qui vise l'État a d'abord pour but de nous faire oublier l'essentiel: Le budget est d'abord le bilan de 7 ans de gouvernance libéral. Voilà la job de l'opposition, ramener le tir sur la bonne cible.
    JCPomerleau

  • Archives de Vigile Répondre

    12 avril 2010

    M. Le Hir,
    Ce matin, et bien avant aussi, je me suis posé une question à laquelle vous pouvez certainement répondre. Est-il possible, selon nos lois en vigueur, de forcer Charest à aller en élection, ne pas attendre la fin d'un mandat normal? S'il reste au pouvoir encore trois ans, il va faire encore beaucoup de dégâts. Depuis plusieurs années je répète à qui veut l'entendre que Charest est le fossoyeur du Québec, qu'il a été parachuté d'Ottawa pour mettre le Québec à sa place, c'est-à-dire une colonie sans but, sans pouvoir, ayant perdu tous les acquis sociaux que nous avions acquis de chaude lutte. Je suis d'avis que les augmentations faramineuses de 20% pour Hydro-Québec ne sont là pour qu'il soit ensuite plus facile de le revendre à l'entreprise privée. C'est machiavélique mais je crois que cela irait dans la ligne de vue de Jean Charest en suivant ainsi lentement mais sûrement les préceptes de l'école de Chicago. Créer la catastrophe pour pouvoir ensuite revendre les miettes aux investisseurs, à l'entreprise privée. Vous savez comme moi que c'est en cours de réalisation.
    Merci M. Le Hir pour vos articles éclairants. Je me souviens de vous au PQ. Dommage que celui-ci ne soit plus que l'ombre de lui-même, ne soit plus rassembleur, motivateur. S'il y avait une élection demain, il est sûr que le PQ entrerait mais pas par désir de réalisation mais par dépit compte tenu de l'infect bourbier du gouvernement Charest.
    Ivan Parent