On peut avoir l'impression, par les temps qui courent, qu'il n'y en a que pour les faillites, les fermetures et les délocalisations. C'est la faute aux Chinois, aux Indiens, à la mondialisation, et voici que même le Honduras se mêle de voler des jobs aux travailleurs québécois de Gildan!
Vrai, le Québec perd des emplois manufacturiers par milliers. C'est également le cas dans le reste du pays. Derrière les chiffres se profilent de véritables drames humains.
Mais il y a un revers à la médaille, sur lequel on n'insiste pas assez à mon avis. Pour chaque emploi perdu dans le manufacturier, il s'en crée un nouveau, et même plus, dans les services. Et, contrairement à une opinion largement répandue, les emplois créés dans les services ne sont pas tous des jobines à temps partiel, au contraire.
La dernière enquête mensuelle de Statistique Canada, dont les résultats ont été publiés hier, montre que le marché québécois du travail n'a jamais été aussi robuste: le taux d'emploi atteint un sommet, le taux de chômage est à un creux historique, et le marché est dominé par les nouveaux emplois à temps complet. Pour plus de détails, je vous invite à lire le portrait dressé ci-contre par mon collègue Rudy Le Cours.
Il y a une autre donnée qui mérite de retenir l'attention.
Traditionnellement, le chômage a toujours été plus élevé au Québec qu'en Ontario. Beaucoup plus élevé. Les spécialistes ont avancé toutes sortes d'explications pour interpréter cet écart. L'Ontario part en effet avec certains atouts: concentration des emplois fédéraux dans la région d'Ottawa, présence massive de l'industrie automobile dans le sud de la province, fardeau réglementaire et fiscal moins contraignant qu'au Québec, aucune barrière linguistique avec le reste de l'Amérique du Nord, position centrale, meilleure productivité, qualité des infrastructures, et j'en passe.
Aujourd'hui, il faudra se creuser la tête pour trouver d'autres explications, parce que l'écart ne tient plus, ou si peu.
En juin, le taux de chômage au Québec se situait à 6,9%, contre 6,5% en Ontario. La différence, quatre dixièmes de point de pourcentage, est la plus petite jamais observée. Au cours des 30 dernières années, le taux de chômage mensuel moyen, en Ontario, s'est situé à 7,5%, contre 10,6% au Québec. L'écart mensuel moyen entre les deux provinces se situe à donc 3,1 points de pourcentage.
Ces chiffres ne nous disent pas seulement que le marché québécois du travail, en juin, réalise une performance exceptionnelle. Ils nous apprennent aussi que, sur une longue période, le Québec s'est amélioré beaucoup plus rapidement que l'Ontario.
Ce n'est pas tout.
Il peut être éclairant et instructif de mesurer et de comparer les écarts en points de pourcentage comme nous venons de le faire, mais cette démarche ne dit pas tout. Pour avoir une meilleure idée des gains réalisés au Québec par rapport à l'Ontario depuis quelques années, il faut aussi exprimer la différence relative entre les deux provinces. Pour cela, il ne faut plus parler de points de pourcentage, mais d'écart en pourcentage. Cela fait toute une différence.
Si votre taux de chômage passe de 6 à 8%, il n'a pas augmenté de 2%. Il a augmenté de deux points de pourcentage.
Une augmentation de 2%, par rapport à 6, nous donne 6,12%. Dans notre exemple, lorsque le taux de chômage passe de 6 à 8, l'augmentation en pourcentage n'est donc pas de 2%, mais bien de 33%.
Prenons deux provinces où les taux de chômage sont respectivement de 8 et 5%. L'écart est de trois points de pourcentage. L'année suivante, le chômage a grimpé à 13% dans la première province et à 10% dans la deuxième. Exprimé en points de pourcentage, l'écart n'a pas bougé d'un iota: c'est toujours trois. Pourtant, il saute aux yeux que la situation s'est dégradée beaucoup plus rapidement dans la deuxième province, où le taux de chômage a doublé.
Voyons comment cela s'applique au Québec et à l'Ontario.
En juin, comme nous l'avons vu, l'Ontario affichait un taux de chômage de 6,5%, contre 6,9% pour le Québec. Toutes proportions gardées, le chômage est donc de 6% plus élevé au Québec.
Et maintenant, ceci: au cours des 30 dernières années, entre les deux provinces, le taux de chômage mensuel a été en moyenne de 41% plus élevé au Québec.
Ce chiffre n'est qu'une moyenne. À certaines occasions, l'écart atteint des proportions énormes.
Ainsi, en juin 1989, alors que l'économie ontarienne était en pleine surchauffe, Statistique Canada observait un taux de chômage de 10% au Québec, contre seulement 4,7% en Ontario, une différence de 113%. D'un point de vue québécois, c'est le pire écart jamais enregistré, et il fait partie d'une période particulièrement sombre pour le Québec.
À l'époque, pour étouffer l'inflation qui montrait de dangereux signes de reprise, la Banque du Canada a ralenti l'économie ontarienne en augmentant les taux d'intérêt. Le Québec, qui ne montrait aucun signe de surchauffe ou d'inflation, a été durement touché. Ainsi, entre février 1988 et mai 1990, sur une période de 28 mois, l'écart entre les deux taux de chômage ne descendra jamais en bas de 75%.
Avec un écart de 6% en juin, on ne peut qu'apprécier l'ampleur du redressement.
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