Un proverbe arabe dit : « Les chiens aboient, la caravane passe. » On ne saurait mieux résumer la politique du gouvernement Harper qui, d’un budget à l’autre, poursuit de façon imperturbable son entreprise de déconstruction tranquille de l’État.
Le dernier budget Flaherty ne contient pas de mesures aussi agressantes pour le contribuable moyen que les modifications annoncées précédemment au régime de la Sécurité de la vieillesse ou à l’assurance-emploi. Au Québec comme dans le reste du pays, la perspective de voir les conditions de travail des fonctionnaires fédéraux se rapprocher davantage de celles offertes dans le secteur privé doit même sourire à plusieurs.
À Ottawa, on fait sans doute le pari que les cris d’indignation poussés à Québec devant cette « attaque frontale » d’un champ de compétence reconnu aux provinces, au mépris de l’entente sur la formation de la main-d’oeuvre intervenue en 1997, seront attribués à la « gouvernance souverainiste », qui ne vise qu’à multiplier les chicanes.
Avec son discernement habituel, Sam Hamad a trouvé le moyen d’en rejeter la responsabilité sur le gouvernement Marois, qui a « coupé les ponts » avec Ottawa et n’était donc pas en mesure de prévenir le coup. Comme si le gouvernement Charest avait eu droit à plus de respect ! Il devrait en parler à son collègue Jean-Marc Fournier, dont les pèlerinages répétés dans la capitale fédérale, à l’époque où il était ministre de la Justice, n’ont eu aucun effet. De toute évidence, il faudra chercher ailleurs le renouveau annoncé par Philippe Couillard. Au moins, la CAQ s’est voulue constructive en proposant un front commun avec l’Ontario.
Qu’il s’agisse du registre des armes à feu ou encore de la loi C-10 sur les contrevenants, le gouvernement Harper avait déjà fait la démonstration de son indifférence aux doléances du Québec, dont les électeurs lui ont tourné le dos, mais il ne l’avait jamais étalée aussi ouvertement dans un budget. Avec l’élimination du crédit d’impôt alloué aux fonds de travailleurs, qui vise essentiellement le Québec, cela confine même à l’hostilité envers le « modèle québécois ». Sans parler d’une ignorance des particularités de l’économie québécoise, dont les commentaires de l’ineffable ministre d’État à la Petite Entreprise et au Tourisme, Maxime Bernier, ont encore donné la mesure.
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La volte-face centralisatrice du gouvernement conservateur, qui a toujours prétendu respecter les champs de compétences provinciales, est sans doute spectaculaire, mais il ne faudrait pas en conclure qu’il s’agit d’une conversion aux vertus du « pouvoir de dépenser » dont les gouvernements québécois successifs ont dénoncé ad nauseam l’abus qu’en faisaient les libéraux.
D’ailleurs, malgré cette intrusion, Ottawa ne mettra pas un sou de plus dans la formation professionnelle qui, de toute manière, est financée par les cotisations à l’assurance-emploi. Il forcera simplement les provinces à y investir davantage.
En réalité, c’est plutôt son pouvoir de ne pas dépenser qui aura l’effet le plus déterminant à long terme. Les dépenses occasionnées par la crise économique et financière qui a éclaté en 2008 n’expliquent pas à elles seules l’augmentation du déficit. Au fil des ans, le gouvernement Harper a également renoncé à d’importantes sources de revenu, notamment par la baisse de la TPS.
Qui plus est, il a déjà annoncé que l’atteinte du déficit budgétaire, qui coïncidera avec la prochaine élection fédérale, sera suivie de nouvelles baisses d’impôt, notamment grâce au fractionnement des revenus des conjoints, qui réduiront encore un peu plus la taille et la capacité d’intervention de l’État.
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Le plus beau de l’affaire est que ces baisses d’impôt, qui permettront à Ottawa de nier l’existence d’un déséquilibre fiscal, seront largement financées par les provinces, en particulier le Québec. Déjà, les modifications apportées à la formule de péréquation en 2007 lui ont imposé un manque à gagner totalisant 6,6 milliards au cours des quatre dernières années. À compter de 2017-2018, la baisse annoncée du Transfert canadien en santé (TCS) lui coûtera 8,6 milliards additionnels en dix ans.
La contribution fédérale au financement des services de santé, qui représentait au départ 50 % des coûts, n’était plus que de 21,3 % en 2012-2013. Selon les calculs du Directeur parlementaire du budget, à Ottawa, la contribution fédérale sera de 17,7 % en moyenne entre 2011-2012 et 2035-2036, et seulement de 13,3 % durant les 25 années suivantes, alors que les dépenses en santé ne cesseront d’augmenter.
Lentement, mais sûrement, la situation va devenir intenable. Cette fois, Sam Hamad pourra difficilement accuser le gouvernement péquiste de ne pas avoir vu venir le coup : tous ces chiffres apparaissent noir sur blanc dans les documents annexés au budget que le ministre des Finances, Nicolas Marceau, a présenté l’automne dernier. Peut-être pourrait-il les lire.
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