Le pugnace Pierre Poilievre, qui a fait campagne en faisant l’apologie de la liberté et en dénonçant les « gardiens » qui en privent le citoyen moyen, a été élu chef du Parti conservateur. Sa victoire était écrasante. Le député de la région d’Ottawa a récolté 68 % des points dès le premier tour, très loin devant Jean Charest qui ne s’est mérité que 16 % des points.
Le verdict était le même pour plusieurs observateurs croisés à la suite de l’annonce du résultat samedi soir. « C’est gênant » pour Jean Charest, ont-ils estimé, à micro fermé.
L’ancien premier ministre du Québec, qui était revenu en politique l’hiver dernier pour tenter de diriger le Parti conservateur fédéral, n’a gagné une majorité de points que dans huit circonscriptions au Canada, dont six au Québec. Pierre Poilievre a été le plus populaire dans 330 des 338 circonscriptions fédérales. Le Parti conservateur élit ses chefs par un système de pointage : chacune des circonscriptions compte 100 points, distribués parmi les candidats au prorata des votes récoltés.
Pierre Poilievre a également gagné le vote populaire, avec 70,7 % d’appuis.
La salle lui semblait conquise dès le début de la soirée. À l’annonce de sa victoire, les affichettes à son nom ont été brandies. Les cris de joie ont retenti. Quelques « Liberté » ont aussi été scandés.
Le nouveau chef a rapidement tendu la main aux partisans de ses quatre rivaux, en ouverture de son discours de victoire. « Désormais, aujourd’hui, nous sommes un seul parti, qui sert un seul pays. »
Pierre Poilievre a promis un plus petit gouvernement, qui réduit les impôts, qui laisse les nouvelles technologies plutôt qu’une taxe carbone réduire les émissions de gaz à effet de serre, qui exploite les ressources naturelles, qui retire tout mandat vaccinal contre la COVID-19, et qui n’impose plus de règlements ou de programmes coûteux.
« Les conservateurs de partout au pays ont beaucoup à apprendre des Québécois », a-t-il en outre affirmé lors d’un passage de son discours en français. « Les Québécois défendent leur patrimoine, leur culture et leur langue. Ils ne s’excusent pas. La nation québécoise tient tête au wokisme. »
Un résultat clair, même au Québec
L’ex-stratège du gouvernement de Stephen Harper, Rudy Husny, a parlé d’une « victoire écrasante ».
Pierre Poilievre a pris le soin d’assurer ceux qui ne l’appuyaient pas qu’ils auraient leur place au sein de son parti. « La responsabilité d’un chef est de rassembler », convient M. Husny. « Mais les députés doivent aussi prendre acte des résultats dans leur propre comté », note-t-il.
Et pour cause, M. Poilievre a été le plus populaire dans toutes les circonscriptions québécoises où le député appuyait Jean Charest, sauf une — Chicoutimi-Le-Fjord, représentée par Richard Martel.
« S’il y a eu quelques conversations ou débats, à savoir si le résultat amènerait ou non de l’unité, le message des membres est clair ce soir que le choix c’était Pierre Poilievre », a pour sa part commenté le sénateur Claude Carignan, qui présidait la campagne Poilievre au Québec.
Une victoire Poilievre dans la Belle Province était importante, a-t-il insisté. « On voulait que le Québec participe à cette victoire-là, comme toutes les autres provinces. Donc on est très, très, très heureux du résultat, avec 62 % des points remportés au Québec. »
M. Poilievre et M. Charest s’étaient rapidement révélés les meneurs de cette course, entamée après que l’ancien chef Erin O’Toole ait été chassé de son poste par ses députés en février.
Jean Charest a fait campagne en reprenant son héritage progressiste-conservateur, tandis que Pierre Poilievre s’est placé plus à droite en courtisant notamment les citoyens fâchés contre le « système » et contre les restrictions sanitaires de la pandémie.
La députée pro-vie Leslyn Lewis est arrivée troisième, en se méritant 9,7 % des points ; l’ex-député ontarien Roman Baber, qui a été exclu du caucus de Doug Ford car s’opposant aux mesures sanitaires pendant la pandémie, a récolté 5 % ; et Scott Aitchison a reçu 1 %.
Pas de surprise
L’équipe Charest se disait satisfaite, avant l’annonce du résultat du vote, du taux de participation de ses supporteurs au Québec, mais confiait que le vote ne s’est pas révélé aussi élevé qu’espéré en Ontario.
Les organisateurs disaient cet été que M. Charest avait suffisamment de points pour voir un chemin vers la victoire. Le résultat de samedi soir les a fait mentir.
Le camp Poilievre était quant à lui tout sourire, à son arrivée au centre des congrès d’Ottawa, heureux du taux de participation de ses partisans. Le candidat avait attiré, depuis des mois, des centaines voire des milliers de personnes à ses rassemblements et récolté plus de 4 millions de dollars en dons.
La défaite était attendue depuis deux semaines dans le camp adverse. M. Charest a rencontré ses bénévoles et ses organisateurs, en après-midi samedi, et s’est montré ému au moment de les remercier. Il semblait néanmoins serein au terme d’une campagne à la chefferie de six mois, selon une source qui était présente lors de cette rencontre.
M. Charest n’a pas voulu s’adresser aux médias à son arrivée au rassemblement samedi soir.
Pierre Poilievre n’a pas non plus rencontré la presse.
Les deux candidats étaient assis à l’opposé l’un de l’autre, dans la salle. En 2017, lors d’une précédente course à la chefferie, Andrew Scheer et Maxime Bernier étaient côte à côte lors de l’annonce du résultat et s’étaient serré la main.
Près de 438 000 conservateurs ont voté pour leur prochain chef, sur les près de 679 000 membres du parti — un nombre record, qui témoigne de l’engouement qu’a suscité la course. Au total, près de 418 000 bulletins de vote valides ont pu être comptés. La majorité des quelque 20 000 restants ont été écartés car ils n’étaient pas accompagnés d’une preuve d’identité.
Le taux de participation de 64 % est le même que lors de la dernière course à la chefferie, en 2020.