Les politiciens aiment bien frayer avec les gens riches et puissants, tout comme avec des vedettes du sport ou du monde du spectacle. Ils le font par intérêt et aussi parce que cela nourrit leur égo. Ceux issus de classes modestes goûtent encore plus cette ascension sociale rapide dans un monde qui leur était inaccessible.
Et les gens riches et puissants le savent. Alors ils invitent des politiciens dans leurs cercles privés, à l'occasion de somptueuses réceptions ou pour des activités de loisirs. Les entrepreneurs ont toujours quelque chose à vendre aux gouvernements, des biens et des services, et ils sont souvent en demande pour des permis et des modifications aux cadres réglementaires. Il faut bien lubrifier la machine. Ils souscrivent aussi aux caisses électorales.
Comme dans le sport, ces réalités se retrouvent à tous les niveaux, des maires de villages jusqu'aux chefs d'états. Leurs vis-à-vis du monde des affaires vont alors évidemment de pair.
Les vacances nord-américaines de Nicolas Sarkozy, le nouveau président de la République française, soulèvent des débats, en France d'abord, mais qui trouvent un large écho à travers le monde. «Sarko» ne se cache aucunement de nourrir des relations avec les entrepreneurs les plus puissants sur plusieurs continents. Le soir de son élection, ils étaient nombreux à célébrer avec lui dans un établissement huppé de Paris (dont des Desmarais de Power Corporation). Il a ensuite pris un peu de repos sur le yacht d'un «ami» milliardaire. Ses premières vacances estivales en tant que président se déroulent maintenant aux États-Unis, chez une «bonne connaissance», de qui il loue un «chalet» pour 30 000 $ par semaine, entouré de puissants financiers. Il doit ensuite faire un arrêt à Montréal, et peut-être à Sagar, dans Charlevoix, le vaste domaine des Desmarais.
Ce copinage scandalise pour la forme seulement les socialistes en France. L'éthique y est en effet très élastique dans la classe politique, peu importe le parti au pouvoir et on ne compte plus les politiciens pris dans des scandales. Les plus récents sont sûrement Jacques Chirac, le prédécesseur de Sarkozy, et Alain Juppé, un ex-premier ministre condamné à l'inéligibilité pour son association à des «affaires», comme on dit là-bas.
L'inceste entre politiciens et financiers se pratique depuis toujours, dans tous les pays et à tous les niveaux. On ne peut pas penser l'interdire et l'empêcher. Vaut donc mieux que cela se fasse au grand jour, comme Sarko s'y adonne sans gêne, que dans le plus grand secret, comme au Canada et au Québec. Nos politiciens prennent toutes les précautions pour cacher aux médias et à la population leurs visites à Sagar, chez les Desmarais; chez les Bombardier-Beaudoin; chez de bonnes connaissances de la «gang du lac Memphrémagog» ou d'ailleurs dans les Cantons de l'est et dans les Laurentides. (Les cercles de pouvoir ne se limitent pas aux politiciens d'ailleurs. Le président de la FTQ, Henri Massé, n'a pas prisé du tout la publication d'informations sur une partie de pêche chez le plus puissant grutier du Québec, Jean-Marc Baronet, président fondateur de Guay inc.) Ils craignent pour leur image et l'interprétation que l'on donnera à cette promiscuité.
Plus de transparence sur ces fréquentations ne pourrait que servir les politiciens et les entrepreneurs face à l'opinion publique. Les suppositions sur du trafic d'influence sont plus malsaines que la connaissance de relations de toute façon inévitables dans nos sociétés. Ces relations ont par ailleurs des avantages pour la collectivité dans certaines occasions, lorsqu'il s'agit de résoudre des conflits ou de faire partager les mêmes objectifs à tous les partenaires, lors de crises économiques ou sociales.
Les politiciens au Canada et au Québec sont enfin soumis à des règles d'éthique parmi les plus sévères dans les pays industrialisés, quant aux lois électorales et aux avantages qu'ils pourraient retirer en raison de leurs charges publiques. Le démarchage (lobby) est également très encadré, comparativement aux États-Unis ou à la France.
Le maillon faible est la culture du secret qui subsiste, plus par électoralisme que pour des motifs obscurs et inavouables, sur une partie de l'agenda de nos dirigeants politiques, leur état de santé et le chevauchement de leurs vies privée et publique.
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