Le maintien au Québec d’un système de santé public offrant une couverture universelle pour l’ensemble des soins nécessaires va nécessiter une réforme majeure de la manière dont les soins sont prodigués. Il ne s’agit pas là d’une affirmation en l’air, mais d’un constat qui s’appuie sur trois observations.
Actuellement nos dépenses de santé augmentent plus vite que notre richesse collective. Malgré les discours politiques, cette augmentation des dépenses ne se traduit pas par une amélioration de la qualité ou de l’accessibilité des soins. Finalement, la nature des besoins et des technologies évolue rapidement. Le maintien d’un système financé publiquement, équitable et qui préserve les principes fondamentaux sur lesquels la société québécoise moderne a été bâtie va impliquer des transformations profondes ; des transformations qui touchent les modes de pratique des cliniciens, le partage des tâches entre professionnels et la nature de l’imputabilité des établissements.
L’étude des caractéristiques des systèmes de soins les plus performants dans le monde montre qu’une grande partie de la solution se trouve dans la création de structures de soins de première ligne fortes qui occupent le coeur de l’architecture du système de santé. Il s’agit de développer des équipes cliniques multidisciplinaires qui prennent en charge des groupes de patients et qui sont imputables de répondre à l’ensemble des besoins de cette population.
Tous les habitants du Québec devront être inclus, et ce, sans que la responsabilité en incombe aux patients. En ce sens, il ne s’agit pas tant de créer des structures que de repenser le lien entre les patients et les équipes cliniques.
C’est aussi repenser le lien entre la première ligne et les soins hospitaliers en mettant l’hôpital au service des équipes de première ligne. C’est finalement de repenser les soins de première ligne, non pas comme uniquement une branche de la médecine, mais plutôt comme une pratique clinique, multidisciplinaire par nature, où les compétences de chacun des professionnels se complètent plutôt que s’additionnent.
Si les solutions aux défis auxquels fait face le système de santé sont connues et font consensus chez les experts — comme en témoigne le récent « manifeste des 59 » —, leur mise en oeuvre reste un défi politique colossal. De tels changements ne sont possibles qu’en remettant en cause des pratiques et des modes de pensée qui sont profondément ancrés dans la nature du système actuel.
Or, l’expérience du passé montre qu’une telle transformation ne viendra probablement pas du monde politique. Pour exister, elle devra être appropriée et portée par les professionnels sur le terrain. Elle doit devenir une occasion pour les équipes de soins de collaborer dans l’élaboration d’un système adapté aux défis de demain et de sortir de l’ornière actuelle d’interventions ponctuelles qui ne règlent qu’imparfaitement les problèmes d’hier.
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Damien Contandriopoulos, professeur agrégé à la Faculté des sciences infirmières et chercheur à l’Institut de recherche en santé publique de l’Université de Montréal
Le Québec fait-il les bons choix?
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