L'opinion de Bernard Landry #33

Chère Abitibi

L'opinion de Bernard Landry


Il n'y a pas de vraies montagnes en Abitibi, mais en conclure que cette région est plate serait une grossière erreur. L'Abitibi est un espace humain, géographique, culturel et économique extraordinaire. Elle est partiellement née du fait que les familles du sud du Québec étaient trop nombreuses pour les terres agricoles disponibles. Les regards se sont portés naturellement vers le nord-ouest où les espaces étaient sans limites à condition d'avoir le courage de s'y établir et de les défricher. C'est ainsi que les Beauchemin et tant d'autres quittèrent les abords du Chenail du Moine ou de la rivière l'Assomption pour aller donner naissance à cette fascinante région du Québec contemporain.
Il est à remarquer que ces valeureux fondateurs baptisèrent les lieux sans abuser des noms de saints comme il était courant et normal de le faire dans le Québec antérieur. Ils fondèrent Rouyn-Noranda, Val-d'Or, Amos, La Sarre, et Senneterre sans oublier Granada et Malartic.
La colonisation fut difficile, sinon héroïque, et la nature des sols bien différente de celle des basses terres du Saint-Laurent. Pourtant, il y a toujours de vaillants cultivateurs en Abitibi qui s'en tirent bien par leur ingéniosité et les technologies modernes qu'ils emploient. D'ailleurs le néfaste réchauffement de la planète pourrait bien leur réserver d'agréables surprises. Cependant il est clair que la forêt et les mines ont joué un rôle déterminant dans le rayonnement de l'économie régionale.
Ces deux secteurs sont présentement d'une humeur très différente. Avec l'or à $US 1000 l'once, et la demande mondiale pour les autres minéraux stimulés, et pour longtemps, par la croissance spectaculaire de l'Inde, de la Chine, et de beaucoup d'autres, l'Abitibi peut avoir confiance en son destin économique. Elle continuera aussi à contribuer grandement à celui du Québec tout entier comme elle l'a toujours fait.
Ce n'est pas rien que de déplacer la moitié d'une ville comme Malartic pour extraire l'or de son sous-sol! Globalement, la population a sagement compris que la prospérité a un prix qu'il faut payer, si elle est convenablement répartie et se crée en respectant le développement durable.
Pour la forêt, le contexte est évidemment très différent. Tous les malheurs ont frappé ce secteur en même temps: gestion de la ressource relâchée, conflit du bois d'oeuvre, coût de transport et effondrement de la demande. On n'a jamais vu un secteur subir tant de chocs à la fois. Par ailleurs, la conjoncture économique, par définition, est une chose qui évolue. Des arbres, ça repousse, une gestion forestière cela se resserre. Et n'oublions pas que l'Abitibi est non seulement le terroir des épinettes noires, mais aussi celui de Richard Desjardins! Il s'y trouve donc de puissants facteurs d'équilibre. Les produits de deuxième et troisième transformation et leur valeur ajoutée par la technologie, sans oublier le vaste potentiel de la bio-masse justifient un optimisme certain pour l'avenir. Le fait de pouvoir chasser et pêcher dans cet environnement extraordinaire de forêts et de lacs ne doit pas non plus être négligé, ni sur le plan de la qualité de vie, ni sur celui de l'économie touristique.
Tout cela dit, on n'a pas encore parlé de ce qui est sans doute la plus éblouissante richesse de l'Abitibi et qui n'a rien à voir avec le sol et le sous-sol: le dynamisme culturel et intellectuel de la région. Il y a, toute proportion gardée bien entendu, plus d'événements culturels majeurs en Abitibi qu'à Montréal et à Québec, et sans disputes sur les dates!
L'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue est un gisement intellectuel plus concentré que celui de plusieurs mines. Elle a en particulier le génie d'épouser son environnement nordique. Par exemple, elle a créé une liaison admirable avec la nation Crie dans le sillage de la Paix des Braves. Elle se préoccupe aussi du destin des autres aborigènes de la région. Il faut d'ailleurs prendre acte de ce dynamisme et de cette géographie pour localiser certains enseignements universitaires là où ils doivent l'être.
Nous allons beaucoup en Gaspésie, c'est merveilleux. Ne pas aller en Abitibi est une faille dans l'amour territorial que l'on doit au Québec. On n'y voit pas la mer mais il y a tellement de merveilleux lacs. En plus, on y trouve des attractions immatérielles surprenantes. Certaines terrasses de café, de la "Bitte à Tibi" sont presque aussi charmantes, le croiriez-vous, que celle des Deux Magots à Paris! Je parlerai un jour du Témiscamingue, son voisin uni par un trait-d'union et la géographie, mais sachez qu'il est aussi très séduisant. Entre autres merveilles, il produit un caviar aussi bon que celui de la mer Caspienne!
Bernard Landry


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