Gaétan Barrette est en train de profondément bouleverser le système de santé et de services sociaux du Québec. Si ses interventions tous azimuts peuvent donner l’impression qu’enfin quelqu’un «fait quelque chose», un examen plus attentif montre que la direction dans laquelle nous nous dirigeons est inquiétante à plusieurs égards.
Après deux ans au pouvoir, la feuille de route du ministre permet de constater trois tendances lourdes.
La première est un recentrage fort des services de santé vers le secteur médical seulement. Jamais dans l’histoire de notre système de santé nous n’avons coupé autant et aussi vite dans les budgets d’établissement, dans les soins à domicile, dans les services de CLSC, dans la santé publique… Enfin, dans tout ce qui n’est pas purement médical.
Un seul secteur accapare tous les budgets: la rémunération des médecins. Non seulement le ministre donne l’argent aux médecins, mais, par le biais des ententes de suspension de la loi 20, il a aussi donné aux deux Fédérations le mandat de gouverner elles-mêmes la pratique médicale.
Sur le terrain, cette appropriation du système par le médical bloque systématiquement des initiatives qui permettraient un réel travail interprofessionnel. Les professionnels non-médecins — pharmaciens, infirmiers, intervenants communautaires, etc. — sont cantonnés à des modèles de subordination où ils sont vus comme de simples outils pour améliorer la productivité des médecins. Ce n’est pas dans cette voie que l’accessibilité, la qualité ou la pertinence des soins seront améliorées.
Deuxième tendance lourde, conséquence directe de la première: une vision du système de santé qui accorde beaucoup trop d’importance aux soins spécialisés et curatifs. Par exemple, le ministre veut transformer le mode de financement des établissements du réseau. Une réforme qui ne fait que drainer les ressources des établissements vers les secteurs de la chirurgie et de l’imagerie au détriment de toutes autres activités.
Nous sommes en train de laminer la prévention pour nourrir des secteurs de pointe peu susceptibles d’améliorer la santé de la population. Plus largement, l’austérité qu’impose le gouvernement libéral en éducation, dans la petite enfance ou dans le communautaire va aussi augmenter et faire croître les inégalités en santé. Toutes les preuves scientifiques montrent qu’il faut investir dans des soins primaires de proximité, en prévention et dans la communauté. Or, l’inverse est en train de se produire.
Troisième et dernière caractéristique du programme du ministre Barrette: un parti pris clair pour le secteur privé. Démantèlement des CLSC pour offrir des ressources aux GMF (qui sont des cliniques privées dans leur écrasante majorité), financement public pour aider trois cliniques privées de la région montréalaise à s’accaparer une portion significative des chirurgies électives chez les patients les mieux portants, légalisation des frais afférents pour favoriser la rentabilité des cliniques privées… La liste est trop longue pour croire à un hasard. Ce chemin à sens unique va entraîner une hausse des dépenses de santé, un accroissement des inégalités d’accès aux soins et une détérioration des conditions de travail dans le secteur de la santé.
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L’échec de la réforme Barrette
Ça craint !
Damien Contandriopoulos2 articles
professeur agrégé à la Faculté des sciences infirmières et chercheur à l’Institut de recherche en santé publique de l’Université de Montréal
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