Rappel

Les souverainistes et la relation France-Québec, une vraie politique

France-Québec : fin du "ni-ni"?

[Anne Legaré soutient dans un article publié dans Le Devoir de samedi->12643] ce qu'elle soutenait déjà dans son livre Le Québec, otage de ses alliés, paru récemment chez VLB éditeur, à savoir que la volonté d'intégration continentale, sans réserve aucune, de la part des souverainistes, au moment de l'adoption de l'accord de libre-échange Canada-États-Unis en 1988, a eu comme conséquence que le Parti québécois et le gouvernement dirigé par les souverainistes, de 1994 à 2003, ne se sont pas suffisamment intéressés à la France.
Nous avons débattu ensemble de cette question au Salon du livre de Québec en avril dernier, mais je voudrais, moi aussi, y revenir. Les souverainistes, d'après Anne Legaré, n'auraient pas eu de véritable politique à l'égard de la France et n'auraient pas suffisamment pris en compte la dualité de l'identité québécoise et l'ensemble de nos intérêts dans le monde. Le Québec aurait été l'«otage» de ses deux principaux partenaires qui se seraient servis de lui, dans un cas pour atteindre ses objectifs de domination du continent, dans l'autre pour se rapprocher du Canada.
Injuste
Cette analyse est injuste. Car même les plus continentalistes des souverainistes québécois sont très conscients des liens forts et nécessaires qui doivent nous unir à la France et à la Francophonie. C'est pourquoi le gouvernement du Parti québécois, qui reflétait dans sa composition les diverses tendances du mouvement souverainiste, a organisé la première Saison du Québec, en 1999, en France (la deuxième devait se tenir à New York en septembre 2001 et la troisième, malheureusement la dernière, a eu lieu en novembre 2003 au Mexique).
Le choix de la France était délibéré: nous avions décidé d'aller d'abord en France pour présenter le Québec actuel, dans sa diversité et sa globalité, culturelle, économique, scientifique et technologique, parce que nous considérions que c'est dans ce pays que ce que nous faisons a le plus de résonance. Par ailleurs, dès 1998, au moment où le Canada nous refusait même un strapontin dans les discussions qui commençaient sur la diversité culturelle, c'est avec la France que nous avons mis sur pied un groupe de travail qui a permis à deux juristes, Yvan Bernier et Hélène Ruiz-Fabri, de publier la première étude sur la faisabilité d'un instrument juridique international.
Il est bien évident que sans cette alliance franco-québécoise, jamais le gouvernement fédéral n'aurait accepté, malgré mes demandes répétées, que la ministre de la Culture soit membre de la délégation canadienne dans les divers forums internationaux discutant de ce dossier qui a une importance existentielle pour le Québec. Nos intérêts vitaux étant en jeu, nous avons été capables, sans hésitation, dès la première heure, grâce à la qualité de notre relation politique avec la France, de nous imposer et de prendre la parole en notre propre nom dans certaines conférences internationales et ainsi de nous opposer sur le fond des choses à la volonté américaine de contrer l'évolution positive vers l'adoption d'un traité concernant la diversité culturelle.
Le Conseil des ministres avait aussi décidé, en 2003, de créer à Paris, boulevard de Sébastopol, un Centre Québec Europe dont l'originalité résidait dans le fait qu'il devait réunir sous le même toit, entreprises et créateurs qui désiraient partir à la conquête de la nouvelle Europe. Enfin, lorsque nous avons nommé Clément Duhaime délégué général du Québec à Paris, nous avons accédé à sa demande de nouveaux fonds et de nouveaux postes pour qu'il puisse accomplir sa mission dans de bonnes conditions.
Dans la nature des choses
Ces quelques exemples montrent que, lorsque les enjeux stratégiques du Québec sont en cause, c'est d'abord vers la France que les souverainistes québécois se tournent pour les porter sur la scène internationale. Il y a donc eu et il y aura toujours une véritable politique à l'égard de la France; c'est dans la nature des choses.
Le mouvement souverainiste étant par définition un vaste rassemblement, plusieurs voix s'y font entendre: certaines sont résolument opposées à la politique américaine dans le monde et favorables au contrepoids que représentent, au moins à l'occasion, la politique étrangère française et la Francophonie comme possibles alternatives à une mondialisation unipolaire et néo-libérale.
Là, cependant, où nous nous rejoignons, Anne Legaré et moi-même, c'est lorsqu'elle affirme que les limites de l'action internationale du Québec, dans un cadre fédéral canadien, sont rapidement atteintes Pour aller plus loin et réussir ce que l'on a réussi avec la France ailleurs dans le monde, par exemple au Brésil qui, dans notre l'hémisphère, joue, depuis l'élection du président Lula, un rôle important pour contrebalancer celui de l'hyperpuissance, il faut que le Québec devienne un pays, au même titre que les 191 autres membres des Nation unies.
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Louise Beaudoin : Professeure associée, Département d'histoire, Université du Québec à Montréal


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