Le Président est nu

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Le pouvoir discrédité au point de l'impuissance

Longtemps, les rois passèrent ou se firent passer pour des dieux ou pour des enfants de la race des dieux. Plus modestes et plus avisés, ils laissèrent dire et croire que, simples humains, c’est du Ciel lui-même qu’ils tenaient leur légitimité. L’intérêt de la formule du droit divin tient à ce qu’elle était invérifiable et qu’il en fallait beaucoup, vraiment beaucoup, pour que l’on osât remettre en cause une onction qui venait de si haut.
La République a laïcisé la politique. Le seul souverain y est le peuple et ce n’est que par délégation qu’il confie le pouvoir, généralement pour un temps fixé par les institutions, à un homme ou à un parti.
C’est ainsi que chez nous, le 6 mai 2012, il y aura deux ans dans quelques jours, l’élection présidentielle a fait de François Hollande le chef de l’État.
On dira, et non sans raison, que l’ancien premier secrétaire du Parti socialiste n’a dû son élection qu’à l’impopularité de son prédécesseur et rival, qu’il a donc été vainqueur par défaut, que cette victoire était par essence équivoque et qu’elle était assez courte. On dira – et il faudrait être aveugle, amnésique ou singulièrement accommodant pour le contester – que le président de la République ne s’est pas contenté de ne pas honorer mais qu’il a bel et bien trahi les promesses, les engagements et les idées du candidat qu’il fut.
Il n’en reste pas moins que la durée légale de son mandat est de cinq ans et que la Constitution de 1958 n’a prévu aucune procédure qui permette en l’état d’en finir avec le Président avant que celui-ci soit arrivé au terme de son contrat avec le peuple français.
Ainsi, les résultats des élections intermédiaires – municipales, cantonales, régionales ou européennes – ne sauraient-ils fonctionner comme un couperet et entraîner une annulation du vote émis lors de la présidentielle.
Il n’empêche que ces élections sont éminemment politiques et que, plus clairement et plus fortement que des analyses, des manifestations, des impressions ou des sondages, elles traduisent le sentiment et le cas échéant la volonté du peuple.
Il ne fait de doute pour personne que, le 23 et le 30 mars derniers, ce ne sont pas des considérations locales qui expliquent la spectaculaire défaite enregistrée à travers tout le pays par les candidats socialistes et qu’à travers eux, plus qu’eux, c’est le Président, sa gestion et sa personne qui étaient visés. Une preuve, s’il en fallait, en est apportée par le changement de Premier ministre et l’inflexion politique qui ont suivi la consultation, changement et inflexion qui n’ont, du reste, pas été de nature ni à ramener vers la « majorité » les électeurs qui l’avaient désertée, ni à lui assurer le soutien de ses adversaires.
Toutes les enquêtes d’opinion concordent pour laisser prévoir que les élections européennes du 25 mai prochain se traduiront, pour le parti du Président, par une déroute bien pire que celle de mars au point de le faire rétrograder au quatrième rang des formations politiques françaises.
Le gouvernement dont l’assise est désormais réduite au seul Parti socialiste et le Président issu de ce parti plafonnent à environ 18 % des suffrages exprimés. Le chef de l’État dont l’incapacité est généralement reconnue, dont l’échec est patent, dont la personne fait l’objet d’une déconsidération (pour ne pas dire d’un mépris sans équivalent), entraîne vers l’abîme son parti – ce qui n’a qu’une importance relative – et son pays – ce qui est d’une gravité exceptionnelle. François Hollande est aujourd’hui aussi nu que le roi du conte d’Andersen et, comme dans le conte, il est bien le dernier à ne pas s’en rendre compte.
Aura-t-il le front de continuer à diriger ce fameux char de l’État dont les rênes menacent de lui échapper ? Mais comment pourrait-il tenir encore trois longues années sur la base réduite qui est la sienne ?
Aura-t-il l’audace de proposer aux centristes par lui dédaignés il y a deux ans de rejoindre sa « majorité » ? Mais pourquoi ces hommes prudents embarqueraient-ils sur un navire en perdition ?
Tentera-t-il de jouer sur la peur que pourrait inspirer aux partis « républicains » la prévisible montée du Front national pour nous faire le coup de l’union sacrée ? Mais pourquoi la droite le suivrait-elle dans cette manœuvre de la dernière chance ?
Les deux seules solutions les plus conformes à la logique et à la morale seraient que François Hollande rende la parole au peuple qui l’a élu et qui le rejette aujourd’hui, et remette son pouvoir chancelant à la disposition du souverain, soit en dissolvant, soit en démissionnant.
Mais en aura-t-il le courage ?


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