Le preux chevalier

JM Fournier, de tous les naufrages du PLQ-JJC...



Les choses changent vite en politique. Il y a à peine deux semaines, Jean-Marc Fournier était qualifié de «pantin» par l'opposition pour son triste rôle dans le lancement chaotique de la commission Charbonneau. Depuis, il s'est transformé en preux chevalier qui a enfourché sa Rossinante pour combattre vaillamment le dragon conservateur jusque dans son antre.
M. Fournier n'avait sûrement pas la naïveté de croire qu'il pourrait convaincre le gouvernement Harper d'adoucir le projet de loi C-10 sur la justice criminelle, ou à tout le moins de prendre le temps de l'examiner plus longuement.
Il s'est heurté à un mur, mais il faut reconnaître que, dans les circonstances, il a fait tout ce qu'on pouvait raisonnablement attendre d'un ministre de la Justice provincial. Sa défense du «modèle québécois» de réinsertion des jeunes contrevenants était très éloquente.
«Je ne reconnais pas le Canada que je connais dans ce genre de décision là», a-t-il lancé mardi, à l'issue de sa rencontre avec son homologue fédéral, Rob Nicholson. Il fallait que la frustration soit grande pour arracher ce cri du coeur à un fédéraliste aussi inconditionnel.
Il aurait cependant mieux fait d'utiliser l'imparfait. Le pays que M. Fournier connaissait a entrepris une métamorphose qui s'éloigne de plus en plus des «valeurs» québécoises. L'image d'un pays «tough on crime» fait aussi partie de la nouvelle identité que Stephen Harper entend donner au Canada.
Même si le Québec, qui a la responsabilité d'appliquer le Code criminel sur son territoire, tentait de contourner les nouvelles règles, comme les propos tenus par le premier ministre Charest peuvent le laisser croire, celles-ci finiront inévitablement par déteindre sur le système judiciaire.
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Il est vrai que le gouvernement Harper est animé par un esprit — celui du défunt Reform Party — auquel de nombreux Canadiens demeurent réfractaires. Les objections soulevées par d'autres gouvernements provinciaux étaient cependant moins de l'ordre des valeurs que de celui des finances. Si Ottawa acceptait de compenser les provinces pour les dépenses additionnelles qu'occasionnera l'application de la nouvelle loi, l'affaire serait vite réglée.
Les conservateurs n'ont pas pris le pouvoir à la faveur d'un coup d'État. Même s'il avait quitté le service de Michael Ignatieff avant les dernières élections fédérales, il n'a pas dû échapper à
M. Fournier qu'ils ont obtenu une très nette majorité de sièges au Canada anglais, y compris en Ontario, alors que M. Harper n'avait pas caché ses intentions en matière de justice criminelle, bien au contraire.
Le premier ministre Charest avait interprété les résultats de l'élection fédérale du 2 mai comme une démonstration de la «capacité des Québécois d'insuffler à la politique canadienne une nouvelle orientation».
Puisque le Parti conservateur ne détenait plus que six sièges au Québec, il estimait assez paradoxalement que le gouvernement désormais majoritaire de M. Harper «devrait porter une attention particulière aux enjeux du Québec».
Force est de constater qu'il avait tout faux. Le résultat du 2 mai semble plutôt être de permettre à M. Harper d'imposer une nouvelle orientation idéologique au Québec en se fichant éperdument de ce qu'il peut penser.
Objectivement, la présence d'un fort contingent de souverainistes à la Chambre des communes servait bien le gouvernement Charest, tout fédéraliste qu'il soit. Elle constituait une sorte d'avertissement pour ceux qui pouvaient être tentés d'abuser de la force du nombre. Depuis le 2 mai, il n'y a plus aucun garde-fou. D'autant moins que le PQ semble condamné au même sort que le Bloc. Pourquoi M. Harper se gênerait-il?
Qu'importe l'avis des experts ou les conclusions des études qui vont à l'encontre des dispositions du projet C-10? Comme l'a dit Amir Khadir, on ne peut pas s'attendre à ce qu'un gouvernement dont le ministre de la Science est un créationniste leur accorde la moindre valeur.
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Comme il était prévisible, le débat d'hier après-midi à l'Assemblée nationale a pris rapidement une tournure constitutionnelle, avec son cortège habituel d'accusations. D'un côté, ceux qui sont à plat ventre devant Ottawa; de l'autre, ceux qui cherchent à provoquer des crises politiques pour promouvoir le projet souverainiste. Du coup, le beau consensus des derniers jours a volé en éclats.
Il était évidemment hors de question pour les libéraux de s'associer à la motion péquiste qui réclamait le transfert au Québec de l'entière juridiction sur la justice criminelle. Le député de Laurier-Dorion, Gerry Sklavounos, s'est cependant aventuré sur un terrain glissant en laissant entendre qu'un Code criminel propre au Québec en ferait une destination de choix pour les criminels.
Le premier ministre Charest n'a pas mis de temps à renvoyer la balle à... François Legault, dont le programme est une apologie des limbes constitutionnels. La fusion de la Coalition Avenir Québec (CAQ) et de l'Action démocratique du Québec (ADQ) n'est pas encore officielle, mais les aspirants au caucus caquiste ont préféré jouer de prudence. Seul Gérard Deltell a voté contre la motion du PQ. Tous les autres brillaient par leur absence.


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