Les cinq mythes du Bloc

Il doit sa longévité et son succès à l’habileté exceptionnelle de ses chefs, mais aussi à l’articulation systématique de ses mythes fondateurs.

Élections fédérales - 2011 - le BQ et le Québec


Gilles Duceppe était à Repentigny, jeudi.
PHOTO: PAUL CHIASSON, PC


Le Bloc existe depuis maintenant 20 ans. Promis par Lucien Bouchard à une existence aussi brève qu'efficace, le Bloc s'est au contraire ancré dans la longévité et ses succès électoraux ne se démentent pas.
Sa situation ambiguë de parti politique indépendantiste dans un parlement fédéral aurait pu lui valoir de moins bons résultats à chaque élection. Il doit sa longévité et son succès à l'habileté exceptionnelle de ses chefs, mais aussi à l'articulation systématique de ses mythes fondateurs.
1 - Le mythe de la puissance
Avec son premier slogan «Le vrai pouvoir», Lucien Bouchard établissait un mythe puissant, à la base des succès électoraux du Bloc. Ne pas faire partie du caucus du parti au pouvoir ni de celui du principal parti d'opposition, devenait alors une façon d'influencer avec plus d'efficacité le gouvernement fédéral, contrairement à la croyance établie. On ne peut prouver hors de tout doute que cela est faux, mais comme tout mythe, cela exige un acte de foi considérable.
L'idée sous-jacente est que contrairement aux autres partis où il faut faire des compromis avec les Canadiens des autres provinces, avec le Bloc on ne fait aucun compromis: on dicte nos exigences, on ne cède rien, et ils nous donnent tout ce qu'on veut!
2 - Le mythe de la pureté
En 2004, avec son slogan «Un parti propre au Québec», le Bloc exploitait habilement le scandale des commandites, tout en se prêtant une virginité inédite, que n'aurait ni les libéraux, ni les conservateurs. Ancré dans une certaine réalité - le Bloc n'aura jamais à se compromettre dans l'exercice du pouvoir - ce mythe incite également à croire que ses députés n'ont aucun intérêt personnel, encore moins d'intérêt de parti, qu'ils sont incapables de mensonge, de manipulation et de tromperie. Les députés bloquistes seraient-ils dotés d'une pureté inaccessible aux autres humains et aux autres partis?
3 - Le mythe de l'omnipotence
Le Bloc québécois est un parti indépendantiste de tendance sociale-démocrate. Pourtant, le Bloc sollicite les votes des Québécois de droite, des fédéralistes, des communistes, des libertaires, etc. Tous ces gens, aux visions parfois diamétralement opposées, seraient prétendument bien représentés par le Bloc, dès lors qu'ils sont Québécois. Comme si les Québécois n'avaient qu'une seule et même perspective de ce que sont leurs intérêts sur tous les enjeux politiques. Et comme si le vote principalement social-démocrate du Bloc n'avait pas d'effets délétères sur les autres partis, dont le NPD qui se voit affaibli devant le front uni de la droite.
4 - Le mythe de l'omniscience
Gilles Duceppe répète inlassablement à chaque élection: «Si c'est bon pour le Québec, le Bloc appuie, sinon il s'oppose.» Il est admis sans discussion que le Bloc sait toujours distinguer ce qui est bon pour le Québec, qu'il peut toujours faire avancer ce qui est bon ou bloquer ce qui ne l'est pas. Le Bloc serait omniscient en plus d'être omnipotent.
Le citoyen peut se désintéresser totalement de la politique fédérale et faire comme si la souveraineté était déjà réalisée, le Bloc s'occupe de tout et va toujours prendre les meilleures décisions pour nous. Cette vision de la démocratie ne donne généralement pas de très bons résultats partout où elle est appliquée.
5 - Le mythe de l'impuissance des Québécois
Suivant ce dernier mythe, les Québécois n'auraient aucun pouvoir hors du Bloc. Ce message répété à satiété est probablement le plus essentiel des mythes pour expliquer le succès du Bloc. Comment en effet justifier le sacrifice de renoncer à participer au choix du chef du gouvernement et de ses ministres, en évitant les partis de gouvernement que sont le PLQ, le PC et même le NPD? Le Bloc a réussi à faire croire que le vote des Québécois est inutile sauf s'il est en sa faveur.
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Jean-Yves Lajoie
L'auteur est professeur en gestion de projets à l'Université du Québec à Rimouski, campus de Lévis.

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Professeur en gestion de projets à l'Université du Québec à Rimouski, campus de Lévis.





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