L'opinion de Bernard Landry #36

Les enfants de l'espoir

Ce que nous ont fait les fédéraux justifie-t-il la colère, ou non?

Pierre Falardeau : 1946-2009


"L'espoir a deux enfants: la colère et le courage." Colère de voir l'état des choses, courage de le changer. Un homme comme Pierre Falardeau, à sa manière, a incarné cette maxime. Il s'est fâché à bon droit devant des aspects insoutenables de notre condition nationale et il s'est battu pour les conjurer tout en restant un humaniste créatif et talentueux. Son contact personnel était en plus très agréable.
Des faits profondément choquants d'hier et d'aujourd'hui doivent toujours être dénoncés sans ménagement. C'est une question de mémoire collective qui sert, en autres, à éviter leur répétition. La rancoeur n'est pas le fondement de notre combat national, ce qui ne veut pas dire que l'oubli et la tolérance négligente sont acceptables.
La déportation des Acadiens, un crime contre l'humanité dans le langage d'aujourd'hui, ne s'oubliera jamais. Les rapacités cruelles des forces anglaises lors de la conquête de Québec ne devaient pas être commémorées de façon théâtrale accompagnées d'un stupide bal masqué. La répression brutale, littéralement assassine et incendiaire des patriotes de 1837 fait partie de notre histoire. Tout cela est loin dans le temps, mais ne perd jamais sa gravité objective et sert à justifier avec tant d'autres motivations positives notre lutte pacifique pour l'indépendance.
Il n'est pourtant pas nécessaire de remonter le cours des siècles pour dénoncer vertement des gestes infâmes, bien que sans violences physiques, posés contre notre nation. Ils se sont produits dans le cadre de ce que l'on nous a présenté comme une confédération et qui ne fut jamais autre chose qu'une fédération, au début coloniale, et aux instincts centralisateurs perpétuels par la suite.
Wilfrid Laurier, ancien Premier ministre du Canada, et qui avait qualifié d'immoral le projet de l'Amérique du Nord britannique a déclaré en 1911: "Un Canadien-Français (Québécois aujourd'hui), comme Premier ministre, ne peut rien faire pour son peuple." Il avait encore plus raison qu'il ne le pensait. Pierre Elliott Trudeau et son école de pensée ont fait subir à notre nation des torts incroyables et l'ont traitée avec le mépris qui était à la base de leurs doctrines réductrices.
Trudeau, qui a déjà traité notre Premier ministre, Robert Bourrassa, de "mangeur de hot-dogs" n'a-t-il pas dit, et écrit, en parlant de la nation québécoise: "Comment l'indépendance pourrait-elle donner du génie à un peuple qui n'en a aucun?!". Il est plus que normal que certains emploient des "gros mots" devant autant de bassesse. Notre peuple indulgent et tolérant, a plutôt voté massivement pour lui par la suite. Il nous fera payer cher notre manque de vigilance à son égard.
En effet, comment expliquer qu'à l'occasion des pénibles événements d'octobre 1970, dénoncés par René Lévesque lui-même aussi bien que par presque toute notre société, Trudeau ait proclamé la Loi des mesures de guerre. Oui, "guerre" pour des violences certainement regrettables mais marginales et qui ne concernaient qu'un nombre extrêmement restreint de rebelles. "We were facing the most underequiped revolution eversince" comme l'a dit alors, très lucidement, le chef du NPD Ed Broadbent.
Pour cela, le gouvernement Trudeau a déployé l'armée canadienne dans notre Québec traditionnellement pacifique, alors que des milliers de policiers de la SQ, de la GRC et des municipalités auraient parfaitement pu assurer l'ordre et la sécurité. Que sont venues faire ici ces troupes payées par nos taxes sinon pour ameuter les esprits les plus vulnérables devant un projet d'indépendance par ailleurs clairement et totalement démocratique. Pour compléter cette oeuvre sinistre, furent emprisonnées cinq cents personnes qui n'avaient commis aucun crime ni violé aucune loi, dont Pauline Julien, Gaston Miron notre poète national, et tant d'autres citoyens irréprochables.
Dans les années 80, inspirés par les mêmes doctrines méprisantes, Trudeau et les siens ont changé la constitution contre la volonté claire du Québec, pourtant nation fondatrice et représentant alors le quart de la population du Canada. L'Irlande, avec cinq millions d'habitants sur cinq cent millions d'Européens a eu le pouvoir de bloquer le traité de Lisbonne. Ce que nous ont fait les fédéraux justifie-t-il la colère, ou non?
Et que dire des successeurs de Trudeau qui nous imposèrent l'insultante Loi sur la clarté dont même la Serbie n'aurait pas affligé le Montenegro. Puis le scandale des commandites, payé par nos taxes et criminalisé et qui avait pour but de violer notre conscience nationale.
Franchement, l'oeuvre globale du cinéaste et auteur Pierre Falardeau fut grandiose comme son engagement au service de notre patrie. Certaines colères, même accompagnées parfois d'excès de langage, seront toujours filles de l'espoir.
Bernard Landry


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