Le Prince Harry, prochain Gouverneur général du Canada? «C’est inimaginable»

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La politique-fiction fantasmée par le Canada anglais


La famille royale britannique traverse une crise depuis que le Prince Harry et la duchesse de Sussex ont annoncé qu’ils s’en affranchiraient. Depuis, le bruit court que Harry pourrait devenir Gouverneur général du Canada... Pour Sputnik, le constitutionnaliste Benoît Pelletier et le journaliste Frédéric de Natal remettent les pendules à l’heure.




La famille royale britannique termine et commence en même temps un nouvel épisode de son grand feuilleton médiatique.



Le 8 janvier dernier, le Prince Harry et son épouse Meghan Markle ont annoncé qu’ils comptaient s’affranchir en partie de la royauté et gagner leur «indépendance financière». La nouvelle a naturellement créé une onde de choc au Royaume-Uni. Les médias britanniques ont rapidement parlé de «Megxit».
«Après de longs mois de réflexion et de discussions internes, nous avons choisi d’entamer une transition cette année afin de bâtir progressivement un nouveau rôle au sein de cette institution», a déclaré le couple sur les réseaux sociaux.

Le 13 janvier dernier, la Reine d’Angleterre, Élisabeth II, a organisé une rencontre d’urgence avec les autres membres de la famille royale pour faire le point sur la situation. Finalement, après la rencontre, la Souveraine a dit accepter la décision du couple.


«Ma famille et moi soutenons entièrement le désir d’Harry et Meghan de créer une nouvelle vie en tant que jeune famille», déclare la Reine dans son communiqué du 13 janvier.

Il n’en fallait pas plus pour que l’hypothèse de voir Harry devenir le prochain Gouverneur général du Canada soit lancée dans ce pays du Commonwealth toujours doté du statut de monarchie constitutionnelle. Nommé par le Premier ministre canadien, le Gouverneur général est le représentant de la Reine d’Angleterre au Canada. Essentiellement symbolique, son rôle n’est toutefois pas du tout dénué d’importance.


Un sondage commandé par The National Post a révélé que 61% des Canadiens souhaitaient voir le Prince Harry obtenir ce poste, pourtant occupé par l’ancienne astronaute Julie Payette jusqu’en 2022. Il faut dire que le couple rebelle a passé ses plus récentes vacances des fêtes à Vancouver, sur la côte Ouest canadienne.





​L’intérêt de Mme Markle pour le pays de l’érable ne daterait pas d’hier, selon plusieurs témoignages relayés par les médias. Le communiqué de presse de la Reine précise aussi que c’est au Canada que le couple passera une partie de l’année, mettant fin aux rumeurs selon lesquelles la duchesse de Sussex voudrait aller chez elle, aux États-Unis.


Le «Megxit» fait l’affaire des Canadiens


Pour Benoît Pelletier, constitutionnaliste et ex-ministre des Affaires intergouvernementales (2003-2007) du gouvernement québécois de Jean Charest, il n’y a aucune chance que Harry soit nommé Gouverneur général. Selon ce professeur de droit de l’Université d’Ottawa, cet engouement des Canadiens –qui a même fait le tour du monde dans les médias– ne repose sur rien de concret.


«La possibilité que Harry occupe ce poste n’est pas réelle, mais fantasmée. D’une part, depuis plusieurs décennies, le Canada ne nomme plus de Britanniques au poste de Gouverneur général. D’autre part, en 2020, on ne peut pas imaginer qu’un membre de la famille royale sanctionne les décisions du gouvernement canadien. C’est inimaginable qu’un membre de la famille royale reçoive des chefs d’État étrangers au Canada et authentifie un certain nombre d’actes gouvernementaux», souligne le professeur à notre micro.

Spécialiste des monarchies, le journaliste français Frédéric de Natal ne croit pas non plus à cette éventualité. Selon lui, si le scénario est «intéressant», il relève encore une fois de la fiction. M. Natal collabore à divers magazines et journaux parmi lesquels Point de vue-histoire et l’Incorrect.  


«Harry ne pourra pas devenir Gouverneur général. C’est un pur fantasme qui ferait plaisir aux monarchistes canadiens. [...] N’oublions que pas ce poste est octroyé pour une durée de cinq ans –il est d’ailleurs déjà occupé par Julie Payette– et que le couple a décidé de ne rester que six mois par an au Canada, sans spécifier s’il s’agit de court ou long terme», affirme M. de Natal.

Benoît Pelletier précise toutefois que rien n’empêcherait légalement le prince Harry de devenir Gouverneur général si telle était la volonté du Premier ministre. En revanche, ce scénario donnerait l’impression que le Canada n’est pas vraiment souverain, ce qui est infaisable en pratique. En 1982, le Premier ministre du Canada, Pierre Elliott Trudeau, rapatriait d’ailleurs la Constitution canadienne de Londres afin, entre autres, de mieux garantir l’indépendance de son pays face au Royaume-Uni.


«C’est une question de convention. Au niveau légal, la Reine peut nommer n’importe qui Gouverneur général sur recommandation du Premier ministre canadien. En soi, rien n’empêcherait donc Harry d’occuper le poste. Mais sur le plan conventionnel, on parle de hiérarchies et de convenance. Dans cette optique, le scénario est totalement inenvisageable», considère le constitutionnaliste.

Frédéric de Natal rappelle enfin que le couple royal devra malgré tout protéger l’image de la monarchie, et ce, peu importe l’occupation du Prince Harry au Canada.


«Le Prince Harry est très moderne, il n’a jamais vraiment souhaité suivre les codes rigides de la monarchie. [...]. Harry a affirmé qu’il ne souhaitait plus bénéficier du soutien financier de la famille royale. Il a aussi affirmé qu’il n’était pas question d’abandonner sa grand-mère. Malgré tout, il devra continuer à représenter la royauté, peu importe où il se trouve», a conclu Frédéric de Natal.