La plus importante fuite de données de l’histoire du journalisme a fait trembler la planète entière dimanche. Les « Panama Papers », qui ouvrent une brèche 1500 fois plus imposante que celle créée par WikiLeaks, exposent plus que jamais l’usage des paradis fiscaux par les plus riches de ce monde. Et il ne s’agit que de la « pointe de l’iceberg », notent les experts consultés par Le Devoir.
Les documents qui attirent aujourd’hui l’attention ont d’abord été obtenus par le quotidien allemand Süddeutsche Zeitung. Le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) a ensuite réparti le travail d’exploitation entre les publications membres.
Pendant près d’un an, plus de 370 journalistes oeuvrant au sein d’une centaine de médias différents ont épluché quelque 11,5 millions de documents, soit 2600 gigaoctets de données secrètes. C’est une source anonyme qui a transmis ces données au quotidien établi à Munich par communication chiffrée, sans exiger de contrepartie financière et moyennant le respect de certaines mesures de sécurité qui n’ont pas été dévoilées, a raconté Bastian Obermayer, un des journalistes de la publication allemande.
Parmi les médias partenaires connus, on compte Le Monde, la BBC et The Guardian. Au Canada, seuls CBC/Radio-Canada et le Toronto Star ont eu accès aux données.
Celles-ci concernent les documents internes de Mossack Fonseca, un cabinet d’avocats établi au Panama. Fondée par l’Allemand Jürgen Mossack, la firme a des bureaux un peu partout sur la planète et figure parmi les plus importants créateurs de sociétés fictives au monde, selon le Süddeutsche Zeitung.
L’ICIJ a précisé que les documents comprenaient des courriels, des feuilles de calculs financiers, des passeports et des dossiers d’entreprises montrant comment de richissimes clients ont eu recours à des banques, à des cabinets d’avocats et à des sociétés fictives pour dissimuler leurs avoirs. L’organisme a par ailleurs annoncé qu’il publierait la liste complète des entreprises et des particuliers visés au début du mois prochain.
Personnalités connues
Le portrait est renversant : plus de 214 000 sociétés étrangères ont été créées ou administrées par Mossack Fonseca entre 1977, année de fondation du cabinet, et 2015. Le tout dans 21 paradis fiscaux différents, au profit de clients provenant de quelque 200 pays et territoires.
Ces clients proviennent des quatre coins de la planète et sont dans certains cas bien connus : des proches du président chinois, Xi Jinping, des personnes provenant du cercle rapproché du président russe, Vladimir Poutine, le premier ministre islandais, Sigmundur David Gunnlaugsson, et les étoiles du soccer international d’hier et d’aujourd’hui Michel Platini et Lionel Messi apparaissent notamment dans les documents.
Selon la compilation effectuée par Le Monde, 12 chefs d’État — dont 6 en activité — et 128 dirigeants politiques ou hauts fonctionnaires ont eu recours aux sociétés décrites dans les « Panama Papers ». Parmi les personnes visées, on compte 29 des 500 personnes les plus riches du monde.
Selon Radio-Canada, aucune personnalité canadienne de « premier plan » n’apparaît dans les documents. On y décèle toutefois la présence d’institutions financières connues, comme la Banque Royale du Canada (RBC), qui aurait créé plus de 370 sociétés-écrans, surtout au Panama et aux îles Vierges britanniques. Une porte-parole de la RBC a réagi en indiquant que la banque avait mis en place des processus pour détecter l’évasion fiscale et qu’elle procédait aux vérifications qui s’imposent auprès de chacun de ses clients.
L’ampleur de l’évitement
Dans une déclaration obtenue par le diffuseur public, le cabinet Mossack Fonseca a pour sa part indiqué qu’il « n’incite pas à commettre des actes illégaux ». « Vos allégations que nous fournissons des actionnaires et des structures dans le but de cacher l’identité des vrais propriétaires sont complètement fausses », ajoute la firme.
Les « Panama Papers » constituent une fuite d’une ampleur inégalée, mais ce qu’ils révèlent ne surprend pas les experts qui s’intéressent à la question des paradis fiscaux. « Ce n’est que la pointe de l’iceberg, affirme André Lareau, professeur de droit à l’Université Laval, spécialisé en fiscalité internationale. L’utilisation des paradis fiscaux permet cette opacité qui facilite drôlement la tâche des voleurs fiscaux. Imaginez ce qui pourra être trouvé dans les autres paradis fiscaux. »
PARADIS FISCAUX
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